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Précipite des jours qu'elle me veut ravir;
Montre-toi, s'il se peut, digne de la fervir.

Tu me retiens en vain; &, dès cette même heure,
Il faut que je le voie, ou du moins que je meure.

SCENE

IX.

ATALIDE, ACOMAT, ZATIME.

АСОМАТ.

AH, que fait Bajazet ? Où le puis-je trouver,

Madame? Aurai-je encor le tems de le fauver?
Je cours tout le ferrail; &, même dès l'entrée,
De mes braves amis la moitié féparée,
A marché fur les pas du courageux Ofmin;
Le refte m'a fuivi par un autre chemin.

Je cours, & je ne vois que des troupes craintives
D'efclaves effrayés, de femmes fugitives.

ATALID E.

Ah, je fuis de fon fort moins inftruite que vous !
Cette Efclave le fait.

A COMA T.

Crains mon jufte courroux.

Malheureuse, réponds.

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Et ce qui va bien plus vous étonner,

Orcan lui-même, Orcan vient de l'affaffiner.

Quoi, lui?

ATALID E.

ZAIRE.

Défefpéré d'avoir manqué fon crime,

Sans doute il a voulu prendre cette victime.

ATALID E.

Jufte Ciel! l'innocence a trouvé ton appui.

Bajazet vit encor; Vifir, courez à lui.

ZAÏRE.

Par la bouche d'Osmin vous ferez mieux inftruite :

Il a tout vù.

SCENE X1.

ATALIDE, ACOMAT, ZAÏRE, OSMIN.

SES

ACOMA T.

Es yeux ne l'ont-ils point féduite?

Roxane eft-elle morte?

OS MIN.

Qui, j'ai vu l'affaffin

Retirer fon poignard tout fumant de son sein.
Orcan, qui méditoit ce cruel ftratagême,
La fervoit, à deffein de la perdre elle-même ;
Et le Sultan l'avoit chargé fecrettement
De lui facrifier l'amante après l'amant.
Lui-même, d'auffi loin qu'il nous a vu paroître,
Adorez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître ;
De fon augufte feing reconnoissez les traits,
Perfides, & fortez de ce facré Palais.

A ces difcours, laiffant la Sultane expirante,
Il a marché vers nous; &, d'une main fanglante,
Il nous a déployé l'ordre dont Amurat

Autorife ce monftre à ce double attentat.
Mais, Seigneur, fans vouloir l'écouter davantage,
Transportés à la fois de douleur & de rage,
Nos bras impatiens ont puni fon forfait,
Et vengé dans fon fang la mort de Bajazet.

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Près de ces lieux, Seigneur, craignant votre fecours,
Avoit au nœud fatal abandonné fes jours.
Moi-même des objets j'ai vu le plus funefte,
Et de fa vie en vain j'ai cherché quelque refte.
Bajazet étoit mort. Nous l'avons rencontré
De morts & de mourans noblement entouré,
Que, vengeant fa défaite, & cédant fous le nombre,
Ce Héros a forcés d'accompagner fon ombre.
Mais, puisque c'en eft fait, Seigneur, fongeons à nous.

A COMA T.

Ah, Deftins ennemis, où me réduifez-vous !
Je fais en Bajazet la perte que vous faites,
Madame. Je fais trop qu'en l'état où vous êtes,
Il ne m'appartient point de vous offrir l'appui
De quelques malheureux qui n'efpéroient qu'en lui.
Saifi, défefpéré d'une mort qui m'accable,
Je vais, non point sauver cette tête coupable;

Mais, redevable aux foins de mes triftes amis, Défendre jufqu'au bout leurs jours qu'ils m'ont commis. Pour vous, fi vous voulez qu'en quelqu'autre contrée Nous allions confier votre tête facrée,

Madame, confultez. Maître de ce Palais,

Mes fidèles amis attendront vos fouhaits;
Et moi, pour ne point perdre un tems fi falutaire,
Je cours où ma préfence eft encor nécessaire ;
Et, jufqu'au pied des murs que la mer vient laver,
Sur mes vaiffeaux tout prêts je viens vous retrouver.

SCENE DERNIERE.
ATALIDE, ZAIR E.

ATALID E.

ENFIN, c'en eft donc fait. Et par mes artifices,

Mes injuftes foupçons, mes funeftes caprices
Je fuis donc arrivée au douloureux moment,
Où je vois, par mon crime, expirer mon amant.
N'étoit-ce pas affez, cruelle destinée,

Qu'à lui furvivre, hélas, je fuffe condamnée !
Et falloit-il encor que, pour comble d'horreurs,
Je ne puffe imputer fa mort qu'à mes fureurs !
Oui, c'eft moi, cher Amant, qui t'arrache la vie ;
Roxane, ou le Sultan, ne te l'ont point ravie.
Moi feule j'ai tiffu le lien malheureux

Dont tu viens d'éprouver les déteftables nœuds.

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