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A COM A T.

Comment?

ROXAN E.

Cette Atalide,

Qui même n'étoit pas un affez digne prix
De tout ce que pour lui vous avez entrepris...

Hé bien?

A COMA T.

ROXAN E.

Lifez. Jugez, après cette infolence,

Si nous devons d'un traître embraffer la défenfe.
Obéiffons plutôt à la jufle rigueur

D'Amurat qui s'approche & retourne vainqueur ;
Et livrant, fans regret, un indigne complice,
Appaifons le Sultan par un prompt facrifice.

ACOMA T lui rendant le billet.

Oui, puifque jufques-là l'ingrat m'ofe outrager,
Moi-même, s'il le faut, je m'offre à vous venger,
Madame. Laiffez-moi nous laver l'un & l'autre
Du crime

que fa vie a jetté fur la nôtre.

Montrez-moi le chemin, j'y cours.

ROXAN E.

: Non, Acomat.

Laiffez-moi le plaifir de confondre l'ingrat.

Je veux voir fon défordre, & jouir de fa honte.
Je perdrois ma vengeance en la rendant fi prompte.
Je vais tout préparer. Vous, cependant, allez
Difperfer promptement vos amis affemblés.

དྷ

SCENE

VII.

A COMAT, OS MIN.

DEMEURE.

A COMA T.

EMEURE. Il n'eft pas tems,cher Ofmin, que je forte.

OS MIN.

Quoi, jufques-là, Seigneur, votre amour vous transporte?
N'avez-vous pas pouffé la vengeance affez loin?
Voulez-vous de fa mort être encor le témoin?

A COMA T.

Que veux-tu dire? Es-tu toi même fi crédule,
Que de me foupçonner d'un courroux ridicule ?
Moi jaloux? Plût au Ciel, qu'en me manquant de foi,
L'imprudent Bajazet n'eût offenfé
que moi!

OSMIN.

Et pourquoi donc, Seigneur, au lieu de le défendre,..

A COMA T.

Et la Sultane eft-elle en état de m'entendre?

Ne voyois-tu pas bien, quand je l'allois trouver,
Que j'allois avec lui me perdre ou me fauver?
Ah, de tant de confeils événement finiftre!

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Prince aveugle! ou plutôt trop aveugle Miniftre,
Il te fied bien d'avoir, en de fi jeunes mains,
Chargé d'ans & d'honneurs, confié tes desseins;
Et laiffe d'un Vifir la fortune flottante,
Suivre de ces amans la conduite imprudente!

OS MIN.

Hé, laiffez-les entre eux exercer leur courroux.
Bajazet veut périr, Seigneur, fongez à vous.
Qui peut de vos deffeins révéler le mystère,
Sinon quelques amis engagés à fe taire?

Vous verrez, par

fa mort, le Sultan adouci.

АСОМА Т.

Roxane, en fa fureur, peut raifonner ainfi.

Mais moi qui vois plus loin, qui, par un long usage, Des maximes du trône ai fait l'apprentissage;

Qui, d'emplois en emplois, vieilli fous trois Sultans,
Ai vu de mes pareils les malheurs éclatans;

Je fais, fans me flatter, que de fa feule audace
Un homme tel que moi doit attendre fa grace;
Et qu'une mort fanglante eft l'unique traité
Qui refte entre l'Efclave & le Maître irrité.

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J'approuvois tantôt cette pensée.

Mon entreprise alors étoit moins avancée.
Mais il m'eft déformais trop dur de reculer;
Par une belle chûte il faut me fignaler,
Et laiffer un débris, du moins, après ma fuite,
Qui de mes ennemis retarde la poursuite.
Bajazet vit encor. Pourquoi nous étonner?
Acomat de plus loin a fâ le ramener.

Sauvons-le, malgré lui, de ce péril extrême,

Pour nous, pour nos amis, pour Roxane elle-même.

Tu vois combien fon cœur, prêt à le protéger,
A retenu mon bras trop prompt à la venger.
Je connois peu l'amour; mais j'ofe te répondre
Qu'il n'eft pas condamné, puisqu'on veut le confondre ;
Que nous avons du tems. Malgré fon désespoir,
Roxane l'aime encore, Ofmin, & le va voir.

OSMIN.

Enfin, que vous infpire une fi noble audace!
Si Roxane l'ordonne, il faut quitter la place.
Ce Palais eft tout plein...

A COMA T.

Oui, d'Efclaves obfcurs,
Nourris, loin de la guerre, à l'ombre de ces murs.
Mais toi, dont la valeur d'Amurat oubliée,
Par de communs chagrins à mon fort s'eft liée,
Voudras-tu jufqu'au bout feconder mes fureurs?

OSMIN.

Seigneur, vous m'offenfez. Si vous mourez, je meurs.

A COMA T.

D'amis & de foldats une troupe hardie,
Aux portes du Palais attend notre fortie.
La Sultane d'ailleurs fe fie à mes discours.
Nourri dans le ferrail, j'en connois les détours.
Je fais de Bajazet l'ordinaire demeure.

Ne tardons plus. Marchons. Et, s'il faut que je meure,
Mourons: moi, cher Ofmin, comme un Vifir; & toi,
Comme le favori d'un homme tel que moi.

Fin du quatriéme Acte,

ACTE V.

SCENE PREMIERE.

ATALID E.

HELAS, je cherche en vain. Rien ne s'offre à mavne,

Malheureufe! Comment puis-je l'avoir perdue!

Ciel, aurois-tu permis que mon funefte amour
Expofât mon amant tant de fois en un jour?
Que, pour dernier malheur, cette lettre fatale
Fût encor parvenue aux yeux de ma rivale ?
J'étois en ce lieu même ; & ma timide main,
Quand Roxane a paru, l'a cachée en mon fein.
Sa préfence a furpris mon ame défolée.
Ses menaces, fa voix, un ordre m'a troublée.
J'ai fenti défaillir ma force & mes efprits.
Ses femmes m'entouroient quand je les ai repris;
A mes yeux étonnés leur troupe eft disparue.
Ah, trop cruelles mains qui m'avez fecourue!
Vous m'avez vendu cher vos fecours inhumains;
Et, par vous, cette lettre a passé dans fes mains.
Quels deffeins maintenant occupent fa pensée ?
Sur qui fera d'abord fa vengeance exercée?
Quel fang pourra fuffire à fon reffentiment?
Ah, Bajazet eft mort, ou meurt en ce moment!
Cependant on m'arrête, on me tient enfermée.
On ouvre. De fon fort je vais être informée.

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