Page images
PDF
EPUB

MONIM E.

N'importe, il me faut obéir.

Inventez des raifons qui puiffent l'éblouir.

D'un Héros tel que vous c'eft-là l'effort fuprême;
Cherchez, Prince, cherchez, pour vous trahir vous-même,
Tout ce que, pour jouir de leurs contentemens,
L'amour fait inventer aux vulgaires amans.
Enfin, je me connois, il y va de ma vie.
De mes foibles efforts ma vertu fe défie.

Je fais qu'en vous voyant, un tendre'fouvenir
Peut m'arracher du cœur quelque indigne soupir;
Que je verrai mon ame en fecret déchirée,
Revoler vers le bien dont elle eft féparée.
Mais je fais bien auffi que, s'il dépend de vous
De me faire chérir un fouvenir fi doux,
Vous n'empêcherez pas que ma gloire offensée
N'en puniffe auffi-tôt la coupable pensée;
Que ma main, dans mon cœur, ne vous aille chercher
Pour y laver ma honte, & vous en arracher.

Que dis-je ? En ce moment, le dernier qui nous reste,
Je me fens arrêter par un plaifir funefte.

Plus je vous parle, & plus, trop foible que je fuis,
Je cherche à prolonger le péril que je fuis.
Il faut pourtant, il faut fe faire violence:
Et, fans perdre en adieux un refte de constance,
Je fuis. Souvenez-vous, Prince, de m'éviter,
Et méritez les pleurs que vous m'allez coûter.

XIPHARÈS.

Ah, Madame!... Elle fuit, & ne veut plus m'entendre,
Malheureux Xipharès, quel parti dois-tu prendre ?
On t'aime, on te bannit; toi-même tu vois bien
Que ton propre devoir s'accorde avec le fien.
Cours, par un prompt trépas, abréger ton fupplice.
Toutefois, attendons que fon fort s'éclairciffe ;
Et s'il faut qu'un rival la ravisse à ma foi,
Du moins, en expirant, ne la cédons qu'au Roi.

Fin du fecond Ae.

ACTE II I.

SCENE

PREMIERE.

MITRIDATE, PHARNACE, XIPHARÈS.

APPROCHE

MITHRIDATE.

PPROCHEZ, mes enfans. Enfin l'heure eft venue

Qu'il faut que mon fecret éclate à votre vue:
A mes nobles projets je vois tout confpirer;
11 ne me refte plus qu'à vous les déclarer.
Je fuis ainfi le veut la fortune ennemie.
Mais vous favez trop bien l'histoire de ma vie,
Pour croire que, long-tems foigneux de me cacher,
J'attende en ces déferts qu'on me vienne chercher.
La guerre a fes faveurs, ainfi que fes difgraces.
Déja, plus d'une fois retournant sur mes traces,
Tandis que l'ennemi, par ma fuite trompé,
Tenoit après fon char un vain peuple occupé;
Et, gravant en airain fes frêles avantages,
De mes Etats conquis enchaînoit les images;
Le Bofphore m'a vu, par de nouveaux apprêts,
Ramener la terreur du fond de fes marais;
Et, chaffant les Romains de l'Afie étonnée,
Renverfer, en un jour, l'ouvrage d'une année.
D'autres tems, d'autres foins. L'Orient accablé
Ne peut plus foutenir leur effort redoublé.

Il voit, plus que jamais, fes campagnes couvertes
De Romains que la guerre enrichit de nos pertes.
Des biens des Nations raviffeurs altérés,

Le bruit de nos tréfors les a tous attirés :

Ils y courent en foule ; &, jaloux l'un de l'autre,
Défertent leur pays pour inonder le nôtre.
Moi feul je leur réfifte Ou laffés, ou foumis,
Ma funefte amitié pèse à tous mes amis.
Chacun à ce fardeau veut dérober fa tête.
Le grand nom de Pompée affure fa conquête,
C'est l'effroi de l'Afie; &, loin de l'y chercher,
C'est à Rome, mes fils, que je prétends marcher.
Ce deffein vous furprend, & vous croyez peut-être
Que le feul défefpoir aujourd'hui le fait naître.
J'excufe votre erreur. Et, pour être approuvés,
De femblables projets veulent être achevés.
Ne vous figurez point que, de cette contrée,
Par d'éternels remparts Rome foit féparée.
Je fais tous les chemins par où je dois paffer;
Et fi la mort bientôt ne me vient traverfer,
Sans reculer plus loin l'effet de ma parole,

Je vous rends, dans trois mois, au pied du Capitole.
Doutez-vous que l'Euxin ne me porte, en deux jours,
Aux lieux où le Danube y vient finir fon cours;
Que du Scythe, avec moi, l'alliance jurée,
De l'Europe en ces lieux ne me livre l'entrée ?
Recueilli dans leurs ports, accru de leurs foldats,
Nous verrons notre camp groffir à chaque pas.

Daces; Pannoniens, la fière Germanie,

Tous n'attendent qu'un Chef contre la tyrannie.
Vous avez vu l'Efpagne, & fur-tout les Gaulois,
Contre ces mêmes murs qu'ils ont pris autrefois,
Exciter ma vengeance, &, jufques dans la Grèce,
Par des Ambassadeurs accuser ma paresse.
Ils favent que fur eux, prêt à fe déborder,
Ce torrent, s'il m'entraînè, ira tout inonder;
Et vous les verrez tous, prévenant fon ravage,
Guider dans l'Italie, & fuivre mon paffage.
C'est-là qu'en arrivant, plus qu'en tout le chemin,
Vous trouverez par-tout l'horreur du nom Romain;
Et la trifte Italie encor toute fumante

Des feux qu'a rallumés fa liberté mourante.
Non, Princes, ce n'est point au bout de l'Univers
Que Rome fait fentir tout le poids de fes fers;
Et, de près, infpirant les haines les plus fortes,
Tes plus grands ennemis, Rome, font à tes portes.
Ah, s'ils ont pû choifir pour leur libérateur
Spartacus, un esclave, un vil gladiateur!

S'ils fuivent au combat des brigands qui les vengent,
De quelle noble ardeur penfez-vous qu'ils fe rangent
Sous les drapeaux d'un Roi long-tems victorieux,
Qui voit jufqu'à Cyrus remonter fes ayeux?
Que dis-je ? En quel état croyez-vous la furprendre?
Vuide de légions qui la puiffent défendre,

Tandis que tout s'occupe à me perfécuter,
Leurs femmes, leurs enfans pourront-ils m'arrêter ?

« PreviousContinue »