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Jac. de Seve inv.et del

Louis le Grand Sculp

PHEDRE ET HIPPOLYTE .

5€

PHÉDRE,

TRAGÉDI E.

ACTE PREMIE R.

SCENE PREMIERE.

HIPPOLYTE, THÉRAMENE.

HIPPOLYTE.

LE deffein en eft pris, je pars, cher Théramène,

Et quitte le féjour de l'aimable Trézène.

Dans le doute mortel dont je suis agité,
Je commence à rougir de mon oifiveté :
Depuis plus de fix mois, éloigné de mon père,
J'ignore le deftin d'une tête fi chère.

J'ignore jufqu'aux lieux qui le peuvent cacher.

THÉRA MENE.

Et dans quels lieux, Seigneur, l'allez-vous donc chercher?

Déja, pour fatisfaire à votre jufle crainte,
J'ai couru les deux mers que fépare Corinthe.
J'ai demandé Théfée aux peuples de ces bords
Où l'on voit l'Achéron fe perdre chez les morts.
J'ai vifité l'Elide; &, laiffant le Ténare,

Paffé jufqu'à la mer qui vit tomber Icare.
Sur quel efpoir nouveau, dans quels heureux climats
Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ?

Qui fait même, qui fait fi le Roi votre père

Veut de son absence on fache le mystère ?
que

Et fi, lorfqu'avec vous nous tremblons pour fes jours,
Tranquille, & nous cachant de nouvelles amours,
Ce Héros n'attend point qu'une amante abusée...

HIPPOLYTE.

Cher Théramène, arrête, & refpecte Thésée.
De fes jeunes erreurs déformais revenu,
Par un indigne obftacle il n'eft point retenu ;
Et, fixant de fes vœux l'inconftance fatale,
Phédre, depuis long-tems, ne craint plus de rivale.
Enfin, en le cherchant je suivrai mon devoir,
Et je fuirai ces lieux que je n'ofe plus voir.

THERA MENE.

Hé, depuis quand, Seigneur, craignez-vous la présence
De ces paifibles lieux, fi chers à votre enfance,
Et dont je vous ai vu préférer le féjour

Au tumulte pompeux d'Athènes & de la Cour?
Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chasse?

HIPPOLYTE.

Cet heureux tems n'eft plus. Tout a changé de face Depuis que, fur ces bords, les Dieux ont envoyé La fille de Minos & de Pafiphaé.

THÉRA MENE.

J'entends. De vos douleurs la cause m'eft connue,
Phédre ici vous chagrine, & blesse votre vue.
Dangereufe marâtre, à peine elle vous vit,
Que votre exil d'abord fignala fon crédit.
Mais fa haine fur vous, autrefois attachée,
Ou s'eft évanouie, ou s'eft bien relâchée.
Et d'ailleurs, quels périls vous peut faire courir
Une femme mourante, & qui cherche à mourir?
Phédre, atteinte d'un mal qu'elle s'obstine à taire,
Laffe enfin d'elle-même, & du jour qui l'éclaire,
Peut-elle contre vous former quelques ́ desseins ?

HIPPOLYTE.

Sa vaine inimitié n'est pas ce que je crains.
Hippolyte, en partant, fuit une autre ennemie.
Je fuis, je l'avouerai, cette jeune Aricie,
Refte d'un fang fatal conjuré contre nous.

THERA MENE.

Quoi, vous-même, Seigneur, la perfécutez-vous? Jamais l'aimable fœur des cruels Pallantides Trempa-t-elle au complot de fes frères perfides? Et devez-vous hair fes innocens appas ?

HIPPOLYTE.

Si je la haïffois, je ne la fuirois pas.

THÉRA MENE.

Seigneur, m'eft-il permis d'expliquer votre fuite?
Pourriez-vous n'être plus ce fuperbe Hippolyte,
Implacable ennemi des amoureufes loix,
Et d'un joug que Théfée a fubi tant de fois!
Vénus, par votre orgueil fi long-tems méprisée,
Voudroit-elle à la fin juftifier Théfée;

Et, vous mettant au rang du refte des Mortels,
Vous a-t-elle forcé d'encenfer fes Autels?
Aimeriez-vous, Seigneur?

HIPPOLYTE.

Ami, qu'ofes-tu dire?

Toi qui connois mon cœur depuis que je refpire,
Des fentimens d'un cœur fi fier, fi dédaigneux,
Peux-tu me demander le défaveu honteux. ©
C'eft peu qu'avec fon lait une mère Amazone
M'ait fait fucer encor cet orgueil qui t'étonne,
Dans un âge plus mûr moi-même parvenu,
Je me fuis applaudi, quand je me fuis connu.
Attaché près de moi par un zèle fincère,
Tu me contois alors l'hiftoire de mon père.
Tu fais combien mon ame, attentive à ta voix,
S'échauffoit au récit de fes nobles exploits;
Quand tu me dépeignois ce Héros intrépide,
Confolant les Mortels de l'abfence d'Alcide;
Les monftres étouffés, & les brigands punis;
Procufte, Cercyon, & Scyron, & Sinnis,
Et les os difperfés du Géant d'Epidaure,

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