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Reconnut avec joie un Roi fi généreux,

Et laiffa dans l'oubli vos frères malheureux.
Athènes dans fes murs maintenant vous rappelle.
Affez elle a gémi d'une longue querelle ;
Affez dans fes fillons votre fang englouti

A fait fumer le fang dont il étoit forti.
Trézène m'obéit. Les campagnes de Crète
Offrent au fils de Phédre une riche retraite.
L'Attique eft votre bien. Je pars, & vais pour vous
Réunir tous les vœux partagés entre nous.

ARICI E.

De tout ce que j'entends étonnée & confuse,
Je crains prefque, je crains qu'un fonge ne m'abuse.
Veillai-je? Puis-je croire un femblable dessein?
Quel Dieu, Seigneur, quel Dieu l'a mis dans votre fein?
Qu'à bon droit votre gloire en tous lieux eft femée !
Et que la vérité paffe la renommée !

Vous-même, en ma faveur, vous voulez vous trahir!
N'étoit-ce pas affez de ne me point haïr?

Et d'avoir fi long-tems pu défendre votre ame
De cette inimitié...

HIPPOLYT E.

Moi, vous haïr, Madame!

Avec quelque couleur qu'on ait peint ma fierté,
Croit-on que
dans fes flancs un monftre m'a porté ?
Quelles fauvages mœurs, quelle haine endurcie
Pourroit, en vous voyant, n'être point adoucie?
Ai-je pû réfifter au charme décevant...

Quoi, Seigneur !

Je vois que

ARICIE.

HIPPOLYTE.

Je me fuis engagé trop avant.

la raison cède à la violence.

Puifque j'ai commencé de rompre le filence,
Madame, il faut poursuivre. Il faut vous informer
D'un fecret que mon cœur ne peut plus renfermer.
Vous voyez devant vous un Prince déplorable,
D'un téméraire orgueil exemple mémorable.
Moi qui, contre l'amour fièrement révolté,
Aux fers de fes captifs ai long-tems infulté;
Qui, des foibles Mortels déplorant les naufrages,
Penfois toujours du bord contempler les orages,
Affervi maintenant fous la commune loi,

Par quel trouble me vois-je emporté loin de moi !
Un moment a vaincu mon audace imprudente.
Cette ame fi fuperbe est enfin dépendante.
Depuis près de fix mois, honteux, désespéré,.
Portant par-tout le trait dont je fuis déchiré,
Contre vous, contre moi vainement je m'éprouve.
Préfente je vous fuis, abfente je vous trouve.
Dans le fond des forêts votre image me fuit.
La lumière du jour, les ombres de la nuit,
Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite;
Tout vous livre à l'envi le rébelle Hippolyte.
Moi-même, pour tout fruit de mes foins fuperflus,
Maintenant je me cherche, & ne me trouve plus.

Mon arc, mes javelots, mon char, tout m'importune.
Je ne me fouviens plus des leçons de Neptune.
Mes feuls gémiffemens font retentir les bois,
Et mes courfiers oififs ont oublié ma voix.
Peut-être le récit d'un amour fi fauvage

Vous fait, en m'écoutant, rougir de votre ouvrage.
D'un cœur qui s'offre à vous quel farouche entretien !
Quel étrange captif pour un fi beau lien!
Mais l'offrande à vos yeux en doit être plus chère.
Songez que je vous parle une langue étrangère;
Et ne rejettez pas des vœux mal exprimés,
Qu'Hippolyte, fans vous, n'auroit jamais formés.

SCENE

1 I I.

HIPPOLYTE, ARICIE, THÉRAMENE,

ISMENE.

THÉRA MENE.

SEIGNEUR, la Reine vient, & je l'ai devancée ;

Elle vous cherche.

HIPPOL Y TE.

Moi?

THERA MENE.

J'ignore fa pensée;

Mais on vous eft venu demander de sa part.

Phédre veut vous parler avant votre départ.

HIP POLY TE.

Phédre! Que lui dirai-je ? Et que peut-elle attendre ?...

ARICIE.

Seigneur, vous ne pouvez refuser de l'entendre.
Quoique trop convaincu de fon inimitié,
Vous devez à fes pleurs quelque ombre de pitié.

HIPPOLYTE.

Cependant vous fortez. Et je pars. Et j'ignore
Si je n'offenfe point les charmes que j'adore.
J'ignore fi ce cœur que je laisse en vos mains...

ARICIE.

Partez, Prince, & fuivez vos généreux desseins. Rendez de mon pouvoir Athènes Tributaire.' J'accepte tous les dons que vous me voulez faire. Mais cet Empire, enfin, fi grand, fi glorieux, N'eft pas de vos préfens le plus cher à mes yeux.

SCENE IV. HIPPOLYTE, THÉRAMENE,

AMI,

HIPPOLYTE.

MI, tout eft-il prêt? Mais la Reine s'avance. Va, que pour le départ tout s'arme en diligence. Fais donner le fignal, cours, ordonne, & revien Me délivrer bientôt d'un fâcheux entretien.

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PHÉDRE, HIPPOLYTE, NONE.

PHÉDRE à Enone, dans le fond du Théâtre.

LE voici. Vers mon cœur tout mon fang fe retire.

J'oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire.

ENONE.

Souvenez-vous d'un fils qui n'efpère qu'en vous.
PHÉDRE.

On dit qu'un prompt départ vous éloigne de nous,
Seigneur. A vos douleurs je viens joindre mes larmes.
Je vous viens pour un fils expliquer mes allarmes.
Mon fils n'a plus de père, & le jour n'est pas loin,
Qui de ma mort encor doit le rendre témoin.
Déja mille ennemis attaquent fon enfance.
Vous feul pouvez contre eux embrasser sa défense.
Mais un fecret remords agite mes efprits.

Je crains d'avoir fermé votre oreille à fes cris.
Je tremble que fur lui votre juste colère
Ne pourfuive bientôt une odieufe mère.

HIPPOLYT E.

Madame, je n'ai point des fentimens fi bas.

PHÉDRE.

Quand vous me haïriez, je ne m'en plaindrois pas, Seigneur. Vous m'avez vu attachée à vous nuire; Dans le fond de mon cœur vous ne pouviez pas lire.

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