Page images
PDF
EPUB

bénir, et non pas pour maudire. Quelque temps après, comme on lui porta la nouvelle que les Athéniens l'avoient condamné à mort: Je leur ferai bien voir, dit-il, que je

suis en vie.

Joseph.

Ce fut à peu près dans ce temps-là qu'arriva à Athènes 'affaire de Diagore le Mélien. Il étoit venu s'établir dans contr. App cette ville, et il se mit à y enseigner l'athéisme. On lui in- Diod. lib. 13, tenta procès sur sa mauvaise doctrine. Il se sauva par la P. 157. fuite, et évita le supplice; mais il ne put éviter la flétrissure de la sentence qui le condamnoit à mort. Les Athéniens eurent tant d'horreur pour les principes impies qu'il débitoit, qu'ils allèrent jusqu'à mettre sa tête à prix, et à promettre un talent de récompense pour celui qui le leur livreroit mort ou vif.

-62.

Environ vingt ans auparavant, on avoit déjà fait une Diog. Laert. affaire toute pareille à Protagore, pour avoir simplement in Protag. Joseph. traité la matière de problématique. Il avoit dit au com- contr. App. mencement d'un de ses livres : « Si les dieux existent ou Cic. lib. 1, de «< n'existent pas, c'est une question où je ne sais si je dois nat.deor.n, prendre l'affirmative ou la négative. Pour éclaircir une question si épineuse, notre entendement est trop aveugle « et la vie humaine trop courte. » Les Athéniens ne purent souffrir qu'on mît en doute une chose de cette nature. Ils firent proclamer par le crieur public que tous ceux qui avoient des exemplaires de cet ouvrage les apportassent au magistrat. On les fit brûler comme infâmes et impies, et l'auteur fut banni de l'état à perpétuité.

[ocr errors]

Diagore et Protagore avoient été disciples de Démocrite, l'inventeur de la philosophie des atomes. J'en parlerai ailleurs.

452-453.

Depuis le départ d'Alcibiade, toute l'autorité se trouva Thucyd.p. entre les mains de Nicias; car Lamachus, son collègue, plut. in Nic. quoique homme de courage et d'expérience, étoit sans cré- p. 555. dit à cause de son extrême pauvreté, qui le rendit méprisable aux troupes. Les Athéniens n'avoient pas toujours pensé de la sorte, et nous avons vu qu'Aristide, tout pauvre qu'il étoit, n'en fut ni moins estimé ni moins respecté ; mais dans cette dernière expédition un goût de luxe et de

Plut. in Al

magnificence avoit saisi tous les esprits, et l'estime des richesses en est une suite naturelle. Comme donc Nicias se trouva seul maître, tout se ressentit de son caractère de timidité et de lenteur, et il laissa tout languir, tantôt en se tenant en repos sans rien entreprendre, tantôt en nè faisant que tourner çà et là le long des côtes, tantôt en perdant le temps à consulter et à délibérer; ce qui dissipa bientôt d'un côté l'ardeur et la confiance que ses troupes avoient d'abord témoignées, et de l'autre la crainte et la frayeur dont les ennemis avoient été saisis à la première vue d'un armement si formidable. Il mit le siége devant Hybla, qui n'étoit qu'une petite ville, et l'ayant levé peu de jours après, il tomba lui-même dans un très-grand mépris. Enfin il se retira à Catane sans avoir fait d'autre exploit que de ruiner Hyccara, petit bourg des barbares, d'où l'on dit qu'étoit la courtisane Laïs, qui, fort jeune encore alors, fut vendue parmi les autres prisonniers et menée dans le Péloponèse.

Cependant Alcibiade, étant parti de Thurium, arriva cib. p. 203. à Argos; et comme il renonçoit entièrement à l'espérance d'être rappelé dans sa patrie, il envoya demander aux Spartiates la permission de demeurer chez eux en toute sûreté, sous leur protection et sauvegarde. Il leur donnoit sa foi et sa parole que, s'ils vouloient le regarder comme leur ami, il leur rendroit plus de services qu'il ne leur avoit causé de dommage pendant qu'il avoit été leur ennemi. Les Spartiates le reçurent à bras ouverts. Quand il fut arrivé à Sparte, il y eut bientôt gagné l'estime et l'affection de tous les habitans. Il les charma tous et les enchanta en se conformant en tout à leur manière de vivre. Ceux qui voyoient qu'il se rasoit jusqu'à la peau, qu'il se baignoit dans l'eau froide, qu'il mangeoit d'un gateau fort pesant et fort grossier, dont l'usage étoit très-commun parmi eux, et qu'il s'accommodoit à merveille de leur sauce noire, ne pouvoient s'imaginer que ce même homme eût jamais eu chez lui de cuisinier, qu'il eût connu de parfumeur, qu'il eût porté de fines étoffes de Milet; en un mot, qu'il eût vécu jusque-là dans les délices et dans la

[ocr errors]

bonne chère. Cette souplesse étoit le caractère dominant d'Alcibiade. Véritable caméléon, il ne lui coûtoit rien de prendre toutes sortes de couleurs et de formes pour se concilier ceux avec qui il avoit à vivre. Il saisissoit d'abord toutes leurs manières; il entroit dans tous leurs goûts, comme s'ils lui eussent été naturels, et quoique dans le fond il y sentît en lui-même une très-grande répugnance, il savoit la couvrir par un air aisé, simple, et qui paroissoit sans contrainte. Avec les uns, il avoit toutes les grâces et tout l'enjouement de la jeunesse la plus gaie; avec d'autres, tout le sérieux de l'âge le plus grave. A Sparte, il étoit laborieux, frugal et austère; en Ionie, il n'aimoit que la joie, la paresse et la volupté; en Thrace, il étoit toujours à cheval, ou passoit les journées à boire; et lorsqu'il étoit avec le satrape Tissapherne, il surpassoit en luxe et en dépense toute la magnificence des Perses.

Il ne se contenta pas de l'estime des Lacédémoniens. Il sut si bien gagner les bonnes grâces de Timée, femme du roi Agis, qu'il en eut un fils qu'on appeloit en public Léotychide; mais que sa mère en particulier, parmi ses femmes et ses amies, ne rougissoit point d'appeler Alcibiade, tant sa passion pour cet Athénien étoit violente. Agis n'ignora pas ce commerce, et il refusa de reconnoître Léotychide pour son fils; ce qui fut cause que dans la suite ce fils fut exclus du trône.

§. XI. Description de Syracuse.

Comme le siége de Syracuse est un des plus considérables dont il soit parlé dans l'histoire des Grecs, et dont j'ai cru par cette raison devoir marquer toutes les circonstances particulières, pour donner une idée de la manière dont les anciens faisoient les siéges, il m'a paru nécessaire, avant que d'entrer dans ce détail, de présenter ici aux yeux du lecteur une description et un plan de la ville de Syracuse, où il trouvera aussi les différens travaux dont il est parlé dans ce siége, tant de la part des Athéniens que de celle des assiégés.

Cic. Verr. 6,

Syracuse étoit située sur la côte orientale de Sicile. Sa n. 117-119. vaste étendue, sa situation avantageuse, la commodité de

AN. M. 3295.
Av. J.C.709.
Strab. lib. 6,
p. 269.

n. 97.

son double port, ses fortifications construites avec grand
soin, la multitude et la richesse de ses citoyens la ren-
dirent des plus grandes, des plus belles et des plus puis
santes villes grecques. On dit que l'air
1
y étoit si pur et
si net, qu'il n'y avoit point de jour dans l'année, quelque
nébuleux qu'il fût, où le soleil n'y parût.

Elle fut fondée par Archias le Corinthien, un an après
le furent Naxe et Mégare sur la même côte.

que

Lorsque les Athéniens en formèrent le siége, elle étoit composée de trois parties, qui sont l'île, l'Achradine, Tyque. Thucydide ne parle que de ces trois parties. On y en ajouta deux autres dans la suite, savoir : Néapolis et Epipole.

L'île, située au midi, étoit appelée Nasos, qui est le mot grec qui signifie île, mais prononcé selon le dialecte dorique, et Ortygie. Elle étoit jointe au continent par un Cic. Verr. 7, pont. C'est dans cette île qu'on bâtit dans la suite le palais des rois et la citadelle. Cette partie de la ville étoit trèsimportante, parce qu'elle pouvoit rendre ceux qui la possédoient maîtres des deux ports qui l'environnent. C'est pour cela que les Romains, quand ils eurent pris Syracuse, ne permirent plus à aucun Syracusain de demeurer dans l'île.

P.270.

Senec. Nat.

cap. 26.

Strab. lib. 6, Il y avoit dans cette île une fontaine fort célèbre, qu'on nommoit Arethuse. Les anciens, ou plutôt les poëtes, fon- ! Quæst. lib.3, dés sur des raisons qui sont sans aucune vraisemblance, ont supposé que l'Alphée, fleuve d'Elide dans le Péloponèse, conduisoit ses eaux à travers ou sous les flots de la mer, sans jamais s'y mêler, jusqu'à la fontaine d'Arethuse. C'est ce qui a donné lieu à ces vers de Virgile:

Virg. eclog.

10.

Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem.....
Sic tibi, cùm fluctus subterlabêre sicanos,
Doris amara suam non intermisceat undam.

'Urbem Syracusas elegerat, cujus hic situs atque hæc natura esse loci cœlique dicitur, ut nullus unquam dies tam magná turbulentáque tem ·

pestate fuerit, quin aliquo tempore solem ejus diei homines viderint. Cic. Verr. 7, n. 26.

Achradine, située entièrement sur le bord de la mer, et ournée vers l'orient, étoit de tous les quartiers de la ville e plus spacieux, le plus beau et le plus fortifié.

Tyque, ainsi appelée du temple de la fortune (Tún), qui ornoit cette partie, s'étendoit le long de l'Achradine u couchant, depuis le septentrion vers le midi. Elle étoit ort habitée. Elle avoit une porte célèbre nommée Hexayle, qui conduisoit dans la campagne, et elle étoit située u septentrion de la ville.

Épipole étoit une hauteur hors de la ville, et qui la ommandoit; elle étoit située entre Hexapyle et la pointe Euryèle, vers le septentrion et le couchant; elle étoit en lusieurs endroits fort escarpée, et, par cette raison, d'un ccès fort difficile. Lors du siége dont nous parlons, elle l'étoit point fermée de murailles : les Syracusains la garloient avec un corps de troupes contre les attaques des nnemis. Euryèle étoit l'entrée et le passage qui conduisoit Épipole. Sur la même hauteur d'Épipole, étoit un fort ommé Labdale.

Ce ne fut que long-temps après, sous Denys le tyran, 'Epipole fut environnée de murs, et enfermée dans a ville, dont elle fit une cinquième partie, mais qui étoit eu habitée. On y en avoit déjà ajouté une quatrième, appeée Néapolis, c'est-à-dire ville neuve, qui couvroit Tyque. Plut. in Dio La rivière Anapé couloit à une petite demi-lieue de la nis. vit. p. ille. L'espace qui les séparoit étoit une belle et grande 97o. rairie, terminée par deux marais, l'un appelé Syraco, qui voit donné son nom à la ville; et l'autre, Lysimélie. Cette ivière alloit se rendre dans le grand port. Près de l'emDouchure, vers le midi, étoit une espèce de château appelé Olympie, à cause du temple de Jupiter olympien qui y toit, et où il y avoit de grandes richesses. Il étoit à cinq cents pas de la ville.

Syracuse avoit deux ports tout près l'un de l'autre, et qui n'étoient séparés que par l'île; le grand et le petit, appelé autrement Laccus. Selon la description qu'en fait

Portus habet prope in ædificatione aspectuque urbis inclusos. Cic. Verr. 6, n. 117.

TOM. II. HIST. ANC.

29

« PreviousContinue »