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SULTAN

TAN Amurat, ou Sultan Morat, Empereur des Turcs, celui qui prit Babylone en 1638, a eu quatre frères. Le premier, c'eft à favoir Ofman, fut Empereur avant lui, & régna environ trois ans, au bout defquels les Janiffaires lui ôtèrent l'Empire & la vie. Le fecond se nommoit Orcan; Amurat, dès les premiers jours de son règne, le fit étrangler. Le troifième étoit Bajazet, Prince de grande espérance; & c'eft lui qui est le Héros de ma Tragédie. Amurat, ou par politique, ou par amitié, l'avoit épargné jusqu'au fiège de Babylone. Après la prife de cette Ville, le Sultan victorieux envoya un ordre à Conftantinople pour le faire mourir ; ce qui fut conduit & exécuté à-peu-près de la manière que je le repréfente. Amurat avoit encore un frère, qui fut depuis le Sultan Ibrahim, & que ce même Amurat négligea comme un Prince ftupide, qui ne lui donnoît point d'ombrage. Sultan Mahomet, qui règne aujourd'hui, eft fils de cet Ibrahim, & par conféquent neveu de Bajazet.

Les particularités de la mort de Bajazet ne font encore dans aucune Hiftoire Imprimée. M. le Comte de Cézy étoit Ambassadeur à Conftantinople, lorsque cette aventure tragique arriva dans le Serrail. Il fut inftruit des amours de Bajazet, & des jaloufies de la Sultane. Il vit même plufieurs fois Bajazet, à qui on permettoit de fe

promener quelquefois à la pointe du Serrail, fur le Canal de la Mer Noire. M. le Comte de Cézy difoit que c'étoit un Prince de bonne mine. Il a écrit depuis les circonftances de fa mort; & il y a encore plufieurs perfonnes de qualité qui se fouviennent de lui en avoir entendu faire le récit, lorsqu'il fut de retour en France.

Quelques Lecteurs pourront s'étonner qu'on ait ofé mettre fur la Scène une hiftoire fi récente; mais je n'ai rien vu dans les règles du Poëme dramatique qui dût me détourner de mon entreprife. A la vérité, je ne confeillerois pas à un Auteur de prendre pour sujet d'une Tragédie une action auffi moderne que celle-ci, fi elle s'étoit paffée dans le pays où il veut faire repréfenter sa Tragédie, ni de mettre fur le Théâtre des Héros qui auroient été connus de la plupart des Spectateurs. Les Personnages tragiques doivent être regardés d'un autre œil que nous ne regardons d'ordinaire les Perfonnages que nous avons vûs de fi près. On peut dire que le respect que l'on a pour les Héros, s'augmente à mesure qu'ils s'éloignent de nous, major è longinquo reverentia. L'éloignement des pays répare en quelque forte la trop grande proximité des tems; car le Peuple ne met guères de différence entre ce qui eft, fi j'ofe ainfi parler, à mille ans de lui, & ce qui en eft à mille lieues. C'eft ce qui fait, par exemple, que les Perfonnages Turcs, quelques modernes qu'ils foient, ont de la dignité fur notre Théâtre. On les regarde de bonne heure comme anciens. Ce font des mœurs & des coutu

mes toutes différentes. Nous avons fi peu de Commerce avec les Princes & les autres personnes qui vivent dans le Serrail , que nous les confidérons, pour ainfi dire, comme des gens qui vivent dans un autre fiècle que le nôtre.

C'étoit à-peu-près de cette manière que les Perfans étoient anciennement confidérés des Athéniens. Auffi le Poëte Eschyle ne fit point de difficulté d'introduire dans une Tragédie la mère de Xerxès, qui étoit peutêtre encore vivante, & de faire repréfenter fur le Théâ tre d'Athènes la défolation de la Cour de Perfe, après la déroute de ce Prince. Cependant ce même Efchyle s'étoit trouvé en personne à la bataille de Salamine, où Xerxès avoit été vaincu, & il s'étoit trouvé encore à la défaite des Lieutenans de Darius, père de Xerxès, dans la plaine de Marathon; car Efchyle étoit homme de guerre, & il étoit frère de ce fameux Cynégire, dont il eft tant parlé dans l'Antiquité, & qui mourut fi glorieusement en attaquant un des vaisseaux du Roi de Perfe.

BAJAZET, frère du Sultan Amurat.

ROXANE, Sultane favorite du Sultan Amurat.

ATALIDE, fille du Sang Ottoman.

ACOMAT, Grand Vifir.

OSMIN, Confident du Grand Vifir.

ZATIME, Efclave de la Sultane.

ZAIRE, Efclave d'Atalide.
GARDES.

La Seène eft à Conftantinople, autrement dite Byfance, dans le Serrail du Grand-Seigneur.

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