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LÉGISLATION.

PRINCIPES DE LÉGISLATION CIVILE ET CRIMminelle, extraits des manuscrits de Bentham, par E. DUMONT ; traduits en allemand avec des notes, par le Dr. F. E. BEneke.

(Second article. Voyez p. 337 du volume précédent.)

Poursuivons la citation que nous avons commencée dans notre premier article, et qui est tirée du commentaire ajouté par Mr. Beneke au premier chapitre de la traduction.

« Je suis parfaitement d'accord avec l'auteur dans ce qu'il dit, au commencemeut de ce chapitre, sur le but de la législation et du gouvernement. Ce but doit être le bien général, dans la plus large acception de ce mot, et c'est en quoi toutes les théories des vrais penseurs ont toujours été d'accord. Leurs dissidences, leurs controverses, quelquefois violentes, proviennent uniquement de l'importance exagérée qu'ils attachent, les uns à un certain élément du bonheur général, les autres à un autre. A chaque relation qui peut être l'objet d'une loi, se rattachent certains groupes d'intérêts qui en déterminent la nature. Assemblez ces intérêts, comparez-les ; ce qui, en les appréciant à leur valeur normale, vous

Littérature, Janvier 1831.

I

paroîtra procurer la plus grande somme de bien, servira de règle pour juger une loi existante ou pour en faire une nouvelle. »

L'adhésion complète de Mr. Beneke au principe de l'utilité considéré dans son application législative, c'est-àdire comme principe du plus grand bien du plus grand nombre, n'est qu'apparente; car elle est subordonnée à la condition les intérêts seront évalués arbitrairement ; et cette restriction, ainsi que nous l'avons déjà dit, rend le principe lui-même tout-à-fait insignifiant.

que

pas,

«Mais l'auteur mérite le reproche qu'il fait lui-même aux autres philosophes, de n'avoir dans leur recherche du bien général, envisagé l'homme tout entier et tel qu'il est. Sa définition du bien en donne une idée étroite et incomplète. Il fait observer, il est vrai, que, sous le nom de plaisirs et de peines, il entend aussi les plaisirs et les peines de l'âme. Mais, quelque extension qu'on donne à ces mots, on ne pourra jamais leur faire signifier autre chose que des impressions passagères; et cependant, les biens et les maux qui résultent d'un état, d'une manière d'être, durable, ne peuvent-ils pas, à aussi justé titre, et souvent avec bien plus de raison, être considérés comme tels? N'est-il pas inconséquent de n'admettre dans la somme du bien général que les événemens de la vie qui n'ont aucune consistance, et ne laissent aucune trace, et d'en exclure tous ceux qui se font sentir pendant une durée continue, et qui deviennent, en quelque sorte, notre propriété ? C'est comme si l'on ne vouloit faire entrer dans la fortune d'un particulier que les petites sommes qu'il reçoit pour les dépenser aussitôt, et non celles qu'il garde pour un usage futur.»

Evidemment, Mr. Bencke commet ici une grave erreur. Jamais il n'est entré dans l'esprit de Bentham, et d'aucun de ses disciples, de borner le catalogue des biens aux plaisirs passagers, encore moins aux plaisirs physiques. Pour le prouver, qu'il nous soit permis de rapporter ici les expressions mêmes de l'original.

« Utilité est un terme abstrait. Il exprime la propriété ou la tendance d'une chose à préserver de quelque mal

procurer quelque bien. Mal, c'est peine, douleur, ou cause de douleur. Bien, c'est plaisir, ou cause de plaisir, Ce qui est conforme à l'utilité ou à l'intérêt d'un individu, c'est ce qui tend à augmenter la somme totale de son bienêtre. Ce qui est conforme à l'utilité ou à l'intérêt d'ane communauté, c'est ce qui tend à augmenter la somme totale du bien-être des individus qui la composent. »

«.......Je prends ces mots, peine et plaisir, dans leur signification vulgaire, sans inventer des définitions arbitraires pour donner l'exclusion à certains plaisirs, ou pour nier l'existence de certaines peines. Point de subtilité, point de métaphysique; il ne faut consulter ni Platon ni Aristote. Peine et plaisir, c'est ce que chacun sent comme tel; le paysan ainsi que le prince, l'ignorant ainsi le philosophe.

>>

que

Rien de plus général, ni de moins exclusif que cette définition; et, si les termes de peine et de plaisir expriment plus particulièrement des biens et des maux passagers, c'est qu'il n'est aucune manière d'être, aucun état, physique ou moral, désirable ou redoutable, qui ne se compose, en définitive, d'une somme de biens et de maux de cette espèce, et qui ne soit cause de peine ou

de plaisir. La citation suivante, empruntée au chapitre cinquième des Traités de législation, ne laisse aucun doute sur le sens qu'il faut donner aux expressions dont s'est servi Bentham.

«On a coutume,» dit-il, « de représenter la vertu en opposition à l'utilité. La vertu, dit-on, est le sacrifice de nos intérêts à nos devoirs. Pour exprimer des idées claires, il faudroit dire qu'il y a des intérêts de différens ordres, et que divers intérêts, dans certaines circonstances, sont incompatibles. La vertu est le sacrifice d'un intérêt moindre à un intérêt majeur, d'un intérét momentané à un intérét durable, d'un intérêt douteux à un intérêt certain. Toute idée de vertu qui ne dérive pas de cette notion, est aussi obscure que le motif en est précaire. »

Ce chapitre cinquième de l'original, Mr. Beneke en a fait le second de son ouvrage et avec raison, selon nous, car le sujet en est intimément lié avec celui du premier ; ou, pour mieux dire, il en est le complément, l'appendice. Après l'exposition du principe, quoi de plus nécessaire que de réfuter les objections que cette exposition peut faire naître ? Suivons le traducteur dans ses notes explicatives sur ce chapitre.

<«<Nous retrouvons ici l'assertion que la vertu ne tire sa valeur que de son utilité. Cela est incontestablement faux. La vertu nous est connue et manifestée a priori dans notre conscience intime; elle tire sa valeur d'elle-même. Cependant, au moyen d'une légère modification, nous pouvons rendre la définition de l'auteur aussi vraie qu'elle l'est. Il suffit d'ajouter le mot de disposition. « La vertu consiste dans la disposition à sacrifier un intérêt moindre

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