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les vertus sociales, qui répandent leurs douceurs sur tous nos alentours.

Le SAVOIR produit la prudence, qui choisit avec sagesse, prévoit les obstacles et sait les éviter; l'indulgence, qui envisage les fautes comme des malheurs, les plaint et les pardonne; la magnanimité, qui ne tend qu'au vrai mérite; la connoissance de l'homme, qui dégage des préjugés; la modération, qui prévient l'excès et diminue les besoins; la simplicité, image de la vérité ; la noblesse d'âme, qui préfère l'honneur à l'intérêt ; la tolérance opposée à la superstition, et l'obéissance au pouvoir légitime fondé sur la nécessité des lois, pour le maintien de l'ordre public.

Du COURAGE ÉCLAIRÉ naît l'empire sur les passions; la bonne foi, qui dédaigne l'artifice; le désintéressement, opposé à la bassesse; la franchise, qui ne craint point de dire les vérités utiles; l'activité, multipliant les fruits du travail; la constance, qui persévère dans les desseins louables; la patience, supportant ce qu'elle ne peut empêcher; l'intrépidité, toujours tranquille au milieu des dangers; 'le patriotisme, qui ne respire que le bien public, et l'héroïsme, qui s'y sacrifie.

On trouve fréquemment des cœurs honnêtes: on en trouve rarement d'honnêtes et éclairés ;

dépend pas de notre choix, et que l'ambition est un des premiers fléaux de la vie, il est de la plus grande importance de nous convaincre de cette vérité : heureusement il en est peu qu'on puisse démontrer avec plus d'évidence. Chaque particulier ne peut être grand seigneur; et c'est une chose assez indifférente. L'équité du souverain Être a mis entre les diverses conditions une balance de biens et de maux, qui les rend presque égales les plus à plaindre sont les deux extrêmes; la plus heureuse est cette paisible médiocrité, également au-dessous de l'envie et au-dessus du mépris.

Un grand est toujours en spectacle; sa liberté se perd sous le frein de l'observation publique : il est asservi par les farces de l'étiquette et les grimaces de dignité. Son cœur est contraint dans les jouissances les plus naturelles, comme celles de la confiance, de l'amitié, de l'amour, des soins de subsistance, et des douceurs domestiques. Il est blasé sur le simple, émoussé par le facile; ses peines sont vraies, sa gloire imaginaire, ses soucis pèsent sur sa personne, et les respects portent sur son titre, dont l'elévation même multiplie les soins, les accidens et les dépendances. Le point de vue du bonheur des grands, comme trop souvent celui de leur mérite, est en raison inverse du

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d'œil physique de loin ils nous paroissent des colosses; mais à mesure qu'on s'en approche, ils se changent en pygmées. -Si l'on pouvoit lire dans les cœurs et apprécier le contentement, on seroit souvent surpris de voir où tombent les lots.

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Une couronne n'empêche pas de vieillir chaque jour de vingt-quatre heures, et si c'est avec plus d'éclat, c'est ordinairement avec moins de gaieté et de repos. Si le campagnard ou le petit bourgeois, qui au soir d'une journée bien employée prend le frais sur le seuil de sa porte auprès de sa femme et de ses enfans pouvoit comparer et soustraire la somme des sentimens, tant pénibles qu'agréables, qu'ont éprouvé dans ce même jour la plupart des monarques, il seroit étonné de voir que son restant l'emporte sur le leur: et c'est cependant la seule manière de calculer son sort; car de quoi peut-on être envieux si ce n'est du bonheur?

Relativement à la vie commune, les richesses n'ont pas des avantages plus assurés: elles sont relatives à la classe avec laquelle on est obligé de vivre, et le plaisir de l'acquisition est proportionnel au bien déjà possédé. Un roi jouit moins véritablement d'une province qu'il joint à sa couronne, qu'un marquis d'une paroisse dont

dont il étend ses terres, ou qu'un manœuvre de quelques arpens qu'il ajoute à son verger. Une petite fille est plus heureuse par son ruban qu'une princesse par ses pierreries; et le fastueux dont la table est entourée de sites, éprouve des plaisirs moins vrais que ceux garçon de métier, qui, le dimanche, dans une guinguette, paie bouteille à son camarade.

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Il y a jusques dans les conditions les plus déplorables de petits dédommagemens dont on ne peut se former d'idées sous un meilleur sort. Le prisonnier, l'indigent, le malade ont des plaisirs inconnus à l'homme libre, riche ou bien-portant; mais ils connoissent aussi des souffrances dont l'horreur doit faire frémir d'être la cause.

Si on remonte à la source des maux les plus communs aux hommes, on verra qu'ils proviennent pour l'ordinaire de leurs propres foiblesses. Presque tous se plaignent, et s'ils s'examinoient avec impartialité, ils trouveroient souvent « qu'en se corrigeant eux-mêmes, ils >> eussent corrigé leur fortune. » Sans doute qu'une partie des revers depend du sort: mais qu'on pénètre dans les détails des siens, et on sera presque toujours forcé de convenir qu'on y a beaucoup contribué : du moins y a-t-il toujours une ressource qui devroit être en notre pouvoir; TOME 1. E

celle de les supporter avec cette constance et cette tranquillité qui caractérise les grandes âmes. La plupart des maux cessent d'être des maux, lorsqu'on refuse de les envisager comme tels. Qui est-ce qui souffre le plus de la tempête ? Est-ce le lâche, qui, réfugié à fond de cale, gémit, tremble, se désespère; ou bien l'intrépide, qui, du haut du tillac, sourit à la fureur des flots, et les défie de s'élever au-dessus de son courage? Si les mats se brisent, si le vaisseau se fracasse, l'un s'engouffre à l'instant; mais l'autre voit encore des ressources, et peut même échapper; il saisit une planche, il joue avec ces vagues dont il est le jouet, il brave froidement leur courroux, et tout en le combattant avec vigueur, il attend paisiblement le résultat, persuadé qu'il est soumis aux lois d'une providence équitable, et que ce

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qu'elle permet ne peut être bien. Au reste, quel mal peuvent-elles lui faire ? périr! Eh! vaut-il la peine de traiter si sérieusement une aussi petite chose?

Épicure définissoit le bonheur : corps sans douleur: áme sans trouble. Nous ne pouvons douter que la cause la plus commune des désordres de la santé ne soit l'intempérance, et que ces inquiétudes, ces dégoûts, ces craintes, ces regrets, ces désirs dévorans, ne proviennent

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