Je te prive, pendard, de ma succession, Offenser de la sorte une sainte personne! ORGON. TARTUFFE. (Damis sort.) O ciel, pardonne-lui la douleur qu'il me donne! (A Orgon.) Si vous pouviez savoir avec quel déplaisir Je vois qu'envers mon frère on tâche à me noircir... Hélas! ORGON. TARTUFFE. Le seul penser 2 de cette ingratitude Fait souffrir à mon âme un supplice si rude... ORGON, courant tout en larmes à la porte par où il a chassé son fils. (A Tartuffe.) Remettez-vous, mon frère, et ne vous fâchez pas. (Tartuffe, III, VI-VII.) MERCURE ET AMPHITRYON MERCURE sur le balcon de la maison d'Amphitryon, sans être vu ni entendu d'Amphitryon. Je m'en vais égayer mon sérieux loisir A mettre Amphitryon hors de toute mesure. Et je te donne ma malédiction! » 2. Synonyme vieilli de pensée. HARPAGON. CLEANTE. HARPAGON. 3. Sous les traits de Sosie, valet d'Amphitryon. Comparer la même scèno dans nos extraits de Rotrou. Mais aussi n'est-ce pas ce dont je m'inquiète ; AMPHITRYON. D'où vient donc qu'à cette heure on ferme cette porte? MERCURE. Hola! tout doucement. Qui frappe 2? AMPHITRYON, sans voir Mercure. MERCURE. Moi. Qui, moi? AMPHITRYON, apercevant Mercure, qu'il prend pour Sosie. Ah! ouvre. MERCURE. Comment, ouvre? Et qui donc es-tu, toi Qui fais tant de vacarme et parles de la sorte? AMPHITRYON. Quoi? tu ne me connais pas? MERCURE. Non, Et n'en ai pas la moindre envie. AMPHITRYON, à part. Tout le monde perd-il aujourd'hui la raison ? 1. Les astrologues attribuaient aux planètes une influence sur le caractère des hommes. On sait qu'il y a une planète appelée Mercure. 2. On lit dans le Censeur dramatique (t. III, p. 188), publié à la fin du dernier siècle par Grimod de La Reynière. « Dans les pièces anciennes, où la scene se passe fréquemment soit sur une place publique, soit dans une rue, tous les acteurs, jeunes ou vieux, bons ou mauvais, lorsqu'il s'agit de heurter à une porte quelconque, le font en frappant du pied contre terre. Cet usage est d'un ridicule qui n'a pas même besoin d'être prouvé; car l'acteur du dehors n'est censé être entendu de celui ou de ceux qui sont au dedans, que parce que, frappant sur des planches, il en résulte un bruit assez fort pour indiquer sa présence; mais si l'acteur frappait réellement sur le pavé, comme il est présumé le devoir faire, il serait de toute impossibilité qu'il se fit ouïr. Cet usage vient sans doute de la négligence du décorateur à mettre aux portes qui doivent s'ouvrir un heurtoir ou une sonnette. Il est étonnant qu'une bizarrerie aussi choquante n'ait encore frappé personne, ou du moins qu'on n'ait pas réclamé contre; elle anéantit toute illusion, et sans l'illusion il n'existe point d'art dramatique. » A faire une rumeur si grande? AMPHITRYON. Moi, pendard! ce que je demande? MERCURE. Que ne demandes-tu donc pas ? AMPHITRYON. Attends, traître! avec un bâton MERCURE. Tout beau! si pour heurter tu fais la moindre instance, Je t'enverrai d'ici des messagers fâcheux1. AMPHITRYON. O Ciel! vit-on jamais une telle insolence? La peut-on concevoir d'un serviteur, d'un gueux ?? MERCURE. Eh bien, qu'est-ce? M'as-tu tout parcouru par ordre? AMPHITRYON. Moi-même je frémis de ce que tu t'apprêtes Que tu grossis pour toi d'effroyables tempêtes! MERCURE. L'ami, si de ces lieux tu ne veux disparaître, AMPHITRYON. Ah! tu sauras, maraud, à ta confusion, Ce que c'est qu'un valet qui s'attaque à son maitre! Toi, mon maître? MERCURE. AMPHITRYON. Oui, coquin! M'oses-tu méconnaître? 1. Il ramasse des tuiles sur le balcon. 2. Voir plus haut une Habileté de Tartuff. MERCURE. Je n'en reconnais point d'autre qu'Amphitryon. AMPHITRYON. Et cet Amphitryon, qui, hors moi, le peut être? MERCURE. Ah! quelle vision! Dis-nous un peu, quel est le cabaret honnête MERCURE. Le nouveau donne fort dans la tête Quand on le veut boire sans eau. AMPHITRYON. Ah! je t'arracherai cette langue, sans doute! MERCURE. Passe, mon cher ami, crois-moi; Je respecte le vin 2. Va-t'en, retire-toi. (Amphitryon, III, 11.) ADIEUX DE PSYCHÉ ET DE SON PÈRE 3 PSYCHÉ. De vos larmes, seigneur, la source m'est bien chère; 1. Où tu t'es enivré. Se coiffer, tout seul, a le même sens. Inutile de dire que ce n'est point là une expression qui appartienne au beau langage. 2. Que tu as bu. 3. D'après le récit d'Apulée, que suit Molière, Psyché a été condamnée par un oracle à être exposée sur un rocher, où un monstre la doit dévorer. Que de laisser régner les tendresses de père Ce qu'on vous voit ici donner à la nature, Au rang que vous tenez, seigneur, fait trop d'injure, Et cessez d'honorer mon destin par des pleurs Et je ne puis vous dire, en ces tristes adieux, .......... Que ce que beaucoup mieux vous pouvez dire aux autres Des présents qu'ils daignent nous faire ; Ils ne les laissent dans nos mains Qu'autant de temps qu'il peut leur plaire. On n'a nul droit de murmurer Des grâces que leur main ne veut plus nous étendre 2. LE ROI. Ah! cherche un meilleur fondement Ne fais point un accablement 1. L'Andromède de Corneille était victime d'un oracle, comme Psyché; Phinée, son amant, voulait l'arracher à la mort; mais le roi, père de la princesse, répondait au jeune homme (I, 11): Phinée, il est tout vrai, je l'expose à regret. Je vous refuse en roi ce que je veux en père. 2. Comparer Corneille (Polyeucte, I, 1), parlant de la grâce: Le bras qui la versait en devient plus avare. 3. Comparer Racine (Iphigénie, IV, iv): Ma vie est votre bien. Vous voulez le reprendre : |