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Dites-moi, cartésiens modernes, à quelles combinaisons de matière et de mouvement se rapporte tout cela? quels sont les ressorts d'une machine qui se monte suivant les circonstances, et s'exprime avec autant de force et de délicatesse? Si Zonzon n'étoit pas intelligent, s'il n'étoit pas fidelle, oserois-je, inconnu à trois cents lieues de ma patrie, sans connoissance sur ce qui m'environne, lui confier ma vie au coin de ce bois solitaire? Je vais, sans crainte, n'endormir sous cette ombre. Zonzon m'éveillera, m'appellera, me défendra jusqu'à ce que, réveillé, je puisse me défendre moi-même, – Zonzon, cher Zonzon! camarade de mes fatigues et de mes dangers, témoin de mes peines et de ma constance, puissent les races futures répéter avec ton épitaphe: Il fut fidelle à son maitre lorsque son amante le trahissoit, ses amis l'oublioient, ses protecteurs l'opprimoient.

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TOUTE OUTE vertu est proprement sociale, parce que toutes contribuent au bonheur de la société; mais on désigne plus particulièrement sous ce titre les qualités aimables qui, dans la vie ordinaire, font goûter, rechercher et préférer notre commerce. Les principales sont, complaisance, douceur, esprit, discrétion, indulgence, amitié, modestie, talens, décence.

On nous juge plus communément sur ces qualités de second ordre que d'après les plus essentielles. Chacun s'entend plus ou moins en politesse ou en agrémens; au lieu que pour apprécier une grande âme, il faut avoir soimême l'âme grande; pour en saisir les procédés, il faut en connoître les sentimens, comme pour prononcer sur ses lumières, il faut être soi-même très-éclairé. Le vulgaire compare plus par les sens que par l'intelligence: on lui en impose autant par l'air, la démarche, le ton, les formes, les manières, que par les actions les plus sages.

Si les hommes qui se croient les plus conséquents, recherchoient avec impartialité la valeur

des titres de ceux qu'ils préfèrent; s'ils examinoient par quelles voies ils acquirent leur bienveillance, pendant que d'autres, également empressés de leur plaire, n'ont obtenu que froideur et dégoût, ils trouveroient, pour l'ordinaire, que leurs vertus les plus solides y contribuèrent moins que quelques agrémens superficiels. Mais il est possible de réunir les deux; et les premières donnent plus de prix aux seconds. Ne négligeons point de nous emparer de nos alentours par les mêmes moyens qui réussissent auprès de nous. Il ne suffit pas d'être estimé, il faut encore être aimé le cœur a ses besoins comme la raison; et l'appro bation personnelle la mieux fondée, demande quelquefois à être soutenue par celle des autres.

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Les plaisirs les plus naturels à l'homme sont ceux de la société : il ne fut point fait pour la solitude, quoiqu'elles se prêtent mutuellement 'des charmes, que chacune ne pourroit offrir séparément. Une grande partie de notre bonheur dépend des sentimens que nous faisons naître chez les personnes avec lesquelles le sort nous lie. - Tout ce qu'on dit, tout ce qu'on fait, produit sur elle des impressions agréables, qui les disposent à nous aimer, ou des impressions pénibles, qui les portent à nous haïr: il est rare qu'il y en ait de complétement indifférentes,

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et il n'est sans doute pas à hésiter entre plaire ou rebuter, entre vivre dans les douceurs de l'amitié, de l'enjouement, de la bienveillance, ou languir dans les humiliations du dégoût, des refus et de la nullité. Une loi fondamentale' de tout cercle ou liaison particulière, est tacitement celle-ci: Si vous apportez quelque chose en commun vous serez quelque chose avec nous: si vous n'apportez rien, vous ne signifierez rien.

Il est des personnes qui, avec des vertus distinguées, sont réellement insociables. — On respecte leurs principes, on admire leurs talens, et l'on redoute leur présence: on les approche avec embarras, on leur parle avec timidité et on les quitte avec humeur. Elles sont toujours à l'affût des soupçons, des regrets, des plaintes ; elles les arrachent avec subtilité des choses qui en sont le moins susceptibles: leur commerce est hérissé de bisarreries, de difficultés, ou de petites délicatesses fatigantes. Si un mot a deux sens, un fait plusieurs faces, elles saisissent de fondation les moins favorables. Leur sensibilité excessive, qu'elles vantent sans cesse, sans réfléchir qu'elle se concentre presqu'en entier sur elles-mêmes, se croit toujours blessée lorsqu'elle blesse les autres, ou, exagérant l'idée de l'offense, fait couler leur vie dans la

colère, les brouilleries, les explications et les raccommodemens. Peu d'accord dans leur manière de voir, elles blâment aujourd'hui ce qu'elles louoient hier, et demain l'approuveront de nouveau. Elles s'attachent à mortifier votre amour-propre, n'effleurent que légèrement vos bonnes qualités, s'appesantissent sur vos défauts, s'efforcent à vous en trouver et triomphent lorsqu'elles en ont découvert. Elles ne considèrent comme leurs vrais amis, que ceux qui s'abaissent jusqu'aux plus viles complaisances elles prétendent tout obtenir sans jamais rien accorder, et s'étonnent de n'être pas aimées, lorsqu'elles ne font rien pour s'en rendre dignes. Incapables de soutenir la moindre contradiction, elles contredisent sans cesse, prennent plaisir à vous accuser, à vous convaincre. Ne répondez-vous pas ? c'est les confirmer dans l'opinion de vos torts : répondez-vous? c'est pire encore, et l'opposition la plus modérée se titre d'insolence, de témérité et d'outrage impardonnable. - Quelquefois elles avouent leurs torts; mais ce n'est point pour s'en corriger, c'est seulement un caprice de plus, ou une ruse pour donner moins de prise aux reproches des autres. Enfin un instant d'oubli ou d'inconséquence détruira auprès d'elles les fruits de dix ans

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