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bien que celui de Rodrigue dans le Cid fût alors regardé comme un second rôle. Il est certain que Beauchâteau le jouait, puisque dans l'Impromptu de Versailles, Molière critique la manière ampoulée et peu naturelle dont il débitait les stances fameuses:

Percé jusques au fond du cœur, etc.

Peut-être ne le jouait-il que comme double de Floridor, ou pendant quelque indisposition de cet acteur célèbre. » ( Galerie historique des acteurs du Théâtre-Français, t. 1. p. 128.)

(24) Ce sonnet, sur l'impression duquel on trouve précédemment quelques détails, se trouve seul (p. 267), dans un exemplaire du feuillet volant dont il y est parlé. Dans un autre il se trouve reproduit deux fois dans deux versions différentes et est suivi du placet que nous avons rapporté (p. 268). Ce dernier exemplaire appartient à M. Léon Thiessé. Voici les deux versions du sonnet.

SONNET SUR LA MORT DE LOUIS XIII.

Sous ce marbre repose un monarque françois,
Que ne saurait l'envie accuser d'aucun vice;
Il fut et le plus juste et le meilleur des rois;
Son règne fut pourtant celui de l'injustice.

L'ambition, l'orgueil, l'intérêt, l'avarice,
Revêtus de son nom nous donnèrent des lois :
Sage en tout, il ne fit jamais qu'un mauvais choix,
Dont long-temps nous et lui portâmes le supplice.

Vainqueur de toutes parts, esclave dans sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine sort du jour,
Que jusque dans la tombe il le force à le suivre.

Jamais pareils malheurs furent-ils entendus?
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant à régner, il a cessé de vivre.

SONNET. ÉPITAPHE DE LOUIS XIII.

Sous ce tombeau repose un roi qui fut sans vice,
Dont la seule bonté fit tort aux bons François,
Et qui, pour tout péché, ne fit qu'un mauvais choix,
Dont il fut à la fois et victime et complice.

L'ambition, l'orgueil, la fraude et l'avarice,
Saisis de son pouvoir, nous donnèrent des lois,
Et, bien qu'il fût en soi le plus juste des rois,
Son règne fut pourtant celui de l'injustice.

Craint de tout l'univers, esclave dans sa cour,
Son tyran et le nôtre à peine sort du jour,
Que jusque dans la tombe il le force à le suivre.

Jamais de tels malheurs furent-ils entendus?
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant à régner, il a cessé de vivre.

La version que nous en avons donnée dans notre texte est encore différente de ces deux-ci. Nous avons suivi celle de Voltaire dans ses notes sur l'épître dédicatoire d'Horace. Avait-il eu sous les yeux un feuillet contenant une troisième version? ou, ce qui est plus probable, n'avait-il pas plutôt, comme cela lui arrive presque toujours en citant, fait subir des changemens à la pièce citée.

La négligence des éditeurs des prétendues OEuvres complètes de Corneille, publiées depuis Voltaire jusqu'à ce

jour, est inexplicable. Ils ont tous omis ce sonnet curieux, bien qu'ils n'eussent qu'à le copier dans Voltaire.

(25) M. Guizot a dit : « Ce qu'il y a de singulier, c'est que dans plusieurs des éditions où se trouve cette épître, les épithètes de libéral, généreux, adressées à M. de Montauron, sont écrites en caractères particuliers, apparemment comme on écrit en gros caractères le Monseigneur ou Votre Altesse, pour désigner le titre de M. de Montauron à cette espèce d'hommage. » Rien n'est plus facile à expliquer. Voltaire (nous pensons que cela ne remonte pas plus loin que lui), Voltaire, choqué des expressions de reconnaissance, les a soulignées pour en faire ressortir l'exagération. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les éditions données par Corneille ne présentent pas ces diffé– rences de caractères.

(26) Les Mémoires inédits de Tallemant des Réaux nous apprennent que après avoir servi dans le régiment des Gardes, avoir été commis, puis intéressé dans la recette de Guienne, Montauron, s'étant mis bien avec M. d'Epernon, acheta la charge de receveur général de cette province..... « Le voilà opulent. Il était si magnifique en toute chose, qu'on l'appelait son Eminence gasconne, et tout s'appelait à la Montauron. Pour entrer laquais chez lui, on donnait dix pistoles au maître d'hôtel. Jamais je n'ai vu un homme si vain: il donnait, mais c'était pour le dire. Sa plus grande joie était de tutoyer les grands seigneurs qui lui souffraient toutes ces familiarités, à cause qu'il leur faisait bonne chère et leur prêtait de l'argent. Il était ravi quand il leur disait: ça, ça, mes enfans, réjouissons-nous. Mais c'était bien pis quand M. d'Orléans, car cela est arrivé quelquefois, ou M. le Prince d'aujourd'hui, y allait; il était au comble de la

joie. Une fois M. de Chatillon lui dit : « Mordieu, monsieur, <«< nous sommes tous des gredins auprès de vous; faites<< moi le plaisir de me prendre à vos gages, et je renonce « à tout ce que je prétends de la cour. » Il disait insolemment, il est sur l'état de ma maison. »

Le Journal de Verdun, juin 1707, p. 410, donne à Montauron la qualité de président à mortier du parlement de Toulouse: c'est une confusion. Les mêmes Mémoires de Tallement nous apprennent que le Montauron qui était revêtu de cette charge était un parent que le receveur général avait poussé par le crédit que lui donnait sa fortune. Quant à celui-ci, il n'était que financier; mais, par ses dissipations, il perdit bientôt cette qualité précieuse.

(27) M. Andrieux a deux fois refait plutôt que retouché la Suite du Menteur; sa première version en quatre actes fut représentée sur le théâtre de la rue de Louvois, le 26 germinal an x1, et accueillie avec faveur. Cependant il ne se dissimula pas qu'il lui restait à faire encore pour rendre cette pièce irréprochable, et donna une nouvelle Suite du Menteur, qui fut jouée en 1810, sur le théâtre de l'Impératrice. Ni l'une ni l'autre de ces deux comédies, plus irréprochables sans doute que l'original, ne sont cependant demeurées au répertoire.

(28) Gilbert était résident en France de la reine de Suède, Christine. Voltaire, dans ses notes sur la préface de Rodogune, révoque en doute le plagiat, et ne veut pas y croire, parce que rarement, dit-il, un homme revêtu << d'un emploi public se déshonore et se rend ridicule pour «< si peu de chose. » L'argument de Voltaire nous paraît très-peu convaincant. La gloire littéraire est bien quelque chose, et l'exemple de Richelieu, qui était un autre homme public que ce Gilbert, et qui ne craignit pas de se désho

norer pour rabaisser le mérite du Cid, dément formellement le commentateur.

Chapelain dit de Gilbert, dans sa liste des gens de lettres, citée ci-après note 10 du livre suivant : « C'est un esprit délicat duquel on a des odes, des petits poëmes et des pièces de théâtre pleines de bons vers, ce qui l'avait fait retenir par la reine de Suède pour secrétaire. Il n'a pas une petite opinion de lui. » (Mémoires de littérature et d'histoire, par le P. Desmolets, t. II, p. 24.)

(29) Il s'en faut cependant que tous les vers de Théodore méritent cet éloge. On y trouve notamment ceux-ci acte III, sc.1:

Je saurai conserver, d'une ame résolue,

A l'époux sans macule une épouse impollue.

« M. de Fontenelle à qui je récitais ces vers, fait-on dire à Boileau (Bolæana, 1742, p. 118), sans lui dire ni le nom de la pièce, ni celui de l'auteur, se récria : Qui est donc le Ronsard qui a pu écrire ainsi? — C'est, lui répliquai-je, votre cher oncle, le grand Corneille. >>

« Du reste, » dit encore Montchesnay d'après les entretiens de Boileau,» il paraît que Corneille faisait des vers moins par goût que par inspiration: il en a souvent retranché d'excellens, et manqué à corriger de très-médiocres. Cela paraîtra par ces deux vers supprimés dans Théodore. On vient menacer la sainte de la prostitution, en lui disant:

Comme dans les tourmens vous trouvez des délices,
On veut dans les plaisirs vous trouver des supplices. »

(30) La condition de résidence à Paris, qui, comme on le voit, n'était pas alors absolument indispensable, est depuis

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