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Ne vous fouvient-il plus, en quittant vos beaux yeux,
Quelle vive douleur attendrit mes adieux!

Je m'en fouviens tout feul. Avouez-le, Madame,
Je vous rappelle un fonge effacé de votre ame.
Tandis que, loin de vous, fans efpoir de retour,
Je nourriffois encore un malheureux amour,
Contente & réfolue à l'hymen de mon père,
Tous les malheurs du fils ne vous affligeoient guère,

Hélas!

MONIM E.

XIPHAR È S.

Avez-vous plaint un moment mes ennuis?

MONIM E.

Prince... N'abufez point de l'état où je fuis.

XIPHARÈS.

En abufer! O Ciel! quand je cours vous défendre, Sans vous demander rien, fans ofer rien prétendre: Que vous dirai-je enfin? Lorsque je vous promets De yous mettre en état de ne me voir jamais.

ΜΟΝΙΜΕ.

C'eft me promettre plus que vous ne fauriez faire,
XIPHARÈS,

Quoi, malgré mes fermens, vous croyez le contraire?
Vous croyez qu'abufant de mon autorité,

Je prétends attenter à votre liberté.

On vient, Madame, on vient. Expliquez-vous, de grace, Un mot.

MONIM.E.

Défendez-moi des fureurs de Pharnace.

Pour me faire, Seigneur, consentir à vous voir,
Vous n'aurez pas befoin d'un injufte pouvoir.

Ah, Madame!

XIPHAR È S.

MONIM E.

Seigneur, vous voyez votre frère.

SCENE III.

MONIME, PHARNACE, XIPHARÈS.

JUSQUES

PHARNA CE.

USQUES à quand, Madame, attendrez-vous mon père; Des témoins de fa mort viennent à tous momens, Condamner votre doute & vos retardemens. Venez, fuyez l'afpect de ce climat fauvage, Qui ne parle à vos yeux que d'un trifte esclavage. Un peuple obéiffant vous attend à genoux, Sous un Ciel plus heureux & plus digne de vous. Le Pont vous reconnoît dès long-tems pour fa Reine, Vous en portez encor la marque fouveraine ; Et ce bandeau royal fut mis fur votre front, Comme un gage affuré de l'Empire de Pont. Maître de cet Etat que mon père me laisse, Madame, c'eft à moi d'accomplir fa promeffe. Mais il faut, croyez-moi, fans attendre plus tard, Ainfi que notre hymen, preffer notre départ.

I

Nos intérêts communs & mon cœur le demandent. Prêts à vous recevoir, mes vaisseaux vous attendent; Et du pied de l'Autel vous y pouvez monter, Souveraine des mers qui vous doivent porter.

MONIM E.

Seigneur, tant de bontés ont lieu de me confondre. Mais, puifque le tems preffe, & qu'il faut vous répondre, Puis-je, laiffant la feinte & les déguisemens,

Vous découvrir ici mes fecrets fentimens ?

Vous pouvez tout.

PHARNA CE.

MONIM E.

Je crois que je vous fuis connue.

Ephèfe eft mon pays. Mais je fuis defcendue
D'Ayeux, ou Rois, Seigneur, ou Héros, qu'autrefois
Leur vertu, chez les Grecs, mit au-deffus des Rois.
Mithridate me vit. Ephèfe & l'Ionie,

A fon heureux Empire étoit alors unie.
Il daigna m'envoyer ce gage de fa foi:
Ce fut pour ma famille une fuprême loi.
Il fallut obéir. Efclave couronnée,
Je partis pour l'hymen où j'étois destinée.
Le Roi, qui m'attendoit au fein de fes Etats,
Vit emporter ailleurs fes deffeins & fes pas;
Et, tandis que la guerre occupoit fon courage,
M'envoya dans ces lieux éloignés de l'orage.
J'y vins. J'y fuis encor. Mais cependant, Seigneur,
Mon père paya cher ce dangereux honneur ;

Et les Romains vainqueurs, pour première victime,
Prirent Philopomen, le père de Monime.
Sous ce titre funefte il fe vit immoler,

Et c'eft de quoi, Seigneur, j'ai voulu vous parler.
Quelque jufte fureur dont je fois animée,
Je ne puis point à Rome oppofer une armée.
Inutile témoin de tous fes attentats,

Je n'ai, pour me venger, ni fceptre, ni foldats.
Enfin, je n'ai qu'un cœur. Tout ce que je puis faire,
C'eft de garder la foi que je dois à mon père;
De ne point dans fon fang aller tremper mes mains,
En époufant en vous l'allié des Romains.

PHARNA CE.

Que parlez-vous de Rome & de fon alliance?
Pourquoi tout ce difcours & cette défiance?
Qui vous dit qu'avec eux je prétends m'allier?

MON IM E.

Mais vous-même, Seigneur, pouvez-vous le nier?
Comment m'offririez-vous l'entrée & la couronne.
D'un
pays que par-tout leur armée environne,
Si le Traité fecret, qui vous lie aux Romains,
Ne vous en affuroit l'Empire & les chemins ?

PHARNA CE.

De mes intentions je pourrois vous inftruire,
Et je fais les raifons que j'aurois à vous dire,
Si, laiffant en effet les vains déguisemens,
Vous m'aviez expliqué vos fecrets fentimens.

Mais enfin je commence, après tant de traverses,
Madame, à raffembler vos excufes diverfes.
Je crois voir l'intérêt que vous voulez céler,
Et qu'un autre qu'un père ici vous fait parler.

XIPHARÈS.

Quel que foit l'intérêt qui fait parler la Reine,
La réponse, Seigneur, doit-elle être incertaine?
Et, contre les Romains, votre reffentiment
Doit-il, pour éclater, balancer un moment ?
Quoi, nous aurons d'un père entendu la difgrace,
Et, lents à le venger, prompts à remplir fa place,
Nous mettrons notre honneur & fon fang en oubli?
Il eft mort. Savons-nous s'il eft enseveli ?

Qui fait, fi dans le tems que votre ame empressée
Forme d'un doux hymen l'agréable pensée,
Ce Roi, que l'Orient tout plein de fes exploits,
Peut nommer juftement le dernier de fes Rois,
Dans fes propres Etats privé de fépulture,

Ou couché, fans honneur, dans une foule obfcure,
N'accufe point le Ciel qui le laiffe outrager,
Et des indignes fils qui n'ofent le venger?

Ah, ne languiffons plus dans un coin du Bofphore!
Si, dans tout l'Univers, quelque Roi libre encore,
Parthe, Scythe, ou Sarmate, aime fa liberté,
Voilà nos alliés. Marchons de ce côté.

Vivons, ou périffons, dignes de Mithridate;

Et fongeons bien plutôt, quelque amour qui nous flatte,

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