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Jacq. De Seve inv.

Clau Forsand Sculp.1765.

BAJAZET.

BAJAZET,

TRAGÉ DI E.

ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE.

V

A COMAT, OS MIN.

ACOMA T.

IENS, fuis-moi. La Sultane en ce lieu doit fe rendre. Je pourrai, cependant, te parler & t'entendre.

OSMIN.

Et depuis quand, Seigneur, entre-t-on dans ces lieux,
Dont l'accès étoit même interdit à nos yeux?
Jadis une mort prompte eût suivi cette audace.

A COMA T.

Quand tu feras inftruit de tout ce qui se passe,
Mon entrée en ces lieux ne te furprendra plus.
Mais laiffons, cher Ofmin, les difcours fuperflus.

Que ton retour tardoit à mon impatience!
Et que d'un œil content je te vois dans Byfance!
Inftruis-moi des fecrets que peut t'avoir appris
Un voyage fi long pour moi feul entrepris.
De ce qu'ont vu tes yeux, parle en témoin fincère;
Songe que du récit, Ofmin, que tu vas faire,
Dépendent les deftins de l'Empire Ottoman.
Qu'as-tu vu dans l'armée, & que fait le Sultan?

OSMIN.

Babylone, Seigneur, à fon Prince fidelle,
Voyoit, fans s'étonner, notre armée autour d'elle;
Les Perfans raffemblés marchoient à son secours,
Et du camp d'Amurat s'approchoient tous les jours.
Lui-même fatigué d'un long fiège inutile,
Sembloit vouloir laiffer Babylone tranquille;
Et fans renouveller fes affauts impuissans,
Réfolu de combattre, attendoit les Perfans.
Mais, comme vous favez, malgré ma diligence,
Un long chemin fépare & le camp & Byfance;
Mille obftacles divers m'ont même traversé,
Et je puis ignorer tout ce qui s'eft paffé.

A COMA T.

Que faifoient cependant nos braves Janiffaires ? Rendent-ils au Sultan des hommages fincères? Dans le fecret des cœurs, Ofmin, n'as-tu rien lû ? Amurat jouit-il d'un pouvoir abfolu?

OS MIN.

Amurat eft content, fi nous le voulons croire,
Et fembloit fe

promettre une heureuse victoire.

Mais en vain par ce calme il croit nous éblouir,
Il affecte un repos dont il ne peut jouir.

C'eft en vain que, forçant fes foupçons ordinaires,
Il fe rend acceffible à tous les Janiffaires.
Il fe fouvient toujours que fon inimitié
Voulut de ce grand Corps retrancher la moitié,
Lorfque, pour affermir fa puiffance nouvelle,
Il vouloit, difoit-il, fortir de leur tutelle.
Moi-même j'ai fouvent entendu leurs difcours;
Comme il les craint fans ceffe, ils le craignent toujours.
Ses careffes n'ont point effacé cette injure.

Votre absence eft pour eux un sujet de murmure.
Ils regrettent le tems, à leur grand cœur fi doux,
Lorfqu'affurés de vaincre ils combattoient fous vous.

A COMA T.

Quoi, tu crois, cher Ofmin, que ma gloire paffée
Flatte encor leur valeur, & vit dans leur pensée ?
Crois-tu qu'ils me fuivroient encor avec plaifir,
Et qu'ils reconnoîtroient la voix de leur Vifir?

OSMIN.

Le fuccès du combat réglera leur conduite,
Il faut voir du Sultan la victoire ou la fuite.
Quoiqu'à regret, Seigneur, ils marchent fous fes loix,
Ils ont à foutenir le bruit de leurs exploits.
Ils ne trahiront point l'honneur de tant d'années.
Mais, enfin, le succès dépend des destinées,
Si l'heureux Amurat, fecondant leur grand coeur,
Aux champs de Babylone eft déclaré vainqueur,

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