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Furieufe elle vole, & fur l'Autel prochain
Prend le facré couteau, le plonge dans fon sein.
A peine fon fang coule, & fait rougir la terre,
Les Dieux font fur l'Autel entendre le tonnerre,
Les vents agitent l'air d'heureux frémissemens,
Et la mer leur répond par fes mugissemens.
La rive au loin gémit, blanchiffante d'écume.
La flamme du bûcher d'elle-même s'allume.
Le Ciel brille d'éclairs, s'entr'ouvre, & parmi nous
Jette une fainte horreur, qui nous raffure tous.
Le foldat étonné dit que, dans une nue,
Jufques fur le bûcher Diane eft descendue;
Et croit que, s'élevant au travers de fes feux,
Elle portoit au Ciel notre encens & nos vœux.
Tout s'empreffe, tout part. La feule Iphigénie
Dans ce commun bonheur pleure son ennemie.
Des mains d'Agamemnon venez la recevoir.
Venez. Achille & lui brûlent de vous revoir,
Madame, & déformais tous deux d'intelligence,
Sont prêts à confirmer leur augufte alliance.

CLYTEM NESTRE.

Par quel prix, quel encens, ô Ciel, puis-je jamais Récompenfer Achille, & payer tes bienfaits.

FIN.

PHÉDRE,

TRAGÉDI E.

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VOICI encore une Tragédie, dont le fujet est pris

d'Euripide. Quoique j'aie fuivi une route un peu différente de celle de cet Auteur pour la conduite de l'action, je n'ai pas laiffé d'enrichir ma Pièce de tout ce qui m'a paru de plus éclatant dans la fienne. Quand je ne lui devrois que la feule idée du caractère de Phédre, je pourrois dire que je lui dois ce que j'ai peut-être mis de plus raisonnable fur le Théâtre. Je ne fuis point étonné qué ce caractère ait eu un fuccès fi heureux du tems d'Euripide, & qu'il ait encore fi bien réuffi dans notre fiècle, puifqu'il a toutes les qualités qu'Ariftote demande dans le Héros de la Tragédie & qui font propres à exciter la compaffion & la terreur. En effet, Phédre n'eft ni tout-à-fait coupable, ni tout-à-fait innocente. Elle eft engagée, par fa deftinée & la colère des Dieux, dans une paffion ilpar légitime, dont elle a horreur toute la première. Elle fait tous fes efforts pour la furmonter. Elle aime mieux fe laiffer mourir, que de la déclarer à perfonne ; &, lorfqu'elle eft forcée de la découvrir, elle en parle avec une confufion qui fait bien voir que fon crime est plutôt une punition des Dieux, qu'un mouvement de fa volonté.

J'ai même pris foin de la rendre un peu moins

odieufe qu'elle n'eft dans les Tragédies des Anciens où elle fe réfout d'elle-même à accufer Hippolyte. J'ai cru que la calomnie avoit quelque chofe de trop bas & de trop noir, pour la mettre dans la bouche d'une Princeffe, qui a d'ailleurs des fentimens fi nobles & fi vertueux. Cette baffeffe m'a paru plus convenable à une Nourrice, qui pouvoit avoir des inclinations plus ferviles, & qui néanmoins n'entreprend cette fauffe accufation, que pour fauver la vie & l'honneur de fa Maîtreffe. Phédre n'y donne les mains, que parce qu'elle eft dans une agitation d'efprit qui la met hors d'elle-même; & elle vient un moment après dans le deffein de juftifier l'innocence & de déclarer la vé

rité.

· Hippolyte est accufé dans Euripide & dans Sénèque d'avoir en effet violé fa belle-mère: vim corpus tulit. Mais il n'est ici accufé que d'en avoir eu dessein. J'ai voulu épargner à Théfée une confufion qui l'auroit pû rendre moins agréable aux Spectateurs.

Pour ce qui eft du perfonnage d'Hippolyte, j'avois remarqué dans les Anciens, qu'on reprochoit à Euripide de l'avoir représenté comme un Philofophe exempt de toute imperfection; ce qui faifoit que la mort de če jeune Prince caufoit beaucoup plus d'indignation que de pitié. J'ai cru lui devoir donner quelque foibleffe, qui le rendroit un peu coupable envers fon père, fans pourtant lui rien ôter de cette grandeur d'ame avec laquelle il épargne l'honneur de Phédre,

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