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que

les sons des mots parlés à la nôtre. Comme donc l'écriture est pour ceux qui entendent, un moyen de conserver et de perfectionner le langage parlé, elle est pour les sourds-muets un point d'appui pour parvenir à la langue parlée. »>

«D'après ces considérations, voici les principes qui nous guident dans l'instruction des sourds-muets: 1o Le sourd-muet est supposé originairement égal en facultés intellectuelles à l'enfant doué de tous ses sens. 2o Chez lui, comme chez les autres hommes, le développement de l'intelligence ne peut s'opérer que par le langage. 3o Il doit apprendre la langue des hommes au milieu desquels il vit. 4o Comme notre langue peut être traduite en formes visibles, le sourd-muet doit pouvoir l'apprendre sans langage intermédiaire. 5o L'enseignement d'un langage de signes formé sur le modèle de notre langue parlée, ne rempliroit point le but qu'on se propose, et s'opposeroit à toute communication facile avec les autres hommes. Le langage naturel par gestes et par le jeu de la physionnomie, qui occupe une place importante dans les premiers essais de langage des autres enfans, peut être d'un grand secours dans l'instruction des sourds-muets. Un second moyen très-utile est fourni par les figures. 7o L'écriture est la base de l'instruction; c'est par elle que le sourd-muet apprend notre langue. 8° La langue parlée peut être comprise par la physionomie, et par conséquent peut être imitée par le sourd-muet. Elle est pour lui basée sur l'écriture, elle y est unie étroitement, elle en est comme une reproduction. 9° L'instruction dans la langue parlée est toujours en même temps un exercice de la langue écrite, elle ôte ce que celle-ci a de lourd et de lent, elle facilite la communication et rapproche autant que possible le sourd-muet des autres hommes. 10° L'enseignement de la langue doit être conduit de telle sorte qu'en avançant l'élève éveille, active et perfectionne toujours plus ses facultés. »

« Lorsque le sourd-muet est ainsi en état d'entrer en commerce avec nous par la parole et par l'écriture, il a reconquis ses rapports civils, ses droits et ses devoirs, il est parvenu à la connoissance claire du bon et du vrai, il est animé par la persuasion d'une destination supérieure, d'un bonheur à venir, et cela peut lui sufire,

car il n'est aucun pays de la terre où la moitié seulement des sourdsmuets susceptibles d'instruction, reçoive un semblable bienfait. Du reste, les instituts qui leur sont destinés, ne doivent jamais consacrer trop de temps à obtenir de brillans succès sur quelques sujets, tandis que la majeure partie de ces infortunés manquent complétement de culture. » ( Morgenblatt ).

3) TETUAN, dans l'empire de Maroc. - Le pacha de Tetuan n'est visible que pour ceux qui veulent payer cet honneur ; mais deux pains de sucre ou deux livres de café suffisent à un étranger pour l'obtenir. Aussi a-t-on comparé ce prince à une bête féroce que l'on montre dans une loge; et la comparaison est d'autant plus juste, qu'il est affligé d'une affreuse éléphantiasis, et que l'enflure de ses jambes le tient presque entièrement confiné dans son habitation. Je trouvai cependant qu'il avoit plus de sensibilité qu'on ne lui en auroit attribué d'après son extérieur. Il me fit promener dans son jardin qui étoit très-bien arrangé et bien entretenu; mais au milieu il y avoit une fontaine qui ne couloit plus, et qui étoit surchargée de mousse et de mauvaises herbes. Lorsque je lui témoignai mon étonnement de cette négligence, il me dit : « Cette fontaine appar<< tenoit à une épouse favorite qui avoit coutume de boire de son eau, « et qui en cultivoit les alentours de ses mains; la fontaine ne jail« lira plus, et le jardin restera inculte, parce que celle qui y pre« noit son plaisir, ne peut plus en jouir.

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La disposition mélancolique de Son Excellence avoit été fortifiée ce jour là par une demande pressante de l'Empereur, à laquelle il ne pouvoit plus se soustraire : il devoit envoyer à Maroc une forte somme d'argent. Dans cette position difficile, il fit demander fort poliment aux chefs des Juifs un léger emprunt. Mais le premier d'entr'eux se présenta et lui dit fièrement : « Vous ne devez « pas croire que mes frères soient disposés à réparer les malversa«tions de Votre Excellence, après qu'elle leur a extorqué tant d'ar« gent, et qu'elle les a fait si souvent bâtonner qu'il leur reste presqu'aussi peu d'argent dans leur bourse que de chair sur le dos.» En

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tout autre temps, une telle hardiesse auroit coûté cher à l'orateur; mais les Juifs savoient que le pacha étoit tombé en disgrâce, et ils étoient décidés à ne pas l'aider à sortir de ce mauvais pas, dans l'espoir qu'il n'en perdroit que plus tôt sa place.

La ville de Tetuan est grande, elle a environ 30,000 habitans. Sa situation est la plus favorable de toutes celles de l'empire de Maroc, pour le commerce avec l'Europe; seulement les bancs de sable qui se trouvent à l'embouchure de la rivière, empêchent tous les vaisseaux chargés de plus quatre-vingts tonneaux, de s'approcher de la ville. Celle-ci est située près de la belle montague de Rif, dont les misérables habitans à moitié nus, sont la terreur des citadins. Les soldats qui nous accompagnoient ne voulurent pas s'aventurer dans la montagne, parce que les Rifiens ayant enlevé la nuit précédente quelques femmes mauresques, auroient pu croire que nous allions à leur recherche. Cette contrée seroit fort intéressante pour un chasseur; car on ne fait pas un pas sans faire lever quelque pièce de gibier. Les Maures ne savent pas tirer les perdrix au vol, ils les poursuivent jusqu'à ce qu'elles tombent de fatigue. On peut chasser ici toute l'année; seulement on s'en abstient spontanément pendant la saison où les oiseaux couvent. Cependant l'on mange et l'on exporte une grande quantité d'œufs. Les sangliers, dont les Musulmans ne doivent pas manger, sont ici en abondance. Le long de la côte, du côté d'Oran, on voit beaucoup d'antilopes et de gazelles; ces dernières ne sont pas faciles à ap privoiser, et ne vivent pas long-temps lorsqu'on les enferme; tous les efforts faits pour les transporter dans d'autres pays, ont échoué. Hors de leur état de nature, elles mangent tout ce qu'elles rencontrent, et meurent ordinairement d'indigestion.

Pendant notre séjour à Tetuan, toute la côte étoit très-animée. Un vaisseau génois étoit à l'ancre, en dehors du banc, vers l'embouchure de la rivière, pour prendre un convoi de pélerins qui se rendoient à Alexandrie. Les vents contraires retardoient le départ, et les Maures s'étoient campés sur le bord de la mer. Tout leur équipage pour ce long pélérinage qui, avec la visite de Médine et de Jérusalem, dure une année, consiste en un tapis sur lequel ils

dorment. Ceux qui ne peuvent point se procurer de tente, suspendent, comme les Bohémiens, un tapis semblable à un pieu. Une bourse de peau et un petit paquet renferment le reste de leur avoir. Ils sont ordinairement sous les ordres d'un shérif, qui maintient sur terre l'ordre de la marche. Ils préparent leur viande de manière à n'avoir besoin d'aucun vase. On fait en terre un creux allongé, où l'on allume un feu de bois; on passe un bâton dans la viande qui est placée au-dessus du feu, et on la tourne avec la main jusqu'à ce qu'elle soit cuite.

Rien ne donne une plus forte preuve de la puissance de la religion mahométane que la foule des pèlerins qui se rendent à la Mecque. Depuis le paysan jusqu'au prince, tous sont animés du même espoir, du même désir de faire ce voyage qui doit faciliter leur entrée dans la tombe, les purifier de tous les péchés de cette vie, et leur assurer le bonheur éternel dans l'autre. Le nom de Hadjee leur assure une gloire, une estime à laquelle chacun aspire, et que personne ne pense acheter trop cher au prix des efforts de toute une vie. Les pélerins sont ordinairement entourés d'une foule de misérables qui les accompagnent jusqu'à l'endroit de leur embarquement. Là ils attendent le moment du départ, et alors ils s'accrochent aux cables et aux côtés du navire, et supplient leurs compatriotes, au nom du St. Prophète, de ne pas les empêcher de faire pénitence à son tombeau. Il ne reste plus aux pélerins embarqués que de choisir entre les deux partis, ou de jeter ces supplians à l'eau, ou de les emmener. Comme le voyage qu'ils entreprennent est un voyage de pénitence, il est rare qu'ils se montrent durs envers leurs frères. Les motifs que ceux-ci donnent pour exciter la pitié, sont de diverses sortes. L'un assure qu'il est shérif, qu'un sang royal coule dans ses veines, mais qu'il n'a point d'argent dans sa bourse; l'autre qu'il a commis des crimes dont la punition retombera sur ceux qui le repoussent; un troisième qu'il a un vieux père aveugle, lépreux, dont l'unique espérance est l'accomplissement de son vou, etc.; et comme l'on ne peut s'occuper dans un pareil moment, de la vérification de ces motifs, le capitaine finit par être obligé de prendre sur son bord le double du nombre sur le

quel il comptoit. Il part aussi tous les ans de Maroc une caravane qui traverse le désert Angad, qui passe par Oran, Alger et Tripoli, et à laquelle se joignent les pèlerins de ces villes. Ce voyage par terre est bien plus pénible, et exige bien plus de persévérance et d'énergie que le voyage par mer qui conduit les pèlerins jusqu'au Nil. Outre cela la caravane est appelée à combattre les Bédouins qui comptent la piller, comme ailleurs on compte sur la moisson. Et comment toutes ces peines sont-elles payées? Par le bonheur de baiser une pierre noire, et de boire de l'eau de la fontaine d'Hagar. Les Consuls européens tremblent chaque année au retour des pélerinages, parce qu'ils ne peuvent persuader aux Maures de faire observer la quarantaine. Ainsi la peste s'introduit fréquemment en Barbarie, et en particulier, il y a quinze ans qu'elle enleva sur cette côte une foule d'hommes. Chacun sait que les Mahometans considèrent toute mesure prise contre un mal, comme un péché, comme une opposition à la volonté de Dieu, et qu'ils se contentent de prononcer les mots Allah Akber, quand ils prennent aux cadavres leurs vêtemens empestés. (Morgenblatt).

4) De l'usage du verre chez les anciens. — A propos d'une croisée que l'on voit sous la voûte d'un toît, dans une salle de bain de Pompeïa, Sir W. Gell, auteur d'un ouvrage intitulé Pompeïana, observe que les vitres des fenêtres, chez les Romains, n'étoient pas toujours en verre coulé, mais souvent aussi en lames de cristal, légèrement polies d'un seul côté, afin d'empêcher qu'on ne pût voir du dehors dans les appartemens. Ces lames coupées en forme de croix étoient incrustées dans des bandes de cuivre. On croit que le verre dont on fit d'abord usage à Rome, étoit apporté d'Egypte. Il paroît que le cristal fut peu connu des anciens jusqu'à l'an de Rome 536. Les savans semblent s'être complètement trompés sur l'époque à laquelle on apprit à le travailler. Sans parler de la description d'un verre à brûler, que l'on trouve dans les Nuées d'Aristophane, la collection de fragmens que forma Mr. Dodwell, à Rome, et qu'il fit ensuite repolir, est suffisante pour prouver que tous les marbres connus

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