Page images
PDF
EPUB

Mon trône vous eft dû. Loin de m'en repentir,
Je vous y place même, avant que de partir,
Pourvu que vous vouliez qu'une main qui m'est chère,
Un fils, le digne objet de l'amour de fon père,
Xipharès, en un mot, devenant votre époux,
Me venge de Pharnace, & m'acquitte envers vous,

ΜΟΝΙΜΕ.

Xipharès! Lui, Seigneur?

MITHRIDATE.

Oui, lui-même, Madame.

D'où peut naître, à ce nom, le trouble de votre ame?
Contre un fi jufle choix qui peut vous révolter?
Eft-ce quelque mépris qu'on ne puiffe dompter?
Je le répéte encor. C'eft un autre moi-même,
Un fils victorieux qui me chérit, que j'aime,
L'ennemi des Romains, l'héritier & l'appui
D'un Empire & d'un nom qui va renaître en lui;
Et, quoique votre amour ait ofé fe promettre,
Ce n'eft qu'entre fes mains que je puis vous remettre.

MONIM E.

Que dites-vous? O Ciel! pourriez-vous approuver?... Fourquoi, Seigneur, pourquoi voulez-vous m'éprouver? Ceffez de tourmenter une ame infortunée...

Je fais que c'eft à vous que je fus destinée.

Je fais qu'en ce moment, pour ce nœud folemnel,
La victime, Seigneur, nous attend à l'autel.
Venez.

MITHRIDATE.

Je le vois bien : quelque effort que je faffe,
Madame, vous voulez vous garder à Pharnace.
Je reconnois toujours vos injuftes mépris;
Ils ont même paffé fur mon malheureux fils.

Je le méprife!

MONIM E.

MITHRIDATE.

Hé bien n'en parlons plus, Madame;

Continuez. Brûlez d'une honteufe flamme.
Tandis qu'avec mon fils je vais, loin de vos yeux,
Chercher au bout du monde un trépas glorieux;
Vous cependant ici fervez avec fon frère,
Et vendez aux Romains le fang de votre père.
Venez. Je ne faurois mieux punir vos dédains,
Qu'en vous mettant moi-même en fes ferviles mains;
Et, fans plus me charger du foin de votre gloire,
Je veux laiffer de vous jufqu'à votre mémoire.
Allons, Madame, allons. Je m'en vais vous unir.

MONIM E.

Plutôt de mille morts duffiez-vous me punir!

MITHRIDAT E.

Vous réfiftez en vain, & j'entends votre fuite.

MONIM E.

En quelle extrémité, Seigneur, fuis-je réduite?
Mais enfin je vous crois, & je ne puis penfer

Qu'à feindre fi long-tems vous puiffiez vous forcer.
Les Dieux me font témoins, qu'à vous plaire bornée,
Mon ame à tout fon fort s'étoit abandonnée.

Mais, fi quelque foibleffe avoit pû m'allarmer,

Si de tous fes efforts mon cœur a dû s'armer,
Ne croyez point, Seigneur, qu'auteur de mes allarmes,
Pharnace m'ait jamais coûté les moindres larmes.
Ce fils victorieux que vous favorifez,

Cette vivante image en qui vous vous plaifez,
Cet ennemi de Rome & cet autre vous-même;
Enfin ce Xipharès que vous voulez que j'aime...

Vous l'aimez?

MITHRIDATE.

MONIM E.

Si le fort ne m'eût donnée à vous,

Mon bonheur dépendoit de l'avoir pour époux.
Avant que votre amour m'eût envoyé ce gage,
Nous nous aimions... Seigneur, vous changez de vifage?

MITHRIDATE.

Non, Madame. Il fuffit. Je vais vous l'envoyer.
Allez. Le tems eft cher, il le faut employer.
Je vois qu'à m'obéir vous êtes difpofée.

Je fuis content.

MONIM E en s'en allant.

O Ciel! Me ferois-je abufée.

SCENE

Ꮴ 1.

MITHRIDATE feul.

Ils s'aiment. C'eft ainfi qu'on se jouoit de nous.
Ah, fils ingrat! tu vas me répondre pour tous;
Tu périras. Je fais combien ta renommée,
Et tes fauffes vertus ont féduit mon armée.
Perfide! Je te veux porter des coups certains.
Il faut, pour te mieux perdre, écarter les mutins;
Et faifant, à mes yeux, partir les plus rébelles,
Ne garder près de moi que des troupes fidelles.
Allons. Mais, fans montrer un vifage offenfé,
Diffimulons encor, comme j'ai commencé.

Fin du troifiéme Acte.

ACTE I V.

SCENE PREMIERE.

MONIME, PHŒDIM E.

PHODIM

MONIM E.

HŒDIME, au nom des Dieux, fais ce que je defire. Va voir ce qui fe passe, & reviens me le dire.

Je ne fais. Mais mon cœur ne fe
peut raffurer.
Mille foupçons affreux viennent me déchirer.
Que tarde Xipharès ? Et d'où vient qu'il diffère
A feconder des vœux qu'autorife fon père ?
Son père, en me quittant, me l'alloit envoyer.
Mais il feignoit peut-être? Il falloit tout nier.
Le Roi feignoit? Et moi, découvrant ma pensée...
O Dieux! en ce péril m'auriez-vous délaissée ?
Et fe pourroit-il bien qu'à fon reffentiment

Mon

amour indifcret eût livré mon amant?

Quoi, Prince! Quand, tout plein de ton amour extrême,
Pour favoir mon fecret tu me preffois toi-même,
Mes refus trop cruels vingt fois te l'ont caché ;
Je t'ai même puni de l'avoir arraché.

Et quand de toi, peut-être, un père se défie ;
Que dis-je ? Quand, peut-être, il y va de ta vie,
Je parle; &, trop facile à me laiffer tromper,
Je lui marque le cœur où la main doit frapper.

« PreviousContinue »