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PHILOSOPHIE PRATIQUE.

REMARKS ON THE DISPOSITION WHICH NOW PREVAILS TO

FORM ASSOCIATIONS, etc. Remarques sur l'esprit d'association; par W. E. CHANNING. Londres, 1830. Brochure in-8°.

Le nom de l'auteur auquel nous empruntons les pages suivantes n'est pas ignoré de nos lecteurs. Ils ont pu apprécier déjà, dans l'Essai sur le caractère et les écrits de Milton (1) son talent de littérateur et d'écrivain. L'originalité de ses vues, l'abondance de ses idées, la justesse de la plupart de ses jugemens le rendent digne d'être plus généralement connu. Grâces à la flexibilité de son esprit qui s'est exercé sur les genres les plus différens, nous avons pu choisir parmi ses productions nombreuses et variées un morceau qui ne ressemble en rien à celui que notre recueil a publié et qui fera connoître Mr. Channing sous un jour tout nouveau. Ce n'est plus le littérateur avec son imagination brillante, son style plein de vigueur et de poésie, qui a écrit ces remarques; elles sont l'œuvre du philanthrope éclairé, du sage observateur des hommes toujours riche, il est vrai, de pensées et d'expressions,

(1) Voyez les cahiers de novembre et décembre 1830 de la Bibliothèque Universelle.

mais abondant surtout en réflexions utiles et en prudens conseils. Le sujet traité par l'éloquent Américain nous a paru avoir le mérite de l'à-propos; aujourd'hui que dans ła société, depuis les rangs les plus élevés jusqu'aux classes les plus inférieures, tout se fait par association, ne convient-il pas d'apprécier la valeur de ce mode d'agir? La longueur de l'opuscule ne nous a pas permis de l'insérer en entier; mais ce que nous avons conservé suffira pleinement pour faire connoitre tout à la fois le mérite de l'écrivain et la sagesse de ses observations. Nous pensons qu'on ne le lira pas sans fruits, lors même qu'on ne seroit pas d'accord avec lui sur quelques-uns de ses principes.

Le penchant à former des associations et à tout accomplir au moyen de masses organisées, commence à susciter des opinions différentes. On entend les hommes judicieux et bien intentionés murmurer, de même que les gens moroses et égoistes, contre les sociétés sans nombre qui sollicitent modestement ou exigent impérieusement notre assistance, et qui nous assaillent tantôt avec de belles promesses pour le bien qu'elles se proposent de faire, tantôt avec d'emphatiques éloges pour le bien qu'elles ont déjà fait. Les plaintes qui s'élèvent contr'elles sont motivées le plus souvent, par quelque action injuste ou indélicate de leur part; jusqu'ici on n'a cherché à établir aucun principe général qui pût servir à apprécier la valeur de ce mode d'agir, ou à estimer le mérite relatif de chaque association. Sans pré

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tendre suppléer entièrement à cette lacune, nous espérons que nos observations conduiront à un jugement plus sage à cet égard. Tout homme qui médite sur les caractères de notre époque reconnoîtra que ce sujet mérite une attention sérieuse, et que son importance exige de profondes réflexions. Un des traits les plus remarquables du moment actuel est l'énergie avec laquelle se manifeste le principe de combinaison ou d'action au moyen de forces unies, d'individus associés. On peut dire, sans exagérer beaucoup, que tout se fait par des sociétés. Les hommes ont appris que dans certains cas l'union produit des merveilles, et ils ont cru, à ce qu'il paroit, que l'union peut tout produire. On nommeroit à peine un objet pour l'exécution duquel une association n'ait pas été formée. Quelques hommes veulent-ils répandre certaines opinions ou en combattre d'autres? Ils créent une société. Veulentils améliorer le code pénal ou soulager de pauvres débiteurs? Ils font des sociétés. Veulent-ils protéger l'agriculture, les manufactures ou les sciences? Ils forment des sociétés. Une certaine classe veut-elle encourager les courses de chevaux et une autre dissuader de voyager le dimanche? Elles établissent des sociétés. Ce principe d'association est digne de l'attention du philosophe qui étudie la société et cherche à découvrir ses plus puissans ressorts. Il importe au philanthrope de le bien connoître car c'est un instrument qui, soit en bien, soit en mal, peut produire des effets qu'aucun homme ne sauroit prévoir ou calculer.

Il est fort aisé, nous le concevous, d'expliquer ce grand développement du principe de coopération et d'en expo

ser les avantages. Les principaux argumens en sa faveur peuvent être présentés en peu de mots. Les hommes, dit-on, font ensemble ce que seuls ils n'exécuteroient pas. L'union des esprits et des bras opère des merveilles. Les hommes augmentent leur puissance d'agir en concentrant leurs forces. C'est par de communs efforts appliqués au même but, que la nature a été soumise, les montagnes percées, les pyramides construites, l'océan contenu par des digues puissantes. L'homme abandonné à lui-même, vivant sans compagnon, si tant est qu'il pût vivre de la sorte, seroit la plus foible des créatures. Associé à ceux de son espèce, il règne en maître sur les animaux, sur la terre et les mérs; l'accroissement de ses connoissances lui procure même une part à la propriété de cet

univers.

Ce n'est pas tout. Non-seulement les hommes augmentent leur puissance par l'union; mais ils acquièrent encore ainsi de la chaleur et de la vie. Le cœur s'enflamme une communication électrique s'établit entre ceux qui se trouvent rapprochés et les lie l'un à l'autre dans de communs travaux. L'homme languit dans la solitude. Aucun son ne produit sur lui le même effet que la voix de ses semblables. La seule vue d'une figure humaine animée d'une émotion généreuse, lui donne une énergie nouvelle pour agir ou pour souffrir. Non-seulement l'union rassemble en un faisceau des forces, qui séparées demeureroient sans résultat, mais grâces aux sentimens et aux intérêts qu'elle fait naître, elle devient un principe producteur, elle crée des forces et révèle à l'âme des pouvoirs qui, sans cela, seroient restés inconnus.

Nous avons énuméré les argumens par lesquels on justifie et l'on appuie d'ordinaire le penchant à l'association. Résumés en quelques mots, ils signifient que nos principes de sociabilité et nos relations sociales sont les grandes sources du perfectionnement et d'une énergique activité. Nous reconnoissons toute la vérité de cette observation; mais nous pensons en même temps, qu'on manque à cet égard de vues justes et d'un sage discernement; nous pensons que l'on ne saisit pas exactement l'avantage réel de la société ; que l'on apprécie rarement le véritable bien qu'on en peut retirer et le véritable danger auquel elle nous expose; nous croyons enfin que des erreurs ou des préjugés nous privent de plusieurs des bienfaits qui pourroient résulter pour nous de nos liaisons sociales. Plus nous serons éclairés sur ces divers sujets, mieux nous serons disposés à juger sainement les associations qui réclament notre appui. C'est là-dessus que nous allons donner notre opinion; nous prendrons la liberté d'étendre nos développemens, parce que, selon nous, les influences sociales tendent maintenant à dépasser les bornes où elles doivent être contenues et menacent particulièrement cette individualité de caractère pour la perte de laquelle elles ne peuvent offrir aucune compen

sation.

Le grand principe qui est notre point de départ et par lequel toutes nos vues sur les sujets ci-dessus énoncés peuvent être exprimées, est celui-ci : La société est d'une haute importance lorsqu'elle favorise et qu'elle produit l'énergie et la liberté morales et intellectuelles. Son action sur l'individu est bienfaisante en proportion de ce qu'elle

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