On m'élit roi; mon peuple m'aime :
Les diadêmes vont sur ma tête pleuvant. Quelqu'accident fait-il que je rentre en moi-même, Je suis Gros-Jean comme devant.
UN mort s'en allait tristement, S'emparer de son dernier gîte; Un curé s'en allait gaiement, Enterrer ce mort au plus vite. Notre défunt était en carrosse porté, Bien et dûment empaqueté,
Et vêtu d'une robe, hélas ! qu'on nomme bière, Robe d'hiver, robe d'été,
Que les morts ne dépouillent guère.
Le pasteur était à côté,
Et récitait, à l'ordinaire,
Maintes dévotes oraisons,
Et des pseaumes et des leçons, Et des versets et des répons.
Monsieur le mort, laissez-nous faire
On vous en donnera de toutes les façons :
Il ne s'agit que de salaire.
Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort,
Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor ;
Et des regards semblait lui dire : Monsieur le mort, j'aurai de vous Tant en argent, et tant en cire, Et tant en autres menus coûts. Il fondait là-dessus l'achat d'une feuillette Du meilleur vin des environs : Certaine nièce assez proprette, Et sa chambrière Pâquette Devaient avoir des cotillons. Sur cette agréable pensée,
Un heurt survient : adieu le char. Voilà messire Jean Chouart,
Qui, du choc de son mort, a la tête cassée : Le paroissien, en plomb, entraîne son pasteur; Notre curé suit son seigneur ; Tous deux s'en vont de compagnie.
Proprement, toute notre vie
Est le curé Chouart, qui sur son mort comptait, Et la fable du Pot au lait.
L'Homme qui court après la Fortune, et l'Homme qui l'attend dans son lit.
UI ne court après la Fortune?
Je voudrais être en lieu d'où je pusse aisément Contempler la foule importune
De ceux qui cherchent vainement Cette fille du Sort, de royaume en royaume, Fidèles courtisans d'un volage fantôme. Quand ils sont près du bon moment, L'inconstante aussi-tôt à leurs desirs échappe. Pauvres gens! je les plains ; car on a pour les fous Plus de pitié que de courroux.
Cet homme, disent-ils, était planteur de choux; ' Et le voilà devenu pape :
Ne le valons-nous pas ? Vous valez cent fois mieux: Mais que vous sert votre mérite? La Fortune a-t-elle des yeux?
Et puis la papauté vaut-elle ce qu'on quitte, Le repos? le repos, trésor si précieux, Qu'on en faisait jadis le partage des dieux ! Rarement la Fortune à ses hôtes le laisse. Ne cherchez point cette déesse, Elle vous cherchera: son sexe en use ainsi.
Certain couple d'amis, en un bourg établi, Possédait quelque bien. L'un soupirait sans cesse Pour la fortune; il dit à l'autre un jour : Si nous quittions notre séjour ?
Vous savez que nul n'est prophète
En son pays: cherchons notre aventure ailleurs. Cherchez, dit l'autre ami: pour moi, je ne souhaite Ni climats ni destins meilleurs.
Contentez-vous; suivez votre humeur inquiete: Vous reviendrez bientôt. Je fais vœu cependant De dormir en vous attendant. L'ambitieux, ou, si l'on veut, l'avare, S'en va par voie et voie et par chemin.
En un lieu que devait la déesse bizarre Fréquenter sur tout autre ; et ce lieu c'est la cour. Là donc, pour quelque temps, il fixe son séjour, Se trouvant au coucher, au lever, à ces heures Que l'on sait être les meilleures ;
Bref, se trouvant à tout, et n'arrivant à rien. Qu'est ceci? se dit-il: cherchons ailleurs du bien. La Fortune pourtant habite ces demeures ; Je la vois tous les jours entrer chez celui-ci, Chez celui-là : d'où vient qu'aussi
Je ne puis héberger cette capricieuse? On me l'avait bien dit, que des gens de ce lieu L'on n'aime pas toujours l'humeur ambitieuse. Adieu,messieurs de cour; messieurs de cour,adieu;
Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte. La Fortune a, dit-on, des temples à Surate : Allons là. Ce fut un de dire et s'embarquer. Ames de bronze, humains, celui-là fut sans doute Armé de diamant, qui tenta cette route, Et le premier osa l'abîme défier.
Celui-ci, pendant son voyage, Tourna les yeux vers son village Plus d'une fois; essuyant les dangers Des pirates, des vents, du calme et des rochers, Ministres de la mort. Avec beaucoup de peines On s'en va la chercher en des rives lointaines, La trouvant assez-tôt sans quitter la maison. L'homme arrive au Mogol: on lui dit qu'au Japon La Fortune pour lors distribuait ses graces. Il y court. Les mers étaient lasses
De le porter et tout le fruit
Qu'il tira de ses longs voyages,
Ce fut cette leçon que
DEMEURE EN TON PAYS, PAR LA NATURE INSTRUIT.
Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme
Que le Mogol l'avait été :
Ce qui lui fit conclure en somme
Qu'il avait à grand tort son village quitté. Il renonce aux courses ingrates,
Revient en son pays, voit de loin ses pénates, Pleure de joie, et dit : Heureux qui vit chez soi, De régler ses desirs faisant tout son emploi !
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