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monftrer à des eftrangers, lors que les Megalopolitains fes citoyens furent fi preffez de la guerre, que tout leur plat païs estant perdu & gasté, ilz fe retirerent dedans le pourpris de leurs murailles, & femerent les places vuides & les rues de leur ville pour vivre, ayant leurs ennemis campez prefque jufques dedans leurs portes : & luy cependant faisant la guerre aux Candiots, & fervant des eftrangers oultre mer, donna occafion à fes malvueillans de luy mettre fus, qu'il fuyoit à combatre pour la defense de fon païs. Toutefois il y en avoit d'autres qui difoyent, que pour autant que les Achaïens elifoyent d'autres capitaines generaux que luy, il avoit voulu fe trouvant homme privé employer fon loifir en la charge de capitaine general des Gortyniens, qui l'en avoyent envoyé prier à grande instance : car il eftoit homme qui ne pouvoit refter oifif, & qui vouloit fur toutes chofes maintenir en conti nuel exercice fa vertu militaire, & mettre en action fa fuffifance en l'art de bien conduire une armée. A quoy fe rapporte une parole qu'il dit un jour du roy Ptolomæus : car comme quelques autres le haultlouaffent, difans qu'il exercitoir très bien son armée, & que luy mefme dressoir & endurciffoit fort fa perfonne tous les jours à l'exercice des armes : « Ce n'eft, dit il, pas chofe » louable à un roy, en l'aage où il est, de se Tome IV. E

» dreffer encore à l'exercice des armes : car il » les deuft hormais realement & de faict em

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XXII. Tant y a que les Megalopolitains furent fi mal contens de cefte fiene absence, laquelle ilz eftimerent eftre une espece de trahison, qu'ilz le voulurent bannir & priver du droit de bourgeoifie de leur ville, & l'euffent faict n'euft efté que les Achaïens y envoyerent leur capitaine general Aristænetus, lequel encore qu'il euft quelques differents avec Philopamen, touchant les affaires de la chofe publique, ne voulut pas pourtant fouffrir qu'il fuft par fentence banny: & depuis voyant que fes citoyens ne faifoyent plus compte de luy, il feit par defpit soubflever & rebeller à l'encontre d'eulx plufieurs petites villes & villages du plat païs, leur enfeignant à dire & mettre en avant qu'ilz n'eftoyent point leurs fubjects, ny n'avoyent point efté leurs contribuables dès le commencement, & fi leur aidoit à le maintenir publiquement, en brouillant la ville de Megalopolis de ce procès devant le confeil de la ligue des Achaïens. Ces chofes advindrent quelque temps après: mais pendant qu'il feit la guerre en Candie pour les Gortyniens, il ne s'y porta point en Peloponesien, ny en homme né au païs de l'Arcadie, faisant la guerre magnanimement & à la defcouverte,

ains fe transforma ès meurs des Candiots ufant de leurs ruzes, cautelles, furprifes & embufches à l'encontre d'eulx mefmes, & leur feit cognoiftre que toutes leurs fineffes n'eftoyent que jeux d'enfans, par maniere de dire, à comparaison de celles qui eftoyent inventées & conduittes par le fens d'un bon capitaine, experimenté & exercité à faire la guerre à bon efciant.

il

XXIII. Ayant donques un très glorieux renom pour les chofes qu'il avoit faittes en Candie, s'en retourna au Peloponefe, là où il trouva que Philippus roy de Macedoine avoit efté desfait en bataille par Titus Quintius, & que les Achaïens joincts avec les Romains faifoyent la guerre au tyran Nabis, contre lequel il fut incontinent à fon retour eleu capitaine, & luy prefenta la bataille par mer: en laquelle il luy prit prefque tout ainfi qu'il feit jadis à Epaminondas, pource que l'iffue de cefte rencontre fut de beaucoup pire que lon ne l'attendoit de fa vertu & de fa renommée. Toutefois quant à Epaminondas, aucuns veulent dire qu'il s'en retourna vouluntairement de l'Afie & des ifles fans rien faire, pource qu'il ne vouloit pas que fes citoyens gouftaffent les gaings & profits de la marine, de peur qu'au lieu de bons combatans de terre ferme, ilz ne devinfent, comme dit Platon, petit à petit mariniers dissolus. Mais au contraire Philopomen prefumant que la fuf

fifance qu'il avoit de bien dresser une bataille en terre ferme, luy ferviroit affez & fuffiroit encore en la marine, apprit à fes defpens, quel lieu tient l'exercitation en la vertu, & combien elle adjouste de force en toutes chofes à ceux qui font bien experimentez: car non feulement il fut batu en ce combat de mer, pour n'estre pas bien entendu au faict de la marine, mais encore feit il une autre très lourde faulte : c'eft qu'il feit tirer en mer un vaiffeau, lequel autrefois avoit bien efté fort bon, mais il y avoit quarante ans qu'il n'avoit flotté, & embarqua de fes citoyens deffus, lefquelz cuiderent tous perir, pource que le vaiffeau faifoit eau de toutes parts.

XXIV. Ceste roupte fut cause que fes ennemis l'eurent en grand mefpris, fe perfuadans qu'il s'en feroit du tout fouy, & leur auroit entierement quitté la marine, au moyen dequoy ilz allerent fierement mettre le fiege devant la ville de Gythium: dont Philopamen estant adverty, embarqua foudainement fes gens, & leur alla courir fus au defprouveu, ainfi qu'ilz ne se doubtoyent de rien, ains estoyent escartez çà & là, fans foy tenir fur leurs gardes : à raison de la victoire qu'ilz venoyent de gaigner. Si defcendit habilement fes gens en terre de nuict, & alla mettre le feu dedans leur camp, qu'il brusla tout entierement, & en ceft effroy en tua un bien

que

grand nombre. Peu de jours après ceste surprise le tyran Nabis fe trouva foudainement devant luy, ainsi qu'il avoit à paffer par un très mauvais & dangereux paffage : dequoy les Achaïens furent bien estonnez, cuidans de prime face qu'il fuft impoffible, que jamais ilz se peuffent tirer à fauveté hors d'un fi perilleux endroit, attendu les ennemis en tenoyent toutes les advenues. Mais Philopamen s'arrestant un peu fur foy, confidera toute la nature & fituation du lieu, & après l'avoir bien confiderée, monftra evidemment, que de toute l'art militaire le plus grand poinct eft, fçavoir bien felon le temps & l'affiette du lieu ordonner une armée en bataille: car il ne feit que changer un peu la forme de fa bataille, & l'accommoder à la fituation du lieu, auquel il eftoit enclos: & en ce faifant, fans trouble ny tumulte, il ofta toute la doubte du danger, & chargea ses ennemis de telle forte, qu'il les tourna en peu d'heure tous en fuitte: & voyant qu'ilz ne fuyoyent pas tous en trouppe vers la ville, ains s'efcartoyent parmy les champs çà & là, il feit fonner la retraitte, defendant que lon ne les chaffaft plus, pourautant que tout le païs à l'environ eftoit païs couvert & boffu, malaisé pour gens de cheval, à caufe des ruiffeaux, vallées & fondrieres qu'il falloit paffer, & fe logea qu'il eftoit encore grand jour, se doubtant bien que les enne

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