Page images
PDF
EPUB

SCENE X.

AGAMEMNON, CLYTEMNESTRE, IPHIGÉNIE, ERIPHILE, EURYBATE, DORIS, GARDES.

AGAMEMNON.

ALLEZ, Madame, allez, prenez foin de fa vie :

Je vous rends votre fille, & je vous la confie.
Loin de ces lieux cruels précipitez fes pas.
Mes Gardes vous fuivront commandés par
Arcas.
Je veux bien excufer fon heureuse imprudence;
Tout dépend du fecret & de la diligence.
Ulyffe ni Calchas n'ont point encor parlé;
Gardez que ce départ ne leur foit révélé.
Cachez bien votre fille, &

que tout le
camp croie
Que je la retiens feule, & que je vous renvoie.
Fuyez. Puiffent les Dieux, de mes larmes contens,
A mes tristes regards ne l'offrir de long-tems.

Gardes, fuivez la Reine.

CLYTEMNESTR E.

Ah, Seigneur!

Ah, mon père !

IPHIGÉNIE.

AGAMEMNON.

Prévenez de Calchas l'empreffement févère.
Fuyez, vous dis-je. Et moi, pour vous favorifer,
Par de feintes raifons je m'en vais l'abufer;

Je vais faire fufpendre une pompe funeste,
Et de ce jour, au moins, lui demander le refte.

SCENE XI.

ERIPHILE, DORIS.

SUIS-MOI.

ERIPHILE.

Ce n'eft pas-là, Doris, notre chemin.

[blocks in formation]

ERIPHILE.

Ah, je fuccombe enfin

Je reconnois l'effet des tendreffes d'Achille.

Je n'emporterai point une rage inutile.

Plus de raisons. Il faut ou la perdre ou périr. Viens, te dis-je. A Calchas je vais tout découvrir.

Fin du quatrieme Atte.

12

ACTE V.

SCENE PREMIERE. IPHIGÉNIE, ÆGINE.

IPHIGÉN I E.

CESSE de m'arrêter. Va, retourne à ma mère,

Ægine, il faut des Dieux appaifer la colère.
Pour ce fang malheureux qu'on veut leur dérober,
Regarde quel orage est tout prêt à tomber.
Confidère l'état où la Reine eft réduite.

Voi comme tout le camp s'oppose à notre fuite;
Avec quelle infolence ils ont, de toutes parts,
Fait briller à nos yeux la pointe de leurs dards.
Nos Gardes repouffés, la Reine évanouie...
Ah, c'eft trop l'expofer, fouffre que je la fuie !
Et, fans attendre ici fes fecours impuissans ;
Laiffe-moi profiter du trouble de fes fens.
Mon père même, hélas! puifqu'il faut te le dire,
Mon père, en me fauvant, ordonne que j'expire.

AGINE.

Lui, Madame ! Quoi donc ? Qu'eft-ce qui s'eft paffé 2

IPHIGENIE.

Achille trop ardent l'a peut-être offensé.
Mais le Roi qui le hait, veut que je le haïffe.
Il ordonne à mon cœur cet affreux facrifice,

Il m'a fait par Arcas expliquer fes fouhaits,
Ægine, il me défend de lui parler jamais.

Ah, Madame !

AGINE.

IPHIGÉNIE.

Ah, fentence! Ah, rigueur inouie! Dieux plus doux, vous n' n'avez demandé que ma vie! Mourons, obéiffons... Mais qu'est-ce que je voi? Dieux, Achille !

SCENE 11.
ACHILLE, IPHIGÉNIE.

A CHILL E.

VENEZ, Madame fuivez-moi.

Ne craignez ni les cris, ni la foule impuissante
D'un peuple qui fe preffe autour de cette tente.
Paroiffez; & bientôt, fans attendre mes coups,
Ces flots tumultueux s'ouvriront devant vous.
Patrocle, & quelques Chefs qui marchent à ma fuite,
De mes Theffaliens vous amènent l'élite.
Tout le refte, affemblé près de mon étendart,
Vous offre de ses rangs l'invincible rempart.
A vos perfécuteurs oppofons cet afyle.

Qu'ils viennent vous chercher fous les tentes d'Achille.
Quoi, Madame, eft-ce ainfi que vous me fecondez?
Ce n'eft que par des pleurs que vous me répondez.

Vous fiez-vous encore à de fi foibles armes ?
Hâtons-nous. Votre père a déja vu vos larmes.

IPHIGÉNIE.

Je le fais bien, Seigneur. Auffi tout mon espoir N'eft plus qu'au coup mortel que je vais recevoir.

ACHILL E.

Vous, mourir ! Ah, ceffez de tenir ce langage! Songez-vous quel ferment vous & moi nous engage! Songez-vous, pour trancher d'inutiles difcours, Que le bonheur d'Achille eft fondé fur vos jours!

IPHIGÉNIE.

Le Ciel n'a point aux jours de cette infortunée
Attaché le bonheur de votre destinée.

Notre amour nous trompoit; & les arrêts du fort
Veulent que ce bonheur foit un fruit de ma mort.
Songez, Seigneur, fongez à ces moiffons de gloire
Qu'à vos vaillantes mains préfente la victoire.
Ce champ fi glorieux où vous aspirez tous,
Si mon fang ne l'arrose eft ftérile pour vous.
Telle eft la loi des Dieux, à mon père dictée.
En vain, fourd à Calchas, il l'avoit rejettée.
Par la bouche des Grecs contre moi conjurés,
Leurs ordres éternels fe font trop déclarés.
Partez. A vos honneurs j'apporte trop d'obstacles.
Vous-même dégagez la foi de vos oracles.
Signalez ce Héros à la Grèce promis;
Tournez votre douleur contre ses ennemis.

Déja Priam pâlit. Déja Troye, en allarmes,

« PreviousContinue »