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Les plaisirs que l'amour nous donne,

Je ne vois pas qu'on en soit mieux.

FABLE X V I, page 118.

V. 1. Un homme n'ayant plus, etc... Cette fable n'est que le récit d'une aventure dont il ne résulte pas une grande moralité. J'y ferai par cette raison très-peu de remarques.

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C'est-à-dire de prolonger les souffrances de la mort, cela ne me paraît pas heureusement exprimé.'

V. 20. Absent.

Ce petit vers de deux syllabes exprime merveilleusement la surprise de l'avare en voyant la place vide et son argent disparu.

V. 29. L'avare rarement finit ses jours sans pleurs :

Ce vers et les trois suivans sont très-bons.

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V. 34. Ce sont là de ses traits, etc. J'ai déja dit un mot sur le danger de faire jouer un trop grand rôle à la fortune dans un livre de morale, et de donner aux jeunes gens l'idée d'une fatalité inévitable.

FABLE XVII, page 119.

V. 1. Bertrand avec Raton, etc. . . Voici enfin un Apologue digne de La Fontaine. Les deux animaux qui sont les acteurs de la pièce, y sont peints dans leur vrai caractère. Le lecteur est comme présent à la scène. La peinture du chat tirant les marons du feu est digne de Téniers. Il y a dans la pièce plusieurs vers que tout le monde a retenus, tels que celui-ci :

V. 3. D'animaux mal-faisans c'était un très-bon plat:

V. 12. Nos galans y voyaient double profit à faire,
Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui.

Madame de Sévigné fut extrêmement frappée de cet Apologue quand La Fontaine le lui montra, et disait à madame de Grignan : Pourquoi n'écrit-il pas toujours de ce style?

Je trouve cependant que la moralité de la fable manque de justesse. Il me semble que les princes qui servent un grand souverain dans ses guerres, sont rarement dans le cas de Raton. Si ce sont des princes dont le secours soit important, ils sont dédommagés par des subsides souvent très forts. Si ce sont de petits princes, alors ils

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servent dans un grade militaire considérable, ont de grosses pensions, de grandes places, etc. Enfin, cette fable me paraît s'ap pliquer beaucoup mieux à cette espèce très-nombreuse d'hommes timides et prudens, ou quelquefois de frippons déliés qui se servent d'un homme moins habile dans des affaires épineuses dont ils lui laissent tout le péril, et dont eux-mêmes doivent seuls recueillir tout le fruit. Ce n'est même qu'en ce dernier sens que le public applique ordinairement cette fable.

FABLE XVIII, page 121.

.

V. 1. Après que le Milan, etc. . Cet Apologue est bien inférieur au précédent. La seule moralité qui en résulte ne tend qu'à épargner au malheureux opprimé quelques prières inutiles que le péril lui arrache. Cela n'est pas d'une grande importance.

V. 4. Tomba dans ses mains, etc. . . C'est une métaphore, pour dire, en son pouvoir; autrement il faudrait, dans ses griffes.

FABLE XIX, page 122.

L'objet de cette fable me paraît, comme celui de la précédente, d'une assez petite importance. Haranguez de méchans soldats, et ils s'enfuiront. Eh bien ! c'est une harangue perdue. Que conclure de-là? Qu'il faut les réformer et en avoir d'autres, quand on peut, ou s'en aller et laisser là la besogne. Cette fable a aussi le défaut de rentrer dans la morale de plusieurs autres Apologues, entre autres dans celle de la fable 9 du douzième livre, qu'on ne change pas son naturel. Quant au style, n'oublions pas ce dernier trait.

V. 25. Un loup parut, tout le troupeau s'enfuit.
Ce n'était pas un loup, ce n'en était que

l'ombre.

Voyez quel effet de surprise produit ce dernier vers, et avec quelle force, quelle vivacité ce tour peint la fuite et la timidité des moutons. En reportant les yeux sur les fables contenues dans ce neuvième livre, on peut s'appercevoir que La Fontaine baisse considérablement. De dix-neuf Apologues qu'il contient', nous n'en avons, comme on a vu, que quatre excellens, le gland et la citrouille, l'huître et les plaideurs, le singe et le chat et les deux pigeons, pour qui, seuls, il faudrait pardonner à La Fontaine toutes ses fautes et toutes ses négli gences.

LIVRE DIXIÈME.

Vers 1. Iris je vous louerais, il n'est que trop aisé :

Madame de la Sablière était en effet une des femmes les plus aimables de son temps, très-instruite, et ayant plusieurs genres d'esprit. Elle avait donné un logement dans sa maison à La Fontaine, qu'elle regardait presque comme un animal domestique; et après un déplacement, elle disait: Je n'ai plus dans mon ancienne maison que moi, mon chat, mon chien, et mon La Fontaine. En même temps qu'elle voyait beaucoup l'auteur des fables, elle était, mais en secret, une des écolières du fameux géomètre Sauveur; mais elle s'en cachait: nous verrons bientôt pourquoi.

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V. 7. Elle est commune aux dieux, etc. On peut observer qu'en ceci, comme en bien d'autres choses, les hommes ont fait les dieux à leur image. Au reste, il y a à la fois de l'esprit et de la poésie à supposer que le nectar si vanté par les poëtes n'est autre chose que la louange.

V. 12. D'autres propos chez vous récompensent ce point;

Il veut dire : en récompense on a chez vous des conversations intéressantes; cela n'est pas heureusement exprimé. Ce vers, ainsi que le suivant,

Propos, agréables commerces,

amènent mal les dix vers suivans qui sont très-jolis et montrent à merveille ce que doit être une bonne conversation.

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V. 16. Le monde n'en croit rien. Les sots croient ou font semblant de croire que la conversation des gens d'esprit est tou jours grave, sérieuse, guindée. Pourquoi ne supposent-ils pas que les gens d'esprit ont de l'esprit aussi naturellement que les sots ont de la sottise?

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Oui parler? La Fontaine savait bien que madame de la Sablière non-seulement avait oui parler de la philosophie, mais il savait qu'elle y était même très-versée; et en effet, elle la connais

sait mieux que La Fontaine; mais elle craignait de passer pour savante. Voilà pourquoi il prend cet air de doute et d'incertitude. C'est sûrement pour lui faire sa cour, et par une complaisance dont il ne se rendait pas compte, qu'il s'efforce d'être cartésien, c'est-àdire, de croire que les bêtes étaient de pures machines. Rien n'est plus curieux que de voir comment il cherche par ses raisonnemens à établir cette idée, et comment son bon sens le ramène malgré lui à croire le contraire. C'est ce que nous verrons dans cette pièce

même.

V. 67. Vous n'êtes point embarrassée

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De le croire, ni moi, etc.. Mon embarras est de savoir comment ils faisaient pour admettre de telles idées.

V. 82. Quand la perdrix
Voit ses petits.

Négligence ne produisant aucune beauté; effet de pure paresse.

V. 96. Je parle des humains, car quant aux animaux,

Voilà un excellent trait de satyre déguisée en bonhommie. Swift ou Lucien, voulant mettre les hommes au-dessous des animaux, ne s'y seraient pas mieux pris. Cela est plaisant dans une pièce où l'au❤ teur veut établir que les animaux sont des machines.

V. 114. Que ces castors ne soient qu'un corps vide d'esprit,
Jamais on ne pourra m'obliger à le croire.

Voilà le cartesianisme de La Fontaine fort ébranlé. Il y reviendra pourtant. Madame de la Sablière est cartésienne.

V. 118. Le défenseur du Nord. . . C'est le grand général Sobieski, qui, avant de sauver Vienne et de monter sur le trône de Pologne, était venu à Paris, et avait été de la société de madame de la Sablière, comme de nos jours nous avons vu M. Poniatouski lié avec madame Geoffrin.

V. 121.

. Jamais un roi ne ment. Du milieu de ces idées si étrangères au génie de La Fontaine, il sort pourtant des traits qui le caractérisent, tel est ce plaisant hémistiche: Jamais un roi ne

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sont incohérentes et mal liées ensemble, du moins quant à l'effet

poétique. Les vers suivans sont l'exposé de la doctrine de Descartes, et l'obscurité qu'on peut leur reprocher, tient à la nature même de ces idées, car La Fontaine emploie presque les termes de Descartes luimême,

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Obéir à la main: mais la main, qui la guide?

Eh! qui guide les cieux, et leur course rapide ?

Ce mouvement est très-vif, très-noble, et ne déparerait pas un ou vrage d'un plus grand genre.

Vient ensuite l'histoire des deux rats et de l'œuf, après laquelle La Fontaine oublie qu'il est cartésien et s'écrie

V. 197. Qu'on m'aille soutenir, après un tel récit,

Que les bêtes n'ont point d'esprit.

Le reste n'est qu'une suite de raisonnemens creux où La Fontaine a cru s'entendre, ce qui était absolument impossible. S'entendait-il, par exemple, en disant :

V. 207. Je subtiliserais un morceau de matière,

Que l'on ne pourrait plus, etc.

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On voit que cette

pièce manque entièrement d'ensemble et même d'objet. Ce sont trois fables qui prouvent l'intelligence des animaux, et ces fables se trouvent entre-coupées de raisonnemens, dont le but est de prouver qu'elles n'en ont pas. La Fontaine péche ici contre la première des règles, l'unité de dessein. L'auteur paraît l'avoir senti, et cherche à prendre un parti mitoyen entre les deux systêmes; mais les raisonnemens où il s'embarque sont entièrement inintelligibles.

FABLE II, page 133.

V. 1. Un homme vit une couleuvre.

Après la pièce précédente, si confuse et si embrouillée, voici une fable remarquable par l'unité, la simplicité et l'évidence de son résultat. A la vérité il n'est pas de la dernière importance, puisqu'il se réduit à faire voir la dureté de l'empire que l'homme exerce sur les animaux et sur toute la nature; mais c'est quelque chose de l'arrêter un moment sur cette idée, et La Fontaine a d'ailleurs su répandre tant de beautés de détail sur le fond de cet Apologue, qu'il est presque au niveau des meilleurs et des plus célèbres.

V. 5. (C'est le serpent que je veux dire,

Et non l'homme, on pourrait aisément s'y tromper,)

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