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PHEDI M E.

Ah, traitez-le, Madame, avec plus de justice!
Un grand Roi defcend-il jufqu'à cet artifice?
A prendre ce détour, qui l'auroit pû forcer?
Sans murmure,
à l'Autel vous l'alliez devancer.
Vouloit-il perdre un fils qu'il aime avec tendresse?
Jufqu'ici les effets fecondent fa promeffe:
Madame, il vous difoit qu'un important deffein,
Malgré lui, le forçoit à vous quitter demain.
Ce feul deffein l'occupe; &, hâtant fon voyage,
Lui-même ordonne tout, préfent fur le rivage.
Ses vaiffeaux en tous lieux fe chargent de foldats,
Et par-tout Xipharès accompagne fes pas.

·D'un rival en fureur eft-ce là la conduite ?
Et voit-on fes difcours démentis par la fuite?

MONIM E.

Pharnace, cependant, par fon ordre arrêté,
Trouve en lui d'un rival toute la dureté.
Phoedime, à Xipharès fera-t-il plus de grace?

PHDI ME.

C'eft l'ami des Romains qu'il punit en Pharnace; L'amour a peu de part à fes juftes soupçons,

MONIM E.

Autant que je le puis, je cède à tes raisons;
Elles calment un peu l'ennui qui me dévore.
Mais pourtant Xipharès ne paroît point encore.

PHED IM E.

Vaine erreur des amans, qui, pleins de leurs defirs,

Voudroient que tout cédât au foin de leurs plaifirs! Qui, prêts à s'irriter contre le moindre obftacle...

MONIM E.

Ma Phœdime, & qui peut concevoir ce miracle?
Après deux ans d'ennuis, dont tu fais tout le poids,
Quoi, je puis refpirer pour la première fois !
Quoi, cher Prince, avec toi je me verrois unie!
Et loin que ma tendreffe eût expose ta vie,
Tu verrois ton devoir, je verrois ma vertu
Approuver un amour fi long-tems combattu?
Je pourrois tous les jours t'affurer que je t'aime ?
Que ne viens-tu ?

SCENE 1 I.

MONIME, XIPHARÈS, PHODIme,

MONIM E.

SEIGNEUR,

EIGNEUR, je parlois de vous-même,

Mon ame fouhaitoit de vous voir en ce lieu,

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Oui, Madame; & pour toute ma vie.

MONIMI

MONIME.

Qu'entends-je? On me difoit... Hélas, ils m'ont trahie !

XIPHARÈS.

Madame, je ne fais quel ennemi couvert,
Révélant nos fecrets, vous trahit & me perd.
Mais le Roi, qui tantôt n'en croyoit point Pharnace,
Maintenant dans nos cœurs fait tout ce qui se passe.
Il feint, il me careffe, & cache fon deffein.
Mais moi qui, dès l'enfance élevé dans son sein,
De tous fes mouvemens ai trop d'intelligence,
J'ai lu dans fes regards fa prochaine vengeance.
Il preffe, il fait partir tous ceux dont mon malheur
Pourroit à la révolte exciter la douleur.
De fes fauffes bontés j'ai connu la contrainte.
Un mot même d'Arbate a confirmé ma crainte ;
Il a fù m'aborder; &, les larmes aux yeux:
On fait tout, m'a-t-il dit, fauvez-vous de ces lieux.
Ce mot m'a fait frémir du péril de ma Reine,
Et ce cher intérêt eft le seul qui m'amène.

Je vous crains pour vous-même, & je viens à genoux
Vous prier, ma Princeffe, & vous fléchir pour vous.
Vous dépendez ici d'une main violente,
Que le fang le plus cher rarement épouvante;
Et je n'ose vous dire à quelle cruauté
Mithridate jaloux s'eft fouvent emporté.
Peut-être c'eft moi feul que fa fureur menace.
Peut-être, en me perdant, il veut vous faire grace.
Daignez, au nom des Dieux, daignez en profiter.

Tome II.

L

Par de nouveaux refus n'allez point l'irriter.
Moins vous l'aimez, & plus tâchez de lui complaire.
Feignez. Efforcez-vous. Songez qu'il eft mon père.
Vivez; & permettez que, dans tous mes malheurs,
Je puiffe à votre amour ne coûter que des pleurs.

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Ne vous imputez point le malheur qui m'opprime.
Votre feule bonté n'eft point ce qui me nuit,
Je fuis un malheureux que le deftin poursuit.
C'est lui qui m'a ravi l'amitié de mon père,
Qui le fit mon rival, qui révolta ma mère;
Et vient de fufciter, dans ce moment affreux,
Un fecret ennemi pour nous trahir tous deux.

MONIM E.

Hé quoi! Cet ennemi vous l'ignorez encore?
XIPHARÈS.

Pour furcroît de douleur, Madame, je l'ignore.
Heureux fi je pouvois, avant que m'immoler,
Percer le traître cœur qui m'a pû déceler.

MONIM E.

Hé bien, Seigneur, il faut vous le faire connoître.
Ne cherchez point ailleurs cet ennemi, ce traître :
Frappez. Aucun refpect ne vous doit retenir.
J'ai tout fait; & c'est moi que vous devez punir.
XIPHARÈS.

Vous!

ΜΟΝΙΜΕ.

Ah, fi vous faviez, Prince, avec quelle adreffe

Le cruel eft venu surprendre ma tendreffe !
Quelle amitié fincère il affectoit pour vous!

Content, s'il vous voyoit devenir mon époux.
Qui n'auroit cru?... Mais non, mon amour plus timide,
Devoit moins vous livrer à fa bonté perfide.
Les Dieux qui m'infpiroient, & que j'ai mal fuivis,
M'ont fait taire trois fois par de fecrets avis.
J'ai dû continuér. J'ai dû dans tout le refte...
Que fais-je enfin ! J'ai dû vous être moins funefte.
J'ai dû craindre du Roi les dons empoisonnés,
Et je m'en punirai fi vous me pardonnez.
XIPHARÈS.

Quoi, Madame ? C'est vous, c'eft l'amour qui m'expofe?
Mon malheur eft parti d'une fi belle caufe?
Trop d'amour a trahi nos fecrets amoureux ?
Et vous vous excufez de m'avoir fait heureux ?
Que voudrois-je de plus? Glorieux & fidèle,
Je meurs. Un autre fort au trône vous appelle:
Confentez-y, Madame; &, fans plus réfifter,
Achevez un hymen qui vous y fait monter.

MONIM E.

Quoi, vous me demandez que j'épouse un barbare,
Dont l'odieux amour pour jamais nous fépare?

XIPHARÈS.

Songez que, ce matin, foumise à fes fouhaits,
Vous deviez l'époufer, & ne me voir jamais.

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