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chique absolu. « Au bout de soixante hivers, » dit le plus ancien historien de l'Islande (1), «l'île avoit autant d'habitans qu'elle pouvoit en nourrir. » Ils se gouvernoient en république, sous la présidence d'un magistrat électif, mais à vie, qu'ils nommoient organe de la loi (2). Leurs institutions étoient claires, précises et régulières. La division de l'ile en quatre parties égales, subdivisées en arrondissemens nettement délimités, est une preuve de cet esprit d'ordre, si remarquable dans une nation issue d'un peuple où la force décidoit de tout et où de fréquentes révolutions apportoient dans toutes choses l'instabilité et la confusion. Ce fut dans la dernière année du dixième siècle qu'un missionnaire saxon, envoyé par Olaüs, roi de Norwège, parut en Islande. Il fit quelques prosélytes, mais l'opposition de la masse du peuple le força à retourner en Norwège, où il annonça au roi que l'établissement du christianisme, dans l'île, lui sembloit impossible. Olaüs, dans le zèle outré d'une conversion récente (lui-même n'avoit reçu le baptême que l'année précédente), menaça de faire mutiler ou mettre à mort les Islandais qui aborderoient dans ses états. Or, le commerce avec la Norwège étoit indispensable à l'existence même des insulaires. Ceux-ci intercédèrent auprès d'Olaüs; l'ordre rigoureux ne fut point exécuté, et un autre prêtre, appelé Thormod, vint en Islande, au printems de l'an 1000. Avec lui rentra dans sa patrie un noble Islandais, Hialti, que l'assemblée générale de la nation avoit banni pour

(3) Are, surnommé Frode, ou le Savant.

(2) Læg-Sögö-madr.

avoir traité Odin et Frigga « d'idoles à têtes de chien, poussant d'affreux aboiemens. » Le nombre des chrétiens augmenta, et l'exaspération des idolâtres devint si grande que l'on craignit une guerre civile, fléau dont les annales islandaises n'offroient encore aucun exemple. Enfin l'assemblée des Comices alloit être rompue sans avoir pu prendre aucune résolution.

Dans ces graves conjonctures les principaux chrétiens s'adressèrent au premier magistrat Thorgeir (1), le conjurant de présenter les lois nécessaires pour le salut de la patrie commune. Thorgéir étoit attaché au culte d'Odin; et depuis quinze années, un des devoirs de son office avoit été de faire respecter cette religion comme étant la base des institutions nationales. « Le gardien des lois,» dit l'historien islandais, « après avoir accepté cette commission, s'enferma dans sa maison, se jeta sur son lit, et s'enveloppant la tête, demeura toute la journée dans un silence absolu. Le lendemain, il fit inviter tous les citoyens à se réunir en assemblée législative; et paroissant devant eux, il leur dit qu'il prévoyoit une dissolution imminente de la république, si tous ses habitans ne vivoient pas sous la même loi; qu'à la suite des discordes civiles, à la suite de l'interdiction du commerce avec le Danemarck et la Norwège, sa patrie lui sembloit menacée de retourner à son ancien état et de redevenir une solitude. Pour prévenir ces calamités, il conseilla d'embrasser la religion qui prévaloit partout ailleurs, d'ordonner que tous les Islandais recevroient le baptême, d'interdire, sous

(1) Vautour de Thor.

peine de bannissement, le culte public des anciennes divinités, mais d'autoriser leur adoration secrète, de ne rien changer, d'ailleurs, à ce qui concernoit les nouveaux nés et les festins de chair de cheval (1). Les propositions de Thorgeir furent adoptées à l'unanimité des voix, et au bout de peu d'hivers, les insulaires s'étant accoutumés aux règles du christianisme, les derniers restes des institutions payennes furent abolis par d'autres lois. >>

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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE DE J. PINKERTON, imprimée pour la première fois d'après les originaux en possession de Mr. Dawson TURNER. 2 vol. in-8°. Londres 1830 (London Literary Gazette).

Cet ouvrage doit être tout-à-fait du goût de ceux qui se plaisent au commérage de l'homme de lettres et de l'antiquaire, car il est rempli de conversations familières

(1) En termes couverts, Thorgeir proposoit de maintenir l'usage d'exposer les nouveaux-nés qui n'avoient point une constitution assez robuste pour gagner leur subsistance par leur travail. Quant aux festins de chair de cheval, on les défendoit aux nouveaux chrétiens, parce qu'aux fêtes solennelles des Scandinaves on immoloit sur les autels des trois principales divinités, Odin, Thor et Freyr, 99 chevaux 99 faucons, et 99 chiens de chasse.

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sur un grand nombre de sujets intéressans; et non-seulement il plaît à cause de la nature variée de ses recherches, mais il tire encore une grande valeur, tant du caractère des documens qu'on y rencontre, que de celui des hommes dont il nous fait connoître les opinions.

Parmi ceux-ci se distinguent surtout Horace Walpole, lord Buchan, lord Hailes, le Dr. Percy, évêque de Dromore, Gibbon, le Dr. Thorkelin, Malcolm Laing, Sir John Sinclair, le Dr. Gillies, Mr. Dome, Sir Joseph Banks, le Dr. Beattie, et d'autres personnages célèbres ; et quoique cette lecture ne conduise pas toujours à des résultats décisifs, des étincelles d'une vive intelligence jaillissent en grand nombre, presqu'à chaque page de ce recueil. Tel étant le ton général de cette correspondance, nous pourrions en faire des extraits d'une étendue considérable, avec la conviction de plaire à tout esprit cultivé, mais nous devons nous contenter, pour le moment, d'un choix limité.

Pinkerton étoit un homme doué de facultés extraordi ́naire et d'une grande instruction; s'il avoit ajouté la rectitude de la conduite, la bonté du caractère et la solidité des principes, à des talens naturels et acquis, il auroit presque été le Scott de son siècle et de son pays. Mais il ne possédoit aucune de ces qualités, et avec tous ses talens il devint un objet de pitié au lieu d'en être un d'admiration.

«La vie de Pinkerton,» dit l'éditeur,« étoit si exclusivement celle d'un homme de lettres, si peu remarquable par aucun événement étranger à ceux qui naissoient de ses publications, que l'on ne peut rien ajouter à ce qu'on peut en apprendre dans les lettres suivantes.

Pinkerton naquit le 17 février 1758 à Edimbourg où son père étoit marchand. Il n'eut d'autre éducation classique que celle qu'il reçut à Lanark, sous Mr.Thornton qui avoit épousé la sœur du poète de ce nom. Très-jeune encore il fut attaché à Mr. Aytoun à Edimbourg; mais son père étant mort au moment où il terminoit son apprentissage de clerc, il prit la résolution, dans un moment de dégoût, d'abandonner la loi et d'entrer dans le monde, comme un auteur de profession. Dans cette vue il fixa sa résidence à Londres et suivit avec ardeur son projet. Il se livra d'abord à de profondes recherches sur l'ancienne poésie de son pays; puis il s'appliqua successivement à la numismatique, à l'histoire, à la géographie et à la géologie, faisant de temps en temps des excursions dans les divers départemens de l'antiquité. Dans le cours de sa correspondance, il est fait plusieurs fois mention des ouvrages que firent naître ces différentes études, et de ses lettres savantes mais excentriques, sur la littérature, connues sous le nom fictif de Robert Heron. Il épousa une femme d'un grand mérite; mais l'irrégularité de sa conduite troubla le bonheur de cette union et lui fit perdre son rang dans la société. Dans la dernière partie de sa vie, il se retira pendant quelque temps à Edimbourg, et il résida en deux occasions différentes à Paris, où il mourut le 10 mai 1826.

Ses lettres sur la littérature ne furent pas publiées avant l'année 1783. Il auroit été heureux pour la réputation de Mr. Pinkerton, qu'elles n'eussent jamais paru. «Dans un exemplaire qui est sous mes yeux,» dit Mr. Turner, «et qui étoit, il y a peu de temps, la propriété d'un

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