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Peut-être dans le tems que je voudrois lui plaire,
Feroient par leur défordre un effet tout contraire ;
Et de mes froids foupirs fes regards offensés,
Verroient trop que mon cœur ne les a point pouffés.
O Ciel! combien de fois je l'aurois éclaircie,
Si je n'euffe à sa haine exposé que ma vie ;
Si je n'avois pas craint que fes foupçons jaloux
N'euffent trop aifément remonté jufqu'à vous!
Et j'irois l'abufer d'une fauffe promeffe?
Je me parjurerois ? Et, par cette bassesse...
Ah, loin de m'ordonner cet indigne détour,
Si votre cœur étoit moins plein de fon amour,
Je vous verrois, fans doute, en rougir la première.
Mais, pour vous épargner une injufte prière,
Adieu, je vais trouver Roxane de ce pas;.

Et je vous quitte..

ATALID E.

Et moi, je ne vous quitte pas.

Venez, cruel, venez, je vais vous y conduire,
Et de tous nos fecrets c'eft moi qui veux l'inftruire.
Puifque, malgré mes pleurs, mon amant furieux
Se fait tant de plaifir d'expirer à mes yeux,
Roxane, malgré vous, nous joindra l'un & l'autre.
Elle aura plus de foif de mon fang que du vôtre;
Et je pourrai donner, à vos yeux effrayés,
Le fpectacle fanglant que vous me prépariez

BAJAZ. E. Ta

Q Ciel, que faites-vous ?

ATALI D E.

Cruel, pouvez-vous croire

Que je fois, moins que vous, jaloufe de ma gloire?
Pensez-vous que cent fois, en vous faisant parler
Ma rougeur ne fût pas prête à me déceler !
Mais on me préfentoit votre perte prochaine.
Pourquoi faut-il, ingrat, quand la mienne eft certaine
Que vous n'ofiez pour moi ce que j'ofois pour vous ?
Peut-être il fuffira d'un mot un peu plus doux.
Roxane, dans fon cœur, peut-être vous pardonne,
Vous-même, vous voyez le tems qu'elle vous donne.
A-t-elle, en vous quittant, fait fortir le Vifir ?
Des Gardes, à mes yeux, viennent-ils vous faifir ?
Enfin, dans fa fureur implorant mon adreffe,
Ses pleurs ne m'ont-ils pas découvert fa tendreffe?
Peut-être elle n'attend qu'un efpoir incertain,
Qui lui faffe tomber les armes de la main.
Allez, Seigneur, fauvez votre vie & la mienne.

BAJAZE T.

Hé bien. Mais quels difcours faut-il que je lui tienne ?

ATALID E.

Ah, daignez fur ce choix ne me point confulter.
L'occafion, le Ciel pourra vous les dicter.
Allez. Entre elle & vous je ne dois point paroître.
Votre trouble ou le mien nous feroit reconnoître.
Allez, encore un coup, je n'ofe m'y trouver.
Dites... tout ce qu'il faut, Seigneur, pour vous fauver
Fin du fecond Acte.

ACTE II I.

SCENE PREMIER E.

ATALIDE, ZAIR E.

ATALID E.

ZAIRE, il eft donc vrai, sa grace eft prononcée !

ZAÏRE.

Je yous l'ai dit, Madame; une Esclave empreffée,
Qui couroit de Roxane accomplir le defir,

Aux portes du ferrail a reçu le Visir.

Ils ne m'ont point parlé. Mais, mieux qu'aucun langage,

Le tranfport du Vifir marquoit fur fon vifage
Qu'un heureux changement le rappelle au Palais,

Et qu'il y vient figner une éternelle paix.
Roxane a pris, fans doute, une plus douce voie.

ATALIDE.

Ainfi, de toutes parts, les plaifirs & la joie
M'abandonnent, Zaïre, & marchent fur leurs pas.
J'ai fait ce que j'ai dû, je ne m'en repens pas.

ZAIRE.

Quoi, Madame! Quelle eft cette nouvelle allarme?

ATALI D E.

Et ne t'a-t-on point dit, Zaïre, par quel charme,
Ou, pour mieux dire enfin, par quel engagement,
Bajazet a pû faire un fi prompt changement ?

Roxane en fa fureur paroiffoit inflexible;

A-t-elle de fon cœur quelque gage infaillible?

Parle. L'époufe-t-il ?

ZAIRE.

Je n'en ai rien appris.

Mais enfin, s'il n'a pû fe fauver qu'à ce prix;
S'il fait ce que vous-même avez fû lui prescrire ;
S'il l'épouse, en un mot.

ATALI D E.

S'il l'époufe, Zaire?

ZAÏRE.

Quoi! vous repentez-vous des généreux discours
Que vous dictoit le foin de conferver les jours ?

ATALIDE.

Non, non, il ne fera que ce qu'il a dû faire.
Sentimens trop jaloux, c'est à vous de vous taire:
Si Bajazet l'époufe, il fuit mes volontés;
Respectez ma vertu qui vous a furmontés.

A ces nobles confeils ne mêlez point le vôtre;
Et, loin de me le peindre entre les bras d'un autre,
Laiffez-moi, fans regret, me le représenter

Au trône où mon amour l'a forcé de monter.
Oui, je me reconnois, je fuis toujours la même.
Je voulois qu'il m'aimât; chère Zaïre, il m'aime.
Et, du moins, cet efpoir me confole aujourd'hui,
Que je vais mourir digne & contente de lui.

ZAÏRE.

Mourir! Quoi, vous auriez un dessein £i funeste ?

ATALI DE.

J'ai cédé mon amant; tu t'étonnes du refte:
Peux-tu compter, Zaïre, au nombre des malheurs,
Une mort qui prévient & finit tant de pleurs ?`
Qu'il vive, c'est assez. Je l'ai voulu, fans doute,
Et je le veux toujours, quelque prix qu'il m'en coûte:
Je n'examine point ma joie ou mon ennui.
J'aime affez mon amant pour renoncer à lui.
Mais, hélas, il peut bien penser, avec justice,
Que fi j'ai pû lui faire un fi grand facrifice,
Ce cœur, qui de fes jours prend ce funefte foin,,
L'aime trop pour vouloir en être le témoin.

Allons, je veux favoir...

ZAIRE.

Modérez-vous, de grace:

On vient vous informer de tout ce qui fe paffe.

C'est le Vifir.

SCENE

I I

ATALIDE, ACOMAT, ZAIRE

A COMAT..

ENFIN nos amans font d'accord,

Madame. Un calme heureux nous remet dans le port:

La Sultane a laiffé défarmer fa colère;

Elle m'a déclaré fa volonté dernièr

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