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Ses ordres font donnés. Elle s'eft cffenfée

Que Titus à fes pleurs l'ait fi long-tems laissée.
Un généreux dépit fuccède à fa fureur.

Bérénice renonce à Rome, à l'Empereur;

Et même veut partir, avant que Rome instruite,
Puiffe voir fon défordre, & jouir de sa fuite.
Elle écrit à Céfar.

Et Titus?

ANTIOCHUS.

O Ciel, qui l'auroit cru!

ARSAC E.

A fes yeux Titus n'a point paru. Le Peuple, avec transport, l'arrête, l'environne, Applaudiffant aux noms que le Sénat lui donne. Et ces noms, ces refpects, ces applaudiffemens, Deviennent pour Titus autant d'engagemens, Qui le liant, Seigneur, d'une honorable chaîne, Malgré tous fes foupirs, & les pleurs de la Reine, Fixent dans fon devoir fes vœux irréfolus. C'en eft fait. Et peut-être il ne la verra plus.

ANTIOCH US.

Que de fujets d'efpoir, Arface, je l'avoue!
Mais d'un foin fi cruel la fortune me joue;
J'ai vu tous mes projets tant de fois démentis,
Que j'écoute en tremblant, tout ce que tu me dis.
Et mon cœur, prévenu d'une crainte importune,
Croit, même en efpérant, irriter la fortune. -

Tome II.

D

Mais

que vois-je? Titus porte vers nous fes

pas.

Que veut-il?

SCENE III.

TITUS, ANTIOCHUS, ARSACE.

TITUS à fa Suite,

DEMEUREZ;

EMEUREZ; qu'on ne me fuive

Enfin, Prince, je viens dégager ma promesse,

Bérénice m'occupe & m'afflige fans cesse.

pas,

Je viens, le cœur percé de vos pleurs & des fiens, Calmer des déplaifirs moins cruels que les miens. Venez, Prince, vehez; je veux bien que vous-même ; Pour la dernière fois vous voyiez fi je l'aime,

SCENE IV.
ANTIOCHUS, ARSACE.

ANTIOCH US.

Hé bien, voilà l'efpoir que tu m'avois rendu!

Et tu vois le triomphe où j'étois attendu !
Bérénice partoit justement irritée;

Pour ne la plus revoir Titus l'avoît quittée !
Qu'ai-je donc fait, grands Dieux! Quel cours infortuné
A ma funefte vie aviez-vous deftiné!

Tous fes momens ne font qu'un éternel paffage
De la crainte à l'espoir, de l'espoir à la rage.
Et je refpire encor? Bérénice! Titus!

Dieux cruels ! de mes pleurs vous ne vous rirez plus.

SCENE V.

TITUS, BÉRÉNICE, PHÉNICE.

BÉRÉNICE.

Non, je n'écoute rien. Me voilà réfolue.

ON

Je veux partir. Pourquoi vous montrer à ma vue?
Pourquoi venir encor aigrir mon désespoir ?
N'êtes-vous pas content? Je ne veux plus vous voir.

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Dans quel trouble elle jette mon ame!

Ma Princeffe, d'où vient ce changement foudain ?

BÉRÉNICE.

C'en eft fait. Vous voulez que je parte demain ;

Et moi, j'ai réfolu de partir tout-à-l'heure.

Et je pars.

TITUS.

Demeurez.

BÉRÉNICE.

Ingrat, que je demeure!

Et pourquoi? Pour entendre un peuple injurieux,
Qui fait de mon malheur retentir tous ces lieux ?
Ne l'entendez-vous pas cette cruelle joie,
Tandis que dans les pleurs moi feule je me noie?
Quel crime, quelle offenfe a pu les animer?
Hélas! Et qu'ai-je fait que de vous trop aimer?

TITUS.

Ecoutez-vous., Madame, une foule infensée ?

BÉRÉNICE.

Je ne vois rien ici dont je ne fois bleffée.
Tout cet appartement préparé par vos foins,
Ces lieux, de mon amour fi long-tems les témoins,
Qui fembloient pour jamais me répondre du vôtre,
Ces feflons, où nos noms, enlacés l'un dans l'autre,
A mes triftes regards viennent par-tout s'offrir,
Sont autant d'impofteurs que je ne puis fouffrir.
Allons, Phénice.

TITUS.

O Ciel, que vous êtes injufte !

BÉRÉNICE.

Retournez, retournez vers ce Sénat auguste,
Qui vient vous applaudir de votre cruauté.

Hé bien, avec plaisir l'avez-vous écouté ?
Êtes-vous pleinement content de votre gloire?
Avez-vous bien promis d'oublier ma mémoire?
Mais ce n'eft pas affez expier vos amours.
Avez-vous bien promis de me haïr toujours ?

TITUS.

Non, je n'ai rien promis. Moi, que je vous haïffe!
Que je puiffe jamais oublier Bérénice!

Ah, Dieux ! Dans quel moment fon injufte rigueur,
De ce cruel foupçon vient affliger mon cœur!
Connoiffez-moi, Madame ; &, depuis cinq années,
Comptez tous les momens & toutes les journées
Où, par plus de transports & par plus de foupirs,
Je vous ai de mon cœur exprimé les defirs ;
Ce jour furpaffe tout. Jamais, je le confeffe,
Vous ne fûtes aimée avec tant de tendreffe;
Et jamais...

BÉRÉNICE

Vous m'aimez, vous me le foutenez,
Et cependant je pars, & vous me l'ordonnez ?
Quoi, dans mon défefpoir trouvez-vous tant de charmes ?
Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ?
Que me fert de ce cœur l'inutile retour!

Ah, cruel, par pitié, montrez-moi moins d'amour !
Ne me rappellez point une trop chère idée;
Et laiffez-moi, du moins, partir perfuadée
Que, déja de votre ame exilée en fecret,
J'abandonne un ingrat qui me perd fans regret.

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