Page images
PDF
EPUB

MONIM E.

Et connoiffois-je alors toute fa barbarie ?
Ne voudriez-vous point, qu'approuvant fa furie,
Après vous avoir vu tout percé de fes coups,
Je fuiviffe à l'Autel un tyrannique époux ;

Et

que,

dans une main de votre fang fumante,

J'allaffe mettre, hélas, la main de votre amante !
Allez, de fes fureurs fongez à vous garder,
Sans perdre ici le tems à me perfuader,

Le Ciel m'infpirera quel parti je dois prendre.

Que feroit-ce, grands Dieux, s'il venoit vous furprendre?
Que dis-je? On vient. Allez. Courez. Vivez enfin ;
Et du moins attendez quel fera mon destin,

SCENE

111.

MONIME, PHED IM E.

MADAME,

PHED IM E.

ADAME, à quels périls il exposoit sa vié !

C'est le Roi.

MONIM E.

Cours l'aider à cacher fa fortie.

Va, ne le quitte point; & qu'il fe garde bien
D'ordonner de fon fort fans être inftruit du mien.

SCENE

IV.

MITHRIDATE, MONIME.

ALLONS,

MITHRIDATE.

LLONS, Madame, allons. Une raifon fecrette, Me fait quitter ces lieux, & háter ma retraite. Tandis que mes foldats, prêts à fuivre leur Roi, Rentrent dans mes vaiffeaux pour partir avec moi, Venez, & qu'à l'Autel, ma promeffe accomplie, Par des noeuds éternels l'un à l'autre nous lie.

Nous, Seigneur ?

MONIM E.

MITHRIDATE.

Quoi, Madame, ofez-vous balancer?

MONIM E.

Et ne m'avez-vous pas défendu d'y penfer?

MITHRIDATE.

J'eus mes raifons alors. Oublions-les, Madame.
Ne fongez maintenant qu'à répondre à ma flamme.
Songez que votre cœur eft un bien qui m'eft dû.

MONIM E.

Hé, pourquoi donc, Seigneur, me l'avez-vous rendu ?

MITHRIDATE.

Quoi, pour un fils ingrat toujours préoccupée,

Vous croiriez...

ΜΟΝΙΜΕ.

Quoi, Seigneur, vous m'auriez donc trompée?

MITHRIDATE.

Perfide, il vous fied bien de tenir ce discours,
Vous qui, gardant au cœur d'infidèles amours,
Quand je vous élevois au comble de la gloire,
M'avez des trahifons préparé la plus noire.
Ne vous fouvient-il plus, cœur ingrat & fans foi,
Plus que tous les Romains conjuré contre mci,
De quel rang glorieux j'ai bien voulu defcendre,
Pour vous porter au trône où vous n'ofiez prétendre?
Ne me regardez point vaincu, perfécuté.
Revoyez-moi vainqueur, & par-tout redouté.
Songez de quelle ardeur dans Ephèfe adorée,
Aux filles de cent Rois je vous ai préférée ;
Et négligeant pour vous tant d'heureux alliés,
Quelle foule d'Etats je mettois à vos pieds.
Ah, fi d'un autre amour le penchant invincible
Dès-lors à mes bontés vous rendoit infenfible,
Pourquoi chercher fi loin un odieux époux ?
Avant que de partir pourquoi vous taifiez-vous?
Attendiez-vous, pour faire un aveu fi funefte,
Que le fort ennemi m'eût ravi tout le refte;
Et que, de toutes parts me voyant accabler,
J'euffe en vous le feul bien qui me pût consoler?
Cependant, quand je veux oublier cet outrage,
Et cacher à mon cœur cette funefte image,
Vous ofez à mes yeux rappeller le paffé;
Vous m'accufez encor, quand je fuis offenfé;

Je vois que pour un traître un fol efpoir votre flatte.

A quelle épreuve, ô Ciel, réduis-tu Mithridate?
Par quel charme fecret laiffai-je retenir
Ce courroux fi févère, & fi prompt à punir?
Profitez du moment que mon amour vous donne.
Pour la dernière fois, venez, je vous l'ordonne.
N'attirez point fur vous des périls fuperflus,
Pour un fils infolent que vous ne verrez plus.
Sans vous parer pour lui d'une foi qui m'est dûe,
Perdez-en la mémoire aufli-bien que la vûe;
Et déformais, fenfible à ma seule bonté,
Méritez le pardon qui vous eft préfenté.

MONIM E.

Je n'ai point oublié quelle reconnoiffance,
Seigneur, m'a dû ranger fous votre obéissance.
Quelque rang où jadis foient montés mes ayeux,
Leur gloire, de fi loin, n'éblouit point mes yeux.
Je fonge avec refpect de combien je fuis née
Au-deffous des grandeurs d'un fi noble hyménée:
Et, malgré mon penchant & mes premiers deffeins
Pour un fils, après vous, le plus grand des humains;
Du jour que fur mon front on mit ce diadême,
Je renonçai, Seigneur, à ce Prince, à moi-même.
Tous deux d'intelligence à nous facrifier,
Loin de moi, par mon ordre, il couroit m'oublier.
Dans l'ombre du fecret ce feu s'alloit éteindre;
Et même de mon fort je ne pouvois me plaindre,
Puifqu'enfin, aux dépens de mes vœux les plus doux,
Je faifois le bonheur d'un Héros tel que vous.

Vous feul, Seigneur, vous feul, vous m'avez arrachée
A cette obéiffance, où j'étois attachée;

Et ce fatal amour dont j'avois triomphé,
Ce feu que, dans l'oubli, je croyois étouffé,
Dont la caufe à jamais s'éloignoit de ma vue,
Vos détours l'ont surpris, & m'en ont convaincue,
Je vous l'ai confeffé, je le dois foutenir.
En vain vous en pourriez perdre le fouvenir;
Et cet aveu honteux, où vous m'avez forcée,
Demeurera toujours préfent à ma penfée.
Toujours je vous croirois incertain de ma foi.
Et le tombeau, Seigneur, eft moins trifle pour moi,
Que le lit d'un époux qui m'a fait cet outrage,
Qui s'eft acquis fur moi ce cruel avantage,
Et qui, me préparant un éternel ennui,

M'a fait rougir d'un feu qui n'étoit pas pour lui.

MITHRIDATE.

C'est donc votre réponse. Et, fans plus me complaire, Vous refufez l'honneur que je voulois vous faire? Penfez-y bien. J'attends pour me déterminer.

MONIM E.

Non, Seigneur, vainement vous croyez m'étonner.
Je vous connois. Je fais tout ce que je m'apprête;
Et je vois quels malheurs j'assemble fur ma tête.
Mais le deffein eft pris. Rien ne peut m'ébranler.
Jugez-en, puisqu'ainfi je vous ofe parler ;
Et m'emporte au-delà de cette modeftie,
Dont, jufqu'à ce moment, je n'étois point fortie.

« PreviousContinue »