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cheval luy ayant efté tué foubs luy. Or quelques jours après Cleomenes eftant adverty que les Megalopolitains s'eftoyent retirez en la ville de Messene, leur envoya faire entendre qu'il eftoit preft de leur rendre leur ville, leurs heritages & tous leurs biens: & Philopamen voyant que fes citoyens eftoyent fort joyeux de cefte nouvelle,

&

que chacun s'appreftoit pour s'y en retourner à grande hafte, il les en deftourna par les remonftrances qu'il leur feit, en leur donnant à entendre que Cleomenes ne leur vouloit pas tant rendre leur ville, que les prendre eulx mefmes avec leur ville, prevoyant bien qu'il ne pourroit pas tousjours demourer là pour garder des murailles & maisons toutes vuides, & que luy mesme à la fin feroit contrainct d'en partir. Cefte remonftrance feit arrefter les Megalopolitains : mais auffi donna elle occafion à Cleomenes de brufler & demolir une grande partie de la ville, & d'en emporter une groffe fomme d'argent & grande quantité de tout butin.

VIII. Depuis comme le roy Antigonus fuft venu au fecours des Achæïens contre Cleomenes, & que Cleomenes euft occupé le hault des montagnes de Sellafie, & faify tous les pas & advenues de ce quartier là, le roy Antigonus rengea fon armée en bataille tout auprès, en deliberation de l'affaillir & le forcer s'il luy eftoit possible.

Philopamen eftoit lors entre les gens de cheval avec ceulx de fa ville, qui avoyent à leur cofté les Efclavons bons combatans à pied & en grand nombre, lefquelz ferroyent la queue de toute l'armée. Or leur avoit il esté enjoinct & commandé qu'ilz fe teinfent tout coy fans bouger, jufques à ce que de l'autre poincte de la bataille où eftoit le roy en perfonne, on leur monftraft en l'air une cotte d'armes rouge attachée & eftendue au bout d'une picque : mais nonobftant ce commandement, les capitaines qui conduifoyent ces Efclavons n'eurent pas la patience d'attendre, & allerent tafcher à forcer les Lacedæmoniens, qui tenoyent le hault des montagnes : les Achæïens au contraire demourerent fermes en leur place, & fe tindrent en ordonnance comme il leur avoit esté commandé : parquoy Euclidas frere de Cleomenes, voyant ce defemparement & ceste separation des gens de pied des ennemis d'avec leurs gens de cheval, envoya foudain les plus legerement armez, & les plus difpos qu'il euft en fes trouppes, pour charger ces Efclavons par derriere, & effayer de leur faire tourner visage vers eulx, attendu qu'ilz eftoyent defnuez de gens de cheval: ce qui fut faict, & meirent ces legerement armez les Efclavons en grand trouble & grand defarroy. Quoy voyant Philopamen, & confiderant qu'il feroit bien aifé de rompre ces

que

armez à la legere & les faire retirer, attendu l'occasion mefme les appelloit prefque à ce faire, il s'en alla le remonftrer aux capitaines du roy qui conduifoyent la gendarmerie : mais quand il veit qu'il ne leur pouvoit mettre en tefte, & qu'ils ne faifoyent compte des raifons qu'il leur alleguoit, ains le tenoyent pour un fol, à cause qu'il n'avoit pas encore acquis tant d'eftime & de reputation, que lon le jugeaft homme pour pouvoir inventer ny executer une telle ruze de guerre, il s'y en alla luy mesme, y trainnant avec foy ceulx de fa ville: là où de premiere arrivée il meit ces legerement armez en grand trouble, & finablement les tourna tous en fuitte avec un bien grand

meurtre.

IX. Et pour encourager encore davantage les gens du roy Antigonus, & aller tout chaudement charger les ennemis, pendant qu'ilz eftoyent en ce trouble, il laiffa fon cheval & marcha à pied à travers lieux boffus & rabboteux, pleins de ruiffeaux & de fondrieres, ayant fur fon dos une cuirace d'homme d'armes, & le reste du harnois fort pefant : & combatant en ceft equippage à grande peine & grand mefaife, il eut les deux cuiffes percées de part en part d'un coup de javelot qui fe darde avec une courroye attachée au milieu : & combien que le coup n'entraft pas fort avant dedans la chair, fi fut il grand & roi

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de, car il percea les deux cuiffes d'oultre en oultre, tellement que le fer paffoit de l'autre cofté. Si demoura fur l'heure empeftré de ce coup, ne plus ne moins que qui luy euft mis des fers aux pieds, & ne fçavoit qu'il devoit faire : car la courroye attachée au milieu du javelot, luy faifoit grande douleur quand on cuidoit retirer le javelot par où il eftoit entré, & n'y avoit perfonne de ceulx qui eftoyent là prefens qui y ozast mettre la main d'autre cofté Philopamen voyant que le combat eftoit en fa plus grande fureur, laquelle fe pafferoit incontinent, perdoit patience de defpit, tant il avoit d'ardeur de retourner au combat: fi feit tant en retirant l'une de fes cuiffes & avanceant l'autre, qu'il rompit la hampe du javelot en deux, & s'en feit arracher les deux tronçons, l'un deçà l'autre delà: puis quand il fe fentit ainfi defpeftré, il meit incontinent l'espée au poing & s'en alla à travers les combatans aux premiers rencs affronter l'ennemy, de maniere qu'il renforcea grandement le courage aux fiens, & leur apporta une envie d'imiter fa prouësse.

X. Après donques que la bataille eust esté gaignée, Antigonus demanda à fes capitaines Macedoniens pour les tenter, qui les avoit meuz à faire partir & charger la chevalerie avant le figne qui leur avoit efté commandé : ilz refpondirent, qu'ilz avoyent efté contraints d'ainfi le

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faire contre leur voulunté, par ce qu'un jeune gentilhomme Megalopolitain eftoit allé avant le temps commencer la charge avec fa compagnie : & adonc leur dit Antigonus en riant, « Ce jeune gentilhomme là que vous dittes, a fait un tour de fage & vaillant capitaine ». Ceft exploit d'armes joint avec le tefmoignage d'Antigonus, comme lon peult penfer, donna grande reputation à Philopomen. Si luy feit le roy Antigonus très grande instance qu'il vouluft prendre party avec luy, luy offrant compagnie de gens d'armes, & bien bon appointement s'il vouloit aller à fon fervice: ce que Philopamen refufa, pour autant principalement qu'il cognoiffoit fa nature, & que difficilement il fe fuft rengé au vouloir & commandement d'autruy.

XI. Mais auffi ne voulant pas demourer oifif ny estre fans rien faire, il monta fur mer & s'en alla en Candie, là où il fçavoit qu'il y avoit guerre, pour tousjours fe duire & s'exerciter de plus en plus aux armes : & après y avoir demouré long temps à s'agguerrir avec les Candiots, qui font bien bons combatans & fort addroits à toutes fortes de ruzes de guerre, & davantage fort fobres & eftroicts en leur vivre, il s'en retourna en Achaïe, avec fi bon nom & fi grande reputation envers un chacun, qu'il fut incontinent eleu capitaine general de la gendarmerie ; & là à fon Tome IV.

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