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Les pouffent au penchant où leur cœur eft enclin,
Et leur ofent du crime applanir le chemin :
Détestables flatteurs, préfent le plus funefte
Que puiffe faire aux Rois la colère célefte.

NONE feule.

Ah, Dieux! pour la fervir, j'ai tout fait, tout quitté, Et j'en reçois ce prix ! Je l'ai bien mérité.

Fin du quatriéme Alte.

ACTE V.

SCENE PREMIERE. HIPPOLYTE, ARICIE, ISMENE.

Quot

ARICIE.

vot, vous pouvez vous taire en ce péril extrême! Vous laiffez dans l'erreur un père qui vous aime? Cruel, fi, de mes pleurs méprifant le pouvoir, Vous confentez fans peine à ne me plus revoir, Partez, féparez-vous de la trifte Aricie ; Mais, du moins, en partant assurez votre vie. Défendez votre honneur d'un reproche honteux, Et forcez votre père à révoquer fes vœux. Il en eft tems encor. Pourquoi, par quel caprice Laiffez-vous le champ libre à votre accufatrice? Eclairciffez Théfée,

HIPPOLYTE,

Hé, que n'ai-je point dit?

Ai-je dû mettre au jour l'opprobre de fon lit?
Devois-je, en lui fajfant un récit trop fincère,
D'une indigne rougeur couvrir le front d'un père?
Vous feule avez percé ce mystère odieux.

Mon cœur
, pour s'épancher, n'a que vous & les Dieux.
Je n'ai pu vous cacher, jugez fi je vous aime,
Tout ce que je voulois me cacher à moi-même.

Mais fongez fous quel fceau je vous l'ai révélé.
Oubliez, s'il fe peut, que je vous ai parlé,
Madame; & que jamais une bouche fi pure
Ne s'ouvre pour conter cette horrible aventure.
Sur l'équité des Dieux ofons nous confier:
Ils ont trop d'intérêt à me juftifier;

Et Phédre, tôt ou tard, de fon crime punie
N'en fauroit éviter la jufte ignominie.
C'est l'unique refpect que j'exige de vous.
Je permets tout le refte à mon libre courroux.
Sortez de l'esclavage où vous êtes réduite;
Ofez me fuivre. Ofez accompagner ma fuite.
Arrachez-vous d'un lieu funefte & profané,
Où la vertu refpire un air empoifonné.
Profitez, pour cacher votre prompte retraite,
De la confufion que ma difgrace y jette.
Je vous puis de la fuite affurer les moyens,
Vous n'avez jufqu'ici de Gardes que les miens.
De puiffans défenfeurs prendront notre querelle.
Argos nous tend les bras, & Sparte nous appelle.
A nos amis communs portons nos juftes cris.
Ne fouffrons pas que Phédre, affemblant nos débris,
Du trône paternel nous chaffe l'un & l'autre,
Et promette à fon fils ma dépouille & la vôtre.
L'occafion eft belle, il la faut embraffer.

Quelle peur vous retient? Vous femblez balancer?
Votre feul intérêt m'inspire cette audace.

Quand je fuis tout de feu, d'où vous vient cette glace?

Sur les pas d'un banni craignez-vous de marcher?

ARICIE.

Hélas, qu'un tel exil, Seigneur, me feroit cher!
Dans quels raviffemens, à votre fort liée,

Du refte des Mortels je vivrois oubliée !
Mais, n'étant point unis par un lien fi doux,
Me puis-je, avec honneur, dérober avec vous ?
Je fais que, fans blesser l'honneur le plus févère,
Je me puis affranchir des mains de votre père.
Ce n'eft point m'arracher du fein de mes parens,
Et la fuite eft permise à qui fuit ses tyrans.

Mais vous m'aimez, Seigneur. Et ma gloire allarmée...

HIPPOLYTE.

Non, non, j'ai trop de foin de votre renommée.
Un plus noble deffein m'amène devant vous.
Fuyez vos ennemis, & fuivez votre époux.
Libres dans nos malheurs, puifque le Ciel l'ordonne,
Le don de notre foi ne dépend de perfonne.
L'hymen n'eft point toujours entouré de flambeaux.
Aux portes de Trézène, & parmi ces tombeaux,
Des Princes de ma race antiques fépultures,
Eft un Temple facré formidable aux parjures.
Ceft-là que les Mortels n'ofent jurer en vain.
Le perfide y reçoit un châtiment foudain ;
Et craignant d'y trouver la mort inévitable,
Le menfonge n'a point de frein plus redoutable.
Là, fi vous m'en croyez, d'un amour éternel
Nous irens confirmer le ferment folemnel.

Nous prendrons à témoin le Dieu qu'on y révère.
Nous le prierons tous deux de nous fervir de père.
Des Dieux les plus facrés j'attefterai le nom,
Et la chafte Diane, & l'augufte Junon;

Et tous les Dieux enfin, témoins de mes tendreffes,
Garantiront la foi de mes faintes promeffes.

ARICIE.

Le Roi vient. Fuyez, Prince, & partez promptement;
Pour cacher mon départ je demeure un moment.
Allez; & laiffez-moi quelque fidèle guide,
Qui conduise vers vous ma démarche timide.

SCENE

I I.

THÉSÉE, ARICIE, ISMENE.

THÉ SÉ E.

DIEUX, éclairez mon trouble, & daignez à mes yeux

Montrer la vérité que je cherche en ces lieux.

ARICIE.

Songe à tout, chère Ifmène, & fois prête à la fuite.

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