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Quel fruit me reviendra d'un aveu téméraire ?
Ah, puisqu'il faut partir, partons fans lui déplaire !
Retirons-nous, fortons; &, fans nous découvrir,
Allons loin de fes yeux l'oublier, ou mourir.......
Hé quoi, fouffrir toujours un tourment qu'elle ignore?
Toujours verfer des pleurs qu'il faut que je dévore?
Quoi, même en la perdant, redouter fon courroux ?
Belle Reine! & pourquoi vous offenferiez-vous ?
Viens-je vous demander que vous quittiez l'Empire;
Que vous m'aimiez? Hélas! je ne viens que vous dire,
Qu'après m'être long-tems flatté que mon rival
Trouveroit à fes vœux quelque obstacle fatal,
Aujourd'hui qu'il peut tout, que votre hymen s'avance,
Exemple infortuné d'une longue conftance,"
Après cinq ans d'amour & d'espoir fuperflus,

Je pars, fidèle encor, quand je n'espère plus
Au lieu de s'offenfer, elle pourra me plaindre..
Quoi qu'il en foit, parlons; c'eft affez nous contraindre.
Et que peut craindre, hélas! un Amant fans efpoir,
Qui peut bien fe réfoudre à ne la jamais voir..

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Mais, pour me faire voir, je n'ai percé qu'à peine
Les flots toujours nouveaux d'un peuple adorateur,
Qu'attire fur fes pas fa prochaine grandeur.
Titus, après huit jours d'une retraite austère,
Ceffe enfin de pleurer Vefpafien fon père.
Cet Amant fe redonne aux foins de fon amour;
Et fi j'en crois, Seigneur, l'entretien de la Cour,
Peut-être, avant la nuit, l'heureuse Bérénice
Change le nom de Reine au nom d'Impératrice.

Hélas!

ANTIOCH U S.

ARSAC E.

Quoi! ce difcours pourroit-il vous troubler?

ANTIOCH US.

Ainfi donc, fans témoins je ne lui puis parler?

ARSAC E.

Vous la verrez, Seigneur: Bérénice eft inftruite
Que vous voulez ici la voir seule, & fans suite.
La Reine, d'un regard, a daigné m'avertir,
Qu'à votre empreffement elle alloit confentir.

Et, fans doute, elle attend le moment favorable Pour difparoître aux yeux d'une Cour qui l'accable.

ANTIOCH US.

Il fuffit. Cependant n'as-tu rien négligé
Des ordres importans dont je t'avois chargé ?

ARSAC E.

Seigneur, vous connoiffez ma prompte obéiffance,
Des vaiffeaux dans Oftie armés en diligence,
Prêts à quitter le port de momens en momens,
N'attendent, pour partir, que vos commandemens.
Mais qui renvoyez-vous dans votre Comagène ?

ANTIOCH US.

Arface, il faut partir quand j'aurai vû la Reine,

ARSACE.

Qui doit partir?

ANTIOCH US.

Moi.

ARSAC E.

Vous ?

ANTIOCH US.

En fortant du palais,

Je fors de Rome, Arface, & j'en fors pour jamais,

ARSAC E.

Je fuis furpris, fans doute, & c'est avec justice.
Quoi! depuis fi long-tems la Reine Bérénice
Vous arrache, Seigneur, du fein de vos Etats;
Depuis trois ans dans Rome elle arrête vos pas:
Et lorfque cette Reine, affurant fa conquête,
Vous attend
pour témoin de cette illuftré fête;

Quand l'amoureux Titus, devenant fon époux,
Lui prépare un éclat qui rejaillit fur vous...

ANTIOCH US.

Arface, laiffe-la jouir de fa fortune,

Et quitte un entretien dont le cours m'importune.

ARSACE.

Je vous entends, Seigneur. Ces mêmes dignités
Ont rendu Bérénice ingrate à vos bontés.
L'inimitié fuccède à l'amitié trahie.

ANTIOCH US.

Non, Arface, jamais je ne l'ai moins haïe.

ARSAC E.

Quoi donc ! De fa grandeur déja trop prévenu,
Le nouvel Empereur vous a-t-il méconnu ?
Quelque preffentiment de fon indifférence,
Vous fait-il loin de Rome éviter fa présence?

ANTIOCH US.

Titus n'a point pour moi paru fe démentir,
J'aurois tort de me plaindre.

ARSAC E.

Et pourquoi donc partir? Quel caprice vous rend ennemi de vous-même ? Le Ciel met fur le trône un Prince qui vous aime, Un Prince qui, jadis témoin de vos combats, Vous vit chercher la gloire & la mort fur fes Et de qui la valeur, par vos foins fecondée, Mit enfin fous le joug la rébelle Judée.

pas;

II fe fouvient du jour illuftre & douloureux,
Qui décida du fort d'un long fiège douteux.
Sur leur triple rempart les ennemis tranquilles
Contemploient, fans péril, nos affauts inutiles.
Le bélier impuiffant les menaçoit en vain.

Vous feul, Seigneur, vous feal, une échelle à la main,
Vous portâtes la mort jufques fur leurs murailles.
Ce jour presque éclaira vos propres funérailles ;
Titus vous embraffa mourant entre mes bras,
Et tout le camp vainqueur pleura votre trépas.
Voici le tems, Seigneur, où vous devez attendre
Le fruit de tant de fang qu'ils vous ont vû répandre.
Si, preffé du defir de revoir vos Etats,

Vous vous laffez de vivre où vous ne régnez pas';
Faut-il que fans honneur l'Euphrate vous revoie ?
Attendez pour partir que Céfar vous renvoie
Triomphant, & chargé des titres fouverains,
Qu'ajoute encore aux Rois l'amitié des Romains.
Rien ne peut-il, Seigneur, changer votre entreprise ?
Vous ne répondez point.

ANTIOCH U S.

Que veux-tu que je dife?

J'attends de Bérénice un moment d'entretien.

Hé bien, Seigneur?

Comment?

ARSAC E.

ANTIOCH US.

Son fort décidera du mien

ARSAC E..

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