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Aîné de sa famille, M. P.-A. Corneille, ancien élève de cette École Normale qu'on a pu détruire, mais qu'on ne fera jamais oublier, professe l'histoire avec distinction au collège royal de Rouen. Son nom, le souvenir religieux conservé à la mémoire de son aïeul dans les lieux qu'il habite, tout lui faisait une loi de se vouer à l'étude d'une vie trop ignorée. Ses fonctions, les autres travaux qu'elles lui imposent, l'ont empêché de disposer les matériaux qu'il avait amassés. Il s'est empressé de nous les transmettre et, en en faisant usage, nous avons plus d'une fois senti qu'ils perdaient beaucoup à n'être pas mis en œuvre par celui qui avait su les réunir sous l'influence de traditions glorieuses et chères.

DE LA VIE ET DES OUVRAGES

DE CORNEILLE.

LIVRE PREMIER.

1606-1636.

Ces comédies, faibles essais du talent de Corneille, furent quelques années des chefs-d'œuvre; et, s'il eût cessé d'écrire, elles l'auraient été long-temps.

M. VICTORIN FABRE.

« LA tragédie échauffe l'ame, élève le cœur, peut et doit créer des héros. Sous ce rapport, peut-être, la France doit à Corneille une partie de ses belles actions: aussi, messieurs, s'il vivait, je le ferais prince '. »

Ces paroles, prononcées sur le rocher de

1. Mémorial de Sainte-Hélène ( 26 février 1816), t. 11, p. 304, édit. de 1823.

Sainte-Hélène par un homme auquel la fortun et le malheur avaient appris à bien connaître le hommes, sont un éloge de Corneille aussi vra que vivement exprimé, mais ne sont pas tou son éloge. Si la puissance de son génie s'est ma nifestée par l'influence qu'elle a pu avoir sur nos caractères, elle ressort plus vivement encore rapprochée de l'inhabileté de ses prédécesseurs. Corneille s'est créé lui-même, et de toutes les œuvres immortelles qu'il a enfantées, il est la plus grande.

Pierre Corneille naquit à Rouen (1), le 6 juin 1606 (2), de Pierre Corneille, avocat du roi à la table de marbre de Normandie, maître particulier des eaux et forêts en la vicomté de Rouen, et de Marthe Le Pesant de Boisguilbert, sa femme, dont la famille se trouva long-temps en possession de charges importantes. Aîné de sept enfans, dont le dernier naquit l'année même de la représentation de Mélite (1629), Corneille fut de bonne heure destiné à la robe. Élevé à Rouen, chez les Jésuites, pour la Société desquels il conserva une vive reconnaissance, il passa, à sa sortie du collège, aux graves études du barreau1.

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1. Vie de Corneille, par Fontenelle, t. 11, p. 332 des OEuvres de Fontenelle, Paris, Belin, 1818. VIE DES POETES FRANÇAIS; Vie de Corneille, par M. Guizot, p. 174, note. — Th. Corneille, Dictionnaire universel, géographique et historique, art. RovEN.

En décembre 1627, ses parens lui obtinrent des lettres patentes de dispense d'âge pour exercer les fonctions d'avocat'; il profita peu de cette faveur. On s'est généralement accordé à dire que ce fut l'amour qui vint l'enlever aux travaux de cette profession sévère, et lui révéler sa vocation pour la poésie; mais les historiens du théâtre et ses biographes ne sont pas tous d'accord sur l'occasion et l'époque de cette révélation.

Fontenelle, neveu du grand écrivain dont nous avons entrepris d'écrire la vie, et qui lui a consacré une notice non moins spirituelle que toutes les autres productions de cet esprit universel, Fontenelle a dit : « Un jeune homme mène un de ses amis chez une fille dont il était amoureux; le nouveau-venu s'établit chez la demoiselle sur les ruines de son introducteur; le plaisir que lui fait cette aventure le rend poète : il en fait une comédie, et voilà le grand Corneille '...... Mélite fut jouée en 1625.... La demoiselle qui en avait fait naître le sujet porta longtemps dans Rouen le nom de Mélite, nom glorieux pour elle, et qui l'associait à toutes les louanges que reçut son amant .» L'anecdote était

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1. Note manuscrite de M. P. A. Corneille.

2. Histoire du Théâtre Français de Fontenelle, t. 11, p. 331 de l'édit, de ses OEuvres; Paris, Belin, 1818.

3. Vie de Corneille, par Fontenelle, p. 332.

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