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Jacq. De Seve inv.

MITHRIDATE.

Clau Ferrard Sculp.1765.

MITHRIDATE,

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

XIPHARÈS, ARBATE.

XIPHARÈS.

ON nous faifoit, Arbate, un fidèle rapport.

Rome, en effet, triomphe, & Mithridate eft mort.
Les Romains, vers l'Euphrate, ont attaqué mon père,
Et trompé, dans la nuit, fa prudence ordinaire.
Après un long combat, tout fon camp dispersé,
Dans la foule des morts, en fuyant l'a laissé ;
Et j'ai fù qu'un Soldat, dans les mains de Pompée,
Avec fon diadême a remis fon épée,

Ainfi ce Roi qui, feul, a, durant quarante ans,
Laffé tout ce que Rome eut de Chefs importans,
Et qui, dans l'Orient balançant la fortune,
Vengeoit de tous les Rois la querelle commune,
Meurt, & laiffe après lui, pour venger fon trépas,
Deux fils infortunés qui ne s'accordent pas.

ARBAT E.

Vous, Seigneur! Quoi, l'ardeur de régner en sa place, Rend déja Xipharès ennemi de Pharnace !

XIPHAR È S.

Non, je ne prétends point, cher Arbate, à ce prix,
D'un malheureux Empire acheter le débris.
Je fais en lui des ans refpecter l'avantage;

Et content des Etats marqués pour mon partage,
Je verrai, fans regret, tomber entre fes mains
Tout ce qui lui promet l'amitié des Romains.

ARBAT E.

L'amitié des Romains? Le fils de Mithridate?
Seigneur? Eft-il bien vrai ?

XIPHAR È S.

N'en doute point, Arbate,

Pharnace, dès long-tems, tout Romain dans le cœur,
Attend tout maintenant de Rome & du vainqueur.
Et moi, plus que jamais à mon père fidèle,
Je conferve aux Romains une haine immortelle.
Cependant, & ma haine & fes prétentions,
Sont les moindres fujets de nos divifions.

ARBAT E.

Et quel autre intérêt contre lui vous anime?

XIPHARÈS.

Je m'en vais t'étonner. Cette belle Monime,
Qui du Roi notre père attira tous les vœux,
Dont Pharnace, après lui, se déclare amoureux...

Hé bien, Seigneur!

ARBAT E.

XIPHARÈS.

Je l'aime, & ne veux plus m'en taire, Puisqu'enfin pour rival je n'ai plus que mon frère. Tu ne t'attendois pas, fans doute, à ce difcours. Mais ce n'eft point, Arbate, un secret de deux jours. Cet amour s'eft long-tems accru dans le filence; Que n'en puis-je à tes yeux marquer la violence, Et mes premiers foupirs, & mes derniers ennuis Mais, en l'état funefte où nous fommes réduits, Ce n'eft guères le tems d'occuper ma mémoire A rappeller le cours d'une amoureufe hiftoire. Qu'il te fuffife donc, pour me juftifier, Que je vis, que j'aimai la Reine le premier; Que mon père ignoroit jusqu'au nom de Monime, Quand je conçus pour elle un amour légitime. Il la vit. Mais, au lieu d'offrir à ses beautés Un hymen & des vœux dignes d'être écoutés, Il crut que, fans prétendre une plus haute gloire, Elle lui céderoit une indigne victoire. Tu fais par quels efforts il tenta fa vertu ; Et que, laffé d'avoir vainement combattu,

Abfent, mais toujours plein de fon amour extrême,
Il lui fit par tes mains porter fon diadême.
Juge de mes douleurs, quand des bruits trop certains
M'annoncèrent du Roi l'amour & les deffeins;
Quand je fûs qu'à fon lit Monime réservée,
Avoit pris, avec toi, le chemin de Nymphée.
Hélas! ce fut encor dans ce tems odieux,

Qu'aux offres des Romains ma mère ouvrit les yeux.
Ou pour venger fa foi par cet hymen trompée,
Ou ménageant pour moi la faveur de Pompée,
Elle trahit mon père, & rendit aux Romains
La place & les tréfors confiés en fes mains.
Que devins-je au récit du crime de ma mère !
Je ne regardai plus mon rival dans mon père,
J'oubliai mon amour par le fien traversé.
Je n'eus devant les yeux que mon père offensé.
J'attaquai les Romains; & ma mère éperdue,
Me vit, en reprenant cette place rendue,
A mille coups mortels contre eux me devouer,
Et chercher, en mourant, à la défavouer.
L'Euxin, depuis ce tems,

fut libre, & l'eft encore;
Et des rives du Pont aux rives du Bofphore,
Tout reconnut mon père, & fes heureux vaisseaux
N'eurent plus d'ennemis que les vents & les eaux.
Je voulois faire plus. Je prétendois, Arbate,
Moi-même, à fon fecours, m'avancer vers l'Euphrate.
Je fus foudain frappé du bruit de fon trépas;
Au milieu de mes pleurs, je ne le cèle pas,

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