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dans l'exécution des parties. Hors du théâtre, on ne sait s'il réussirait en prose et en vers, agissant de son chef: car il a peu d'expérience du monde, et ne voit guère rien hors de son métier. Les paraphrases sur l'Imitation de Jésus-Christ sont très-belles, mais c'est plus traduction qu'invention.

(11) Nous devons mentionner cependant une édition qui fut revue par lui, et dont ses éditeurs semblent tous avoir ignoré l'existence. Elle fut imprimée à Rouen et se vendait à Paris; Courbé, 1654, in-12. Nous ne saurions dire combien elle formait de volumes, car nous n'avons pu jusqu'ici nous en procurer que le premier. Il est précédé d'une Préface de Corneille, qu'on n'a jamais vu reproduire, et qui offre un véritable intérêt; nous la rapportons ici.

AU LECTEUR. « C'est contre mon inclination que mes libraires vous font ce présent, et j'aurais été plus aise de la suppression entière de la plus grande partie de ces poëmes, que d'en voir renouveler la mémoire par ce recueil. Ce n'est pas qu'ils n'aient tous en des succès assez heureux pour ne me repentir pas de les avoir faits : mais il y a une si notable différence d'eux à ceux qui les ont suivis, que je ne puis voir cette inégalité sans quelque sorte de confusion. Et certes, j'aurais laissé périr entièrement ceux-ci, si je n'eusse reconnu que le bruit qu'ont fait les derniers obligeait déjà quelques curieux à la recherche des autres, et pourrait être cause qu'un imprimeur faisant sans mon aveu ce que je ne voulais pas consentir, ajouterait mille fautes aux miennes. J'ai donc cru qu'il valait mieux, et pour votre contentement et pour ma réputation, y jeter un coup d'œil, non pas pour les corriger entièrement (il eût été besoin de les refaire presque entiers), mais du moins pour en ôter ce qu'il y a de plus insupportable. Je

vous les donne dans l'ordre que je les ai composés, et vous avouerai franchement que pour les vers, outre la faiblesse d'un homme qui commençait à en faire, il est malaisé qu'ils ne sentent la province où je suis né. Comme Dieu m'a fait naître mauvais courtisan, j'ai trouvé dans la cour plus de louanges que de bienfaits, et plus d'estime que d'établissement. Ainsi étant demeuré provincial, ce n'est pas merveille si mon élocution en conserve quelquefois le caractère. Pour la conduite, je me dédirais de peu de chose si j'avais à les refaire. Je ne m'étendrai point à vous spécifier quelles règles j'y ai observées, ceux qui s'y connaissent s'en apercevront aisément, et de pareils discours ne font qu'importuner les savans, embarrasser les faibles et étourdir les ignorans. »

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bis) 1 Parmi les (1 1 preuves de reconnaissance que Corneille donna aux Pères Jésuites, nous devons citer une ode qu'il fit pour le père Delidel, et qui fut imprimée en tête du Traité de la Théologie des Saints, que celui-ci publia en 1668, in-4°. Elle se termine par cette strophe:

Je suis ton disciple, et peut-être
Que l'heureux éclat de mes vers
Éblouit assez l'univers

Pour faire peu de honte au maître.
Par une plus sainte leçon
Tu m'apprends de quelle façon
Au vice on doit faire la guerre.
Puissé-je en user encor mieux,

Et, comme je te dois ma gloire sur la terre,
Puissé-je te devoir un jour celle des cieux!

(12) Les vers que La Rue adressa à Corneille, font

1. Cette note se rapporte à la page 221, où son renvoi n'est pas indiqué.

partie de ses Symboles héroïques. L'emblème de la pièce est un parélie qui s'efface avec cette devise: Par si durasset. La pièce est touchante, et il n'est guère possible de croire que l'enfant qui inspira ces regrets n'eût, s'il eût vécu, justifié en quelque chose les espérances qu'il avait fait concevoir.

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Nequicquam varios imitando fingere soles
Nitimur imprudens hominum genus, aurea quanquam
Pigmenta, et croceos operi miscemus honores.
Hic solem labor, hoc lucis decorisque parentem
Lucis opus petit; humanæ nil indiget artis :
Et radios habet ipse, suos habet ipse colores.
Aspicis ut nitidam toto legit aëre nubem,
Cui proprios credat transfuso lumine vultus?
Illa sinu levi, quem densius agmen opacat
Nimborum, et coca splendentem terminat umbra,
Excipit illapsos atque in se colligit ignes.
Urget opus Titan: jamque æmula lumina vellet,
Et quos pingit adhuc pictos jam cernere vultus.

Sic placet illa tamen, nec degener ardet imago,
Imperfecta licet: quippe hanc nova forma, decusque
Lucis inoffense, et radii jam mille coronant.

Dum Phoebus sibi plaudit, et hæc miracula terris
Ostentat, nimio flammarum ardore subactus
Non expectatos solvit se nimbus in imbres,
Nec finem egregio sinit imposuisse labori.
Liquitur in pluviam color omnis, et aurea sensim
Forma simul volucres fugiens vanescit in auras.
Sic Phœbum tenuis, necdum perfecta reliquit,
Quæ Phœbo fuerat, Par, si durasset, imago.

Te quoque, magnorum vates ter maxime vatum,
Gallia quem dudum atque immensus suspicit orbis,
Te quoque turba ingens nequicquam æquare canendo
Aggreditur, capitique pares imponere lauros.

Namque nefas animis mortalibus avia longe
Pindi adyta, et sacros tecum penetrare recessus :
Tanta tibi atque tuæ debetur gloria genti.

Et si sæcla sibi similem ventura reservant,
Ille, erit ille tuus tandem; aut si fata recusant,
Nullus erit, Corneli: atque hæc tecum inclita fama
Ibit in Elysium, et grandem comitabitur umbram.

Tu Carlum tanti gaudebas nominis olim

Venturum in partem : doctas tam promptus in artes.
Tam docilis, tanto Musarum ardebat amore.
Nec minus et puero mens vivida, et inditus ignis,
Et firma in levibus jam tum constantia cœptis.
Non ego te, Corneli, alium florentibus annis
Crediderim, aut de te plura expectasse parentes.
Quid tu autem, cum te spirantem in prole videbas
Ipse auctor decorum? Quid, cum sensusque viriles
Mirabare, et nil puerile sonantia verba ?

Hunc nempe assiduo cultu studioque fovebas
Sedulus, hunc Pindi juga nota viamque docebas,
Teque ipsum ardebas dulci transfundere nato.
Ille audax animi duros insistere calles
Tentabat, sensimque augusto adrepere monti :
Et molles oculi, et formosæ gratia frontis,
Credo equidem, teneros Phobi meruisset amores.

At tu venturos dum spe jam præcipis annos,
Magnarum admirans tam læta exordia laudum :
Non fuit ingenio par corpus, et ardua mentis
Haud incœpta tulit, majoraque viribus ausa.
Defecit sensim in vigor, et se tabida pestis
Infudit venis, lentoque ardore peredit.
Ecce jacet lecto moriens, nec lactea morum

Simplicitas; primæ nec forma decora juventæ,
Sed neque opes animi et caræ suspiria matris,
Proh dolor! immites possunt avertere Parcas.
Circum funereo gemitu domus omnis, et ipse
Spes intercisas ereptaque gaudia moret
Infelix pater. Ah! flecti si numina possent,
Qui superant nato ipse volens impenderet annos.
Sed perit. Heu! periit magni jam patris imago :
Et patri fuerat Par, si durasset, imago.

(Car. Ruæi carmina, 1680, in-4, p. 191-3.)

(13) Lorsque nous disons que, dans la lutte entre Corneille et Racine, Boileau ne se montra jamais prévenu que contre le premier, et ne parla pas du second avec la légè— reté que semble lui prêter madame de Sévigné, nous n'ignorons pas toutefois qu'il est une anecdote par laquelle on a tâché d'accréditer l'opinion contraire. « Plusieurs hommes de lettres encore vivans, dit d'Alembert (note 4 de l'Éloge de Segrais), ont entendu raconter à feu Boindin, qu'étant allé dans sa jeunesse avec La Motte rendre hommage à Despréaux, dans sa maison d'Auteuil, il prit la liberté de demander à ce grand poète, quels avaient été les véritables hommes de génie du siècle de Louis XIV? - Je n'en connais que trois, répondit brusquement et naïvement Despréaux, Corneille, Molière..... et moi.. Vous ne comptez pas Racine, lui objectèrent les jeunes littérateurs.-Racine, répondit Despréaux, n'était qu'un très-bel esprit à qui j'avais appris à faire des vers difficilement. Des gens de lettres qui ont connu La Motte, ajoute d'Alembert, assurent lui avoir entendu raconter cette même conversation. » Mais elle se trouve en contradiction avec tant d'autres preuves, que nous avons déjà eu

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