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Que de la dernière merveille
Qu'a produite le grand Corneille,
Qui, selon le commun récit,
A plus de beautés que son Cid,
A plus de forces et de graces
Que Pompée et que les Horaces;
A plus de charmes que n'en a
Son inimitable Cinna,

Que l'OEdipe, ni Rodogune,
Dont la gloire est si peu commune,
Ni mêmement qu'Héraclius,

Savoir le grand Sertorius,

Qu'au Marais du Temple l'on joue,

Sujet que tout le monde avoue

Être divinement traité.

( Muse historique de Loret, du 4 mars 1662.)

et que

(8) On lit dans les Nouvelles Nouvelles de De Visé, troisième partie, page 166: « Ah! vraiment j'oubliais de vous dire que le Mairet est malade, l'on dit que pauvre c'est le dépit qu'il a de ce qu'on a refait sa Sophonisbe, qui lui cause cette maladie; celui qui l'a entrepris devait bien attendre qu'il fût mort, pour ne pas donner à des enfans, en présence d'un père âgé de quatre-vingt-quinze ans, la mort qu'il a prétendu leur donner ; je crois toutefois qu'ils n'en auront que la peur. »

Les quatre-vingt-quinze ans ne sont là que pour exprimer combien la vogue de Mairet était usée; car, né 1604, c'est-à-dire deux ans seulement avant Corneille, il n'avait que soixante-un ans lors de la représentation de la seconde Sophonisbe.

(9) « J'oubliais à vous dire, écrit Corneille à l'abbé de Pure dans sa lettre du 25 août 1660, que je ne prends

d'exemples modernes que chez moi, et bien que je contredise quelquefois M. d'Aubignac et messieurs de l'Académie, je ne les nomme jamais, et ne parle non plus d'eux plus d'eux que s'ils n'avaient point parlé de moi. » Ce silence que Corneille gardait par ménagement, n'atteint pas le but qu'il se proposait. D'Aubignac, calculant bien lui-même tout ce qu'on pourrait relever d'injustices dans ses critiques, prétendit, dans une note placée à la fin de sa Dissertation, que Corneille avait fait beaucoup d'améliorations à sa pièce entre la représentation et l'impression, et qu'il ne fallait pas s'étonner si l'on ne trouvait pas dans cette tragédie les fautes qu'il y signalait.

(10) Les pensions ou plutôt les gratifications furent accordées, par Louis XIV, aux hommes de lettres, en 1663. Le remerciement de Molière est de cette même année (voir l'édition de ses OEuvres, 1682), et Louis Racine, dans ses Mémoires sur la vie de son père, a commis, en assignant à cette mesure la date de 1664, une erreur qu'il eût reconnue facilement lui-même, s'il eût réfléchi que son père, pour célèbrer cette libéralité du roi, avait composé la Renommée aux Muses qui est, comme le remerciement de Molière, de 1663.

Corneille ne tarda

pas non plus à exprimer sa reconnaissance au souverain, mais dans sa Défense du grand Corneille, Tournemine dit qu'il laissa passer un an sans demander le brevet de sa pension, et sans remercier le ministre. « Je le sais, ajouta-t-il, de l'abbé Gallois, à qui le ministre en avait fait des reproches, et qui conduisit Corneille à l'hôtel Colbert. » (OEuvres diverses de P. Corneille, 1738, in-12, page xxxiij. )

Voici quelques-uns des articles des listes assez longues de Costar et de Chapelain :

LISTE DE COSTAR.

Ceux qui écrivent bien en français.

DE PRIENSAC. Il est fort savant, fort poli, fort aimé de M. le chancelier.

MADEMOISELLE DE SCUDÉRY. C'est elle qui a fait les romans de Clélie et de Cyrus. Vous pouvez juger d'elle par là.

MONSIEUR DE SCUDÉRY. Il a fait des romans admirables, et qui sont écrits merveilleusement. Il est à présent dans une haute dévotion.

PATRU, avocat au parlement. Il écrit avec une grande politesse. Il est bien fait, et est fort honnête homme.

PELISSON. Il écrit fort bien en vers et en prose, et sait du grec et du latin, de l'italien, de l'espagnol. Il juge fort bien des ouvrages. Il est très-galant homme dans sa conversation et dans ses écrits. Quoiqu'il soit extrêmement difforme, il ne laisse pas de se faire aimer des dames; et quelqu'un lui applique ces vers d'Ovide :

Non formosus erat, sed erat facundus Ulisses,

Et tamen æquoreas torsit amore deas.

Traducteurs.

D'ABLANCOURT. Il a fait de belles traductions, peu fidèles à la vérité, mais écrites fort élégamment. M. Ménage a dit de lui:

Le hardi d'Ablancourt, au style incomparable.

Il sait l'hébreu, le grec, le latin, l'italien et l'espagnol. Il est de la famille de MM. les Perrot, président et conseiller au parlement. Il est de la religion.

Poètes français.

CHAPELAIN. Le premier poète du monde pour l'héroïque. CORNEILLE. Le premier poète du monde pour le théâtre.

DE RACAN. Le premier poète de France pour le satyrique. Il a si peu de naturel pour le latin, qu'il n'a jamais pu apprendre son Confiteor; et il dit qu'il est obligé de le lire lorsqu'il va à confesse. Il est de la maison de Beuil: son père était chevalier des ordres du roi. Il a 40 ou 50,000 livres de rente.

DE GOMBAUD n'en a pas autant : il n'a pas plus de 200 écus de revenu. Il est huguenot, homme de grande vertu, et qui mériterait bien quelques bienfaits de Son Excellence. Il est déjà fort vieux ; c'est le poète de France qui fait mieux des sonnets et des épigrammes; il entend merveilleusement bien l'art poétique.

FURETIÈRE, procureur fiscal de Saint-Germain-des-Prés. Est présentement celui des poètes français qui fait le mieux des satires: il fait aussi fort bien des épigrammes.

DE BENSERADE. Ses vers ne sont pas fort bien tournés; mais ils sont si pleins d'esprit et ont un air si galant, qu'ils l'emportent au-dessus de tous les autres, au jugement de la cour.

DE MONTPLAISIR, beau-frère de feu M. Du Plessis Bellière, lieutenant, comme je pense, dans Arras. Fait admirablement bien des vers amoureux; et il est estimé le premier poète de France en ce genre-là.

L'ABBÉ DE BOISROBERT. Il est connu de tout le monde. GODEAU, évêque de Vence. Outre ses poésies, qui font pa raître un merveilleux génie, surtout en facilité et en abondance, il a écrit force choses en prose, et fort joliment.

1. C'est-à-dire pour le genre bucolique. Le mot satyrique est pris là dans son acception primitive.

DESMARETS. Le plus ingénieux des poètes français, l'Ovide de son temps. Il s'est mis depuis peu à écrire sur l'Apocalypse.

DE BRÉBEUF, gentilhomme normand. Il fait admirablement des vers français, comme sa traduction de Lucain le témoigne... Il n'est pas ignorant de la théologie. Vous le connaissez mieux que moi. Il s'est donné à monseigneur l'évêque de Coutances.

SCARRON. Je ne vous dirai rien de lui; vous le connaissez pour son humeur. Mais vous ne connaissez pas peut-être sa femme, qui est une des plus belles et des plus aimables personnes du monde.

COLLETET. Il fait d'assez bons vers. Il a imprimé diverses poésies. Il a fait les Vies des Poètes français, qui sont prêtes à imprimer. Il a besoin de bien. Il a épousé toutes ses servantes : il en a déjà usé trois ou quatre. L'ABBÉ TESTU. Il fait assez bien des vers français : il a grande approbation dans les ruelles. Il prêche éloquemment, et est fort suivi.

Poètes latins.

MAGDELENET. C'est le premier poète de France pour vers lyriques. Il a fait imprimer diverses odes.

les

DE BRIEUX MOISSANT, conseiller au parlement de Metz. Il fait fort bien des vers latins : il en a fait sur son coq qui sont excellens. Il demeure à Caen, où il tient académie de beaux-esprits.

Mathématiciens.

M. GASSENDI. Il a fait plusieurs excellens livres... Il a

1. Demandée par Colbert, cette liste devait être mise par lui sous les yeux de celui qui depuis fut le successeur de Scarron, de Louis XIV.

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