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Fais ce que tu voudras, je m'abandonne à toi.
Dans le trouble où je fuis, je ne puis rien pour moi.

SCENE 1 Ꮴ .

THÉSÉE, HIPPOLYTE, PHÉDRE, @NONE, THÉRAMENĖ.

THÉS É E.

LA fortune à mes vœux ceffe d'être opposée,

Madame, & dans vos bras met...

PHÉDRE.

Arrêtez, Théfée,

Et ne profanez point des tranfports fi charmans.
Je ne mérite plus ces doux empreffemens.
Vous êtes offenfé. La fortune jalouse

N'a pas, en votre absence, épargné votre épouse.
Indigne de vous plaire & de vous approcher,
Je ne dois déformais fonger qu'à me cacher.

SCENE V.

THÉSÉE, HIPPOLYTE, THÉRAMENE.

Q

THÉ SÉ E.

UEL eft l'étrange accueil qu'on fait à votre père, Mon fils?

HIPPOLYTE.

Phédre peut feule expliquer ce mystère.

Mais, fi mes vœux ardens vous peuvent émouvoir,
Permettez-moi, Seigneur, de ne la plus revoir :
Souffrez que pour jamais le tremblant Hippolyte
Difparoiffe des lieux que votre épouse habite.

THÉ SÉ E.

Vous, mon fils, me quitter?

HIPPOL Y T.E.

Je ne la cherchois pas ;

C'est vous qui fur ces bords conduisîtes fes pas.
Vous daignâtes, Seigneur, aux rives de Trézène
Confier en partant Aricie & la Reine;

Je fus même chargé du foin de les garder.
Mais quels foins déformais peuvent me retarder?
Affez dans les forêts mon oifive jeunesse

Sur de vils ennemis a montré fon adresse.
Ne pourrai-je, en fuyant un indigne repos,
D'un fang plus glorieux teindre mes javelots?
Vous n'aviez pas encor atteint l'âge où je touche,
Déja plus d'un tyran, plus d'un monftre farouche,

Avoit de votre bras fenti la pefanteur.
Déja, de l'infolence heureux perfécuteur,
Vous aviez des deux mers affuré les rivages.
Le libre voyageur ne craignoit plus d'outrages;
Hercule, refpirant fur le bruit de vos coups,
Déja de fon travail fe repofoit fur vous.
Et moi, fils inconnu d'un fi glorieux père,
Je fuis même encor loin des traces de ma mère.
Souffrez que mon courage ofe enfin s'occuper.
Souffrez, fi quelque monftre a pû vous échapper,
Que j'apporte à vos pieds fa dépouille honorable;
Ou que d'un beau trépas la mémoire durable,
Eternifant des jours fi noblement finis,
Prouve à tout l'Univers que j'étois votre fils.

THÉS É E.

Que vois-je! Quelle horreur, dans ces lieux répandue,
Fait fuir devant mes yeux ma famille éperdue ?
Si je reviens fi craint, & fi peu defiré,
O Ciel! de ma prison pourquoi m'as-tu tiré ?
Je n'avois qu'un ami. Son imprudente flamme
Du tyran de l'Epire alloit ravir la femme.
Je fervois à regret fes deffeins amoureux;
Mais le fort irrité nous aveugloit tous deux.
Le tyran m'a furpris fans défenfe & fans armes.
J'ai vû Pirithoüs, triste objet de mes larmes,
Livré par ce barbare à des monftres cruels,
Qu'il nourriffoit du fang des malheureux Mortels.

ST

Moi-même, il m'enferma dans des cavernes fombres,
Lieux profonds & voifins de l'Empire des ombres.
Les Dieux, après fix mois, enfin m'ont regardé.
J'ai fû tromper les yeux par qui j'étois gardé.
D'un perfide, ennemi j'ai purgé la nature;

A fes monftres lui-même a fervi de pâture.
Et lorfqu'avec transport je penfe m'approcher
De tout ce que les Dieux m'ont laiffé de plus cher;
Que dis-je ? Quand mon ame, à foi-même rendue,
Vient fe raffafier d'une fi chère vûe;

Je n'ai pour tout accueil que des frémissemens.
Tout fuit, tout fe refuse à mes embrassemens.
Et moi-même, éprouvant la terreur que j'infpire,
Je voudrois être encor dans les prifons d'Epire.
Parlez. Phédre fe plaint que je fuis outrage.
Qui m'a trahi? Pourquoi ne fuis-je pas vengé ?
La Grèce à qui mon bras fut tant de fois utile,
A-t-elle au criminel accordé quelque afyle?
Vous ne répondez point. Mon fils, mon propre fils,
Eft-il d'intelligence avec mes ennemis ?

Entrons. C'est trop garder un doute qui m'accable..
Connoiffons à la fois le crime & le coupable.

Que Phédre explique enfin le trouble où je là voй.

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Phédre, toujours en proie à fa fureur extrême,
Veut-elle s'accufer & fe perdre elle-même ?
Dieux! que dira le Roi? Quel funefte poifon
L'amour a répandu fur toute fa maison!
Moi-même, plein d'un feu que fa haine réprouve,
Quel il m'a vu jadis, & quel il me retrouve !
De noirs preffentimens viennent m'épouvanter.
Mais l'innocence enfin n'a rien à redouter.
Allons, cherchons ailleurs par quelle heureuse adresse
Je pourrai de mon père émouvoir la tendreffe,
Et lui dire un amour qu'il peut vouloir troubler,
Mais que tout fon pouvoir ne fauroit ébranler.

Fin du troifiéme Acte.

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