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SCENE I 1.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME, ZAÏRE.

ROXANE à Zatime.

VIENS. J'ai reçu cet ordre. Il faut l'intimider.

ATALIDE à Zaïre.

Va, cours; & tâche enfin de le perfuader.

SCENE

I I I.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME.

ROXAN E.

MADAME, j'ai reçu des lettres de l'armée.

De tout ce qui s'y paffe êtes-vous informée ?

ATALID E.

On m'a dit que du camp un Esclave eft venu ;
Le refte eft un fecret qui ne m'eft pas connu.

ROXAN E.

Amurat eft heureux; la fortune eft changée,
Madame, & fous fes loix Babylone eft rangée.

ATALIDE.

Hé quoi, Madame ? Ofmin...

ROXAN E.

Etoit mal averti;

Et, depuis fon départ, cet Efclave eft parti.

C'en eft fait.

ATALIDE à part.
Quel revers!

ROXAN E.

Pour comble de di fgraces,

Le Sultan, qui l'envoie, eft parti sur ses traces.

ATALI D E.

Quoi, les Perfans armés ne l'arrêtent donc pas ?

ROXAN E.

Non, Madame. Vers nous il revient à grands pas.

ATALI D E.

Que je vous plains, Madame! Et qu'il est nécessaire D'achever promptement ce que vous vouliez faire!

ROXAN E.

11 eft tard de vouloir s'opposer au vainqueur.

O Ciel!

ATALIDE à part.

ROXAN E.

Le tems n'a point adouci fa rigueur. Vous voyez dans mes mains fa volonté fuprême.

ATALID E.

Et que vous mande-t-il ?

ROXAN E.

Voyez. Lifez vous-même.

Vous connoiffez, Madame, & la lettre & le feing.

ATALID E.

Du cruel Amurat je reconnois la main.

(Elle lit.)

Avant que Babylone éprouvât ma puissance,
Je vous ai fait porter mes ordres abfolus.

Je ne veux point douter de votre obéissance,
Et crois que maintenant Bajazet ne vit plus.
Je laiffe fous mes loix Babylone affervie,
Et confirme en partant mon ordre fouverain.
Vous, fi vous avez foin de votre propre vie,
Ne vous montrez à moi que fa téte à la main.

Hé bien?

ROXANE,

ATALIDE à part.

Cache tes pleurs, malheureufe Atalide.

Que vous femble?

ROXAN E.

ATALI D E.

Il poursuit fon deffein parricide.

Mais il penfe profcrire un Prince fans appui.
Il ne fait pas l'amour qui vous parle pour lui;
Que vous & Bajazet vous ne faites qu'une ame;
Que plutôt, s'il le faut, vous mourrez...

ROXAN E.

Je voudrois le fauver, je ne le puis haïr.

Moi, Madame?

Mais...

ATALI D E.

Quoi donc? Qu'avez-vous réfolu?

ROXAN E.

D'obéir,

ATALI DE.

D'obéir

Il le faut.

ROXAN E.

Et que faire en ce péril extrême!

ATALID E.

Quoi! ce Prince aimable... qui vous aime,

Verra finir fes jours qu'il vous a deflinés!

ROXAN E.

Il le faut; & déja mes ordres font donnés.

Je me meurs.

ATALID E.

ΖΑΤΙΜ Ε.

Elle tombe, & ne vit plus qu'à peine.
ROXANE,

Allez, conduifez-la dans la chambre prochaine.
Mais, au moins, obfervez fes regards, fes difcours,
Tout ce qui convaincra leurs perfides amours.

SCENE I V.

ROXANE feule.

MA rivale à mes yeux s'eft enfin déclarée.

Voilà fur quelle foi je m'étois affurée.

Depuis fix mois entiers j'ai cru que, nuit & jour,
Ardente elle veilloit au foin de mon amour :
Et c'est moi qui, du fien, miniftre trop fidelle,
Semble, depuis fix mois, ne voiller que pour elle,
Qui me fuis appliquée à chercher les moyens
De lui faciliter tant d'heureux entretiens;

Et qui même fouvent, prévenant fon envie,
Ai hâté les momens les plus doux de fa vie.
Ce n'eft pas tout. Il faut maintenant m'eclaircir,
Si dans fa perfidie elle a fû réuffir.

Il faut... Mais que pourrois-je apprendre davantage?
Mon malheur n'eft-il pas écrit fur fon visage?
Vois-je pás, au travers de fon faififfement,

Un cœur, dans fes douleurs, content de fon amant?
Exempte des foupçons dont je fuis tourmentée,
Ce n'eft que pour fes jours qu'elle eft épouvantée.
N'importe. Pourfuivons. Elle peut, comme moi,
Sur des gages trompeurs s'affurer de fa foi.
Pour le faire expliquer, tendons-lui quelque piège.
Mais quel indigne emploi moi-même m'imposai-je ?
Quoi donc! A me gêner appliquant mes efprits,
J'irai faire à mes yeux éclater fes mépris?
Lui-même il peut prévoir & tromper mon adresse.
D'ailleurs, l'ordre, l'Esclave & le Vifir me preffe.
Il faut prendre parti; l'on m'attend. Faifons mieux :
Sur tout ce que j'ai vu fermons plutôt les yeux.
Laiffons de leur amour la recherche importune.
Pouffons à bout l'ingrat, & tentons la fortune.
Voyons fi, par mes foins fur le trône élevé,
11 ofera trahir l'amour qui l'a fauvé;
Et fi de mes bienfaits lâchement libérale,
Sa main en ofera couronner ma rivale.
Je faurai bien toujours retrouver le moment
De punir, s'il le faut, la rivale & l'amant.

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