Page images
PDF
EPUB

Et je puis, fans mourir, en fouffrir la pensée ?
Moi, qui n'ai pû tantôt, de ta mort menacée,
Retenir mes efprits, proinpts à m'abandonner!
Ah, n'ai-je eu de l'amour que pour t'affaffiner!
Mais c'en eft trop. Il faut, par un prompt facrifice,
Que ma fidelle main te venge & me punisse.
Vous, de qui j'ai troublé la gloire & le repos,
Héros, qui deviez tous revivre en ce Héros ;
Toi, mère malheureuse, & qui, dès notre enfance,
Me confias fon cœur dans une autre espérance;
Infortuné Vifir, amis défespérés,

Roxane, venez tous, contre moi conjurés,
Tourmenter à la fois une amante éperdue ;
(Elle fe tue.)

Et prenez la vengeance enfin qui vous eft dûe.

ZAÏRE.

Ah, Madame!... Elle expire. O Ciel! en ce malheur, Que ne puis-je avec elle expirer de douleur !

FIN.

MITHRIDATE,

TRAGÉDI E.

HY

PRÉFA CE.

Il n'y a guères de nom plus connu que celui de

[ocr errors]

Mithridate fa vie & fa mort font une partie confidérable de l'Hiftoire Romaine. Et, fans compter les victoires qu'il a remportées, on peut dire que fes feules défaites ont fait prefque toute la gloire de trois des plus grands Capitaines de la République ; c'est à savoir, de Sylla, de Lucullus & de Pompée. Ainfi je ne pense pas qu'il foit befoin de citer ici mes Auteurs: car, excepté quelques événemens que j'ai un peu rapproché par le droit que donne la Poéfie, tout le monde reconnoîtra aifément que j'ai fuivi l'Histoire avec beaucoup de fidélité. En effet, il n'y a guères d'actions éclatantes dans la vie de Mithridate, qui n'ayent trouvé place dans ma Tragédie. J'y ai inféré tout ce qui pouvoit mettre en jour les mœurs & les fentimens de ce Prince, je veux dire, fa haine violente contre les Romains, fon grand courage, fa finesse, sa diffimulation, & enfin cette jaloufie qui lui étoit fi natu relle, & qui a tant de fois coûté la vie à fes maî¬ treffes. La feule chofe qui pourroit n'être pas auffi connue que le refte, c'eft le deffein que je lui fais prendre de paffer dans l'Italie. Comme ce deffein m'a fourni une des Scènes qui ont le plus réuffi dans ma Tragédie, je crois que le plaifir du Lecteur pourra

redoubler, quand il verra que prefque tous les Hiftoriens ont dit ce que je fais dire ici à Mithridate.

Florus, Plutarque & Dion Caffius, nomment les pays par où il devoit paffer. Appien d'Alexandrie entre plus dans le détail; &, après avoir marqué les facilités & les fecours que Mithridate efpéroit trouver dans fa marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont Pharnace se servit pour faire révolter toute l'armée, & que les Soldats effrayés de l'entreprise de fon père, la regardèrent comme le désespoir d'un Prince qui ne cherchoit qu'à périr avec éclat.

Ainfi elle fut en partie cause de sa mort, qui est l'action de ma Tragédie. J'ai encore lié ce dessein de plus près à mon fujet. Je m'en fuis fervi pour faire connoître à Mithridate les fecrets fentimens de fes deux fils. On ne peut prendre trop de précaution pour ne rien mettre fur le Théâtre qui ne foit trèsnécessaire; & les plus belles Scènes font en danger d'ennuyer, du moment qu'on les peut féparer de l'action, & qu'elles l'interrompent au lieu de la conduire vers fa fin.

Voici la réflexion que fait Dion Caffius fur ce deffein de Mithridate: » Cet homme étoit véritable>ment né pour entreprendre de grandes chofes. Com» me il avoit fouvent éprouvé la bonne & la mau » vaise fortune, il ne croyoit rien au-deffus de fes » efpérances & de fon audace, & mefuroit fes deffeins » bien plus à la grandeur de fon courage, qu'au mau

« PreviousContinue »