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Combattant à vos yeux, permettez que je meure.

MITHRIDAT E.

Je vous ai commandé de partir tout-à-l'heure.
Mais, après ce moment... Prince, vous m'entendez,
Et vous êtes perdu fi vous me répondez.

PHARNA CE.

Duffiez-vous préfenter mille morts à ma vue,
Je ne faurois chercher une fille inconnue.

Ma vie eft en vos mains.

MITHRIDATE.

Ah, c'eft où je t'attends.

Tu ne faurois partir, perfide, & je t'entends.
Je fais pourquoi tu fuis l'hymen où je t'envoie.
Il te fâche, en ces lieux, d'abandonner ta proie;
Monime te retient. Ton amour criminel
Prétendoit l'arracher à l'hymen paternel.
Ni l'ardeur dont tu fais que je l'ai recherchée,
Ni déja fur fon front ma couronne attachée,
Ni cet afyle même où je la fais garder,
Ni mon jufte courroux, n'ont pû t'intimider.
Traître, pour les Romains tes lâches complaifances
d'affez noires offenfes.

N'étoient à mes pas

yeux

Il te manquoit encor ces perfides amours,

Pour être le fupplice & l'horreur de mes jours.
Loin de t'en repentir, je vois fur ton visage

Que ta confufion ne part que de ta rage;
Il te tarde déja, qu'échappé de mes mains,.

Tu ne coures me perdre, & me vendre aux Romains.

Mais, avant que partir, je me ferai justice.
Je te l'ai dit. Holà, Gardes.

SCENE

I I.

MITHRIDATE, PHARNACE, XIPHARÈS,

GARDES.

MITHRIDATE.

QU'ON

U'ON le faififfe.

Oui, lui-même, Pharnace. Allez ; &, de ce pas,
Qu'enfermé dans la tour on ne le quitte pas.

PHARNA CE.

Hé bien, fans me parer d'une innocence vaine,
Il eft vrai, mon amour mérite votre haine.

J'aime. L'on vous a fait un fidèle récit.

Mais Xipharès, Seigneur, ne vous a pas tout dit.
C'eft le moindre fecret qu'il pouvoit vous apprendre.
Et ce fils fi fidèle a dû vous faire entendre,
Que, des mêmes ardeurs dès long-tems enflammé,
Il aime auffi la Reine, & même en eft aimé.

SCENE III.

MITHRIDATE, XIPHARES.

SEIGNEUR

XIPHAR È S.

ZIGNEUR, le croirez-vous qu'un deffein fi coupable...

MITHRIDATE.

Mon fils, je fais de quoi votre frère eft capable.
Me préferve le Ciel de foupçonner jamais,
Que d'un prix fi cruel vous payez mes bienfaits;
Qu'un fils, qui fut toujours le bonheur de ma vie,
Ait pû percer ce cœur qu'un père lui confie.
Je ne le croirai point. Allez, loin d'y fonger,
Je ne vais déformais penfer qu'à nous venger.

JE

SCENE

I V.

MITHRIDATE feul.

E ne le croirai point? Vain espoir qui me flatte !
Tu ne le crois que trop, malheureux Mithridate !
Xipharès m on rival? Et, d'accord avec lui,
La Reine auroit ofé me tromper aujourd'hui ?
Quoi! de quelque côté que je tourne la vue,
La foi de tous les cœurs eft pour moi difparue?
Tout m'abandonne ailleurs? Tout me trahit ici?
Pharnace, amis, maîtreffe, & toi, mon fils, auffi?

Toi, de qui la vertu confolant ma difgrace...
Mais ne connois-je pas le perfide Pharnace ?
Quelle foibleffe à moi d'en croire un furieux,
Qu'arme contre fon frère un deffein envieux;
Ou, dont le défespoir me troublant par des fables,
Groffit, pour se fauver, le nombre des coupables?
Non, ne l'en croyons point; &, fans trop nous preffer,
Voyons, examinons. Mais par où commencer?
Qui m'en éclaircira? Quels témoins? Quel indice?
Le Ciel, en ce moment, m'infpire un artifice.
Qu'on appelle la Reine. Oui, fans aller plus loin,
Je veux l'ouïr. Mon choix s'arrête à ce témoin.
L'amour avidement croit tout ce qui le flatte.
Qui peut de fon vainqueur mieux parler que l'ingrate ?
Voyons qui fon amour accufera des deux.

S'il n'eft digne de moi, le piège eft digne d'eux.
Trompons qui nous trahit. Et, pour connoître un traître,
Il n'eft point de moyens... Mais je la vois paroître,
Feignons; & de fon cœur, d'un vain espoir flatté,
Par un menfonge adroit tirons la vérité.

SCENE V

MITHRIDATE, MONIME.

MITHRIDATE.

ENFIN j'ouvre les yeux, & je me fais justice.

C'eft faire à vos beautés un trifte facrifice,
Que de vous préfenter, Madame, avec ma foi,
Tout l'âge & le malheur que je traîne avec moi.
Jufqu'ici la fortune & la victoire mêmes

Cachoient mes cheveux blancs fous trente diadêmes.
Mais ce tems-là n'eft plus. Je régnois, & je fuis.
Mes ans fe font accrus. Mes honneurs font détruits;
Et mon front, dépouillé d'un fi noble avantage,
Du tems, qui l'a flétri, laisse voir tout l'outrage.
D'ailleurs, mille deffeins partagent mes efprits.
D'un camp, prêt à partir, vous entendez les cris.
Sortant de mes vaiffeaux, il faut que j'y remonte.
Quel tems, pour un hymen, qu'une fuite fi prompte,
Madame ! Et de quel front vous unir à mon fort,
Quand je ne cherche plus que la guerre & la mort?
Ceffez pourtant, ceffez de prétendre à Pharnace.
Quand je me fais juftice, il faut qu'on fe la faffe.
Je ne fouffrirai point que ce fils odieux,
Que je viens pour jamais de bannir de mes yeux,
Poffédant un amour qui me fut déniée,
Vous faffe des Romains devenir l'alliée.

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