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& fe laiffe opprimer fans l'accuser. J'appelle foiblesse la paffion qu'il reffent, malgré lui, pour Aricie, qui eft la fille & la foeur des ennemis mortels de fon père.

Cette Aricie n'eft point un perfonnage de mon invention. Virgile dit qu'Hippolyte l'époufa, & en eut un fils, après qu'Esculape l'eut reffuscité. Et j'ai lû encore dans quelques Auteurs, qu'Hippolyte avoit épousé & emmené en Italie une jeune Athénienne de grande naissance, qui s'appelloit Aricie, & qui avoit donné fon nom à une petite Ville d'Italie.

Je rapporte ces autorités, parce que je me suis trèsscrupuleusement attaché à fuivre la Fable. J'ai même fuivi l'hiftoire de Théfée, telle qu'elle eft dans Plutarque.

C'est dans cet Hiftorien que j'ai trouvé que ce qui avoit donné occafion de croire que Théfée fût defcendu dans les Enfers pour enlever Proferpine, étoit un voyage que ce Prince avoit fait en Epire vers la fource de l'Achéron, chez un Roi dont Pirithoüs vouloit enlever la femme, & qui arrêta Théfée prisonnier, après avoir fait mourir Pirithoüs. Ainfi j'ai tâché de conferver la vraisemblance de l'Hiftoire, fans rien perdre des ornemens de la Fable, qui fournit extrêmement à la Poëfie. Et le bruit de la mort de Théfée, fondé fur ce voyage fabuleux, donne lieu à Phédre de faire une déclaration d'amour, qui devient une des principales caufes de fon malheur, & qu'elle n'auroit

jamais ofé faire tant qu'elle auroit cru que fon mari

étoit vivant.

Au refte, je n'ofe encore affurer que cette Pièce foit en effet la meilleure de mes Tragédies. Je laiffe, & aux Lecteurs & au tems à décider de fon véri

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table prix. Ce que je puis affurer, c'est que je n'en ai point fait où la vertu foit plus mife au jour que dans celle-ci. Les moindres fautes y font févèrement punies. La feule pensée du crime y eft regardée avec autant d'horreur que le crime même. Les foibleffes de l'amour y paffent pour de vraies foibleffes. Les paffions n'y font préfentées aux yeux que pour montrer tout le défordre dont elles font caufe ; & le vice y eft peint par-tout avec des couleurs qui en font connoître & hair la difformité. C'eft-là proprement le but que tout homme qui travaille pour le Public, doit fe propofer ; & c'est ce que les premiers Poëtes tragiques avoient en vue fur toute chofe. Leur Théâtre étoit une Ecole où la vertu n'étoit pas moins bien enseignée que dans les Ecoles des Philofophes, Auffi Ariftote a bien voulu donner des règles du Poëme Dramatique; & Socrate, le plus fage des Philofophes, ne dédaignoit pas de mettre la main aux Tragédies d'Euripide. Il feroit à fouhaiter que nos Ouvrages fuffent auffi folides & auffi pleins d'utiles inftructions que ceux de ces Poëtes. Ce feroit peut-être un moyen de réconcilier la Tragédie avec quantité de perfonnes célèbres par leur piété & par leur doctrine, qui l'ont condamnée dans ces derniers

tems, & qui en jugeroient, fans doute, plus favorablement, fi les Auteurs fongeoient autant à inftruire leurs fpectateurs qu'à les divertir, & s'ils fuivoient en cela la véritable intention de la Tragédie.

Q

THÉSÉE, Fils d'Egée, Roi d'Athènes.

PHÉDRE, Femme de Théfée, Fille de Minos &

de Pafiphaé.

HIPPOLYTE, Fils de Théfée & d'Antiope Reine des Amazones.

ARICIE, Princeffe du fang Royal d'Athènes. ENONE, Nourrice & Confidente de Phédre, THÉRAMEN E, Gouverneur d'Hippolyte,

ISMENE, Confidente d'Aricie.

PANOPE, Femme de la fuite de Phédre.
GARDES.

La Scène eft à Trézène, Ville du Péloponèse.

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