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Qui me recipit, non me recipit, sed eum qui me misit.- Nemo scit, neque Filius. - Nubes lucida obumbravit'.

Saint Jean devoit convertir les cœurs des pères aux enfans. Et JésusChrist met la division. Sans contradiction.

Les effets, in communi et in particulari. Les semi-pélagiens errent en disant in communi, ce qui n'est vrai que in particulari; et les calvinistes, en disant in particulari, ce qui est vrai in communi, ce me semble.

101.

Joh., VIII: Multi crediderunt in eum. Dicebat ergo Jesus: « Si manseritis..., VERE mei discipuli eritis, et VERITAS LIBERABIT VOS. » Responderunt: « Semen Abrahæ sumus, et nemini servimus unquam2. »

Il y a bien de la différence entre les disciples et les vrais disciples. On les reconnoît en leur disant que la vérité les rendra libres. Car s'ils répondent qu'ils sont libres, et qu'il est en eux de sortir de l'esclavage du diable, ils sont bien disciples, mais non pas vrais disciples.

102.

Inconstance et bizarrerie.-Ne vivre que de son travail, et régner sur le plus puissant Etat du monde, sont choses très-opposées. Elles sont unies dans la personne du Grand Seigneur des Turcs.

103.

Les vrais chrétiens obéissent aux folies néanmoins, non pas qu'ils respectent les folies; mais l'ordre de Dieu, qui, pour la punition des hommes, les a asservis à ces folies. Omnis creatura subjecta est vanitati. Liberabitur3.

Ainsi saint Thomas' explique le lieu de saint Jacques sur la préférence des riches, que, s'ils ne le font dans la vue de Dieu, ils sortent de l'ordre de la religion.

104.

Abraham ne prit rien pour lui, mais seulement pour ses serviteurs; ainsi le juste ne prend rien pour soi du monde, ni des applaudissemens du monde; mais seulement pour ses passions, desquelles il se sert comme maître, en disant à l'une : Va, et à l'autre : Viens. Sub te erit appetitus tuus. Les passions ainsi dominées sont vertus. L'avarice, la jalousie, la colère, Dieu même se les attribue; et ce sont aussi bien vertus que la clémence, la pitié, la constance, qui sont aussi des passions. Il faut s'en servir comme d'esclaves, et leur laissant leur aliment, empêcher que l'âme n'y en prenne; car quand les passions sont les maitresses, elles sont vices, et alors elles donnent à l'âme de leur aliment, et l'âme s'en nourrit et s'en empoisonne.

105.

On ne s'éloigne de Dieu qu'en s'éloignant de la charité. Nos prières et nos vertus sont abomination devant Dieu, si elles ne sont les prières et vertus de Jésus-Christ. Et nos péchés ne seront jamais l'objet de la mi

1. Marc, ix, 36; XIII, 32; Matth, xvII, 5. — 2. Jean, viii, 30 et suivants. 3. Rom., VIII, 20. 4. Dans son commentaire sur l'épître de saint Jacques. 5. Gen., XIV, 7.

séricorde, mais de la justice de Dieu, s'ils ne sont ceux de Jésus-Christ. Il a adopté nos péchés, et nous a admis à son alliance; car les vertus lui sont propres, et les péchés étrangers; et les vertus nous sont étrangères, et nos péchés nous sont propres.

Changeons la règle que nous avons prise jusqu'ici pour juger de ce qui est bon. Nous en avions pour règle notre volonté, prenons maintenant la volonté de Dieu : tout ce qu'il veut nous est bon et juste, tout ce qu'il ne veut pas nous est mauvais?

Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. Les péchés sont défendus par la déclaration générale que Dieu a faite qu'il ne les vouloit pas. Les autres choses qu'il a laissées sans défense générale, et qu'on appelle par cette raison permises, ne sont pas néanmoins toujours permises. Car quand Dieu en éloigne quelqu'une de nous, et que par l'événement, qui est une manifestation de la volonté de Dieu, il paroît que Dieu ne veut pas que nous ayons une chose, cela nous est défendu alors comme le péché, puisque la volonté de Dieu est que nous n'ayons non plus l'un que l'autre. Il y a cette différence seule entre ces deux choses, qu'il est sûr que Dieu ne voudra jamais le péché, au lieu qu'il ne l'est pas qu'il ne voudra jamais l'autre. Mais tandis que Dieu ne la veut pas, nous la devons regarder comme péché; tandis que l'absence de la volonté de Dieu, qui est seule toute la bonté et toute la justice, la rend injuste et mauvaise.

106.

« Je m'en suis réservé sept mille. » J'aime les adorateurs inconnus au monde, et aux prophètes mêmes.

107.

Les hommes n'ayant pas accoutumé de former le mérite, mais seulement le récompenser où ils le trouvent formé, jugent de Dieu par euxmêmes.

108.

Ordre. ... J'aurois bien pris ce discours d'ordre comme celui-ci : pour montrer la vanité de toutes sortes de conditions, montrer la vanité des vies communes, et puis la vanité des vies philosophiques (pyrrhoniennes, stoïques); mais l'ordre ne seroit pas gardé. Je sais un peu ce que c'est, et combien peu de gens l'entendent. Nulle science humaine ne le peut garder. Saint Thomas ne l'a pas gardé. La mathématique le garde, mais elle est inutile en sa profondeur'.

109.

Ordre par dialogues. Que dois-je faire? Je ne vois partout qu'obscurités. Croirai-je que je ne suis rien? croirai-je que je suis Dieu? Toutes choses changent et se succèdent. — Vous vous trompez, il y a....

110.

Une lettre, de la folie de la science humaine et de la philoso- ́ phie. Cette lettre avant le divertissement.

4. On lit, p. 29 du manuscrit, cet autre fragment: « Lettre pour porter à rechercher Dieu. Et puis le faire chercher chez les philosophes, pyrrhoniens et dogmatistes, qui travaillent celui qui le recherchent. »

111.

Dans la lettre, de l'injustice, peut venir la plaisanterie des aînés qui ont tout. Mon ami, vous êtes né de ce côté de la montagne; il est donc juste que votre aîné ait tout.

112.

Il faut mettre au chapitre des Fondemens ce qui est en celui des Figuratifs touchant la cause des figures: pourquoi Jésus-Christ prophétisé en son premier avénement; pourquoi prophétisé obscurément en la manière.

113.

Nous implorons la miséricorde de Dieu, non afin qu'il nous laisse en paix dans nos vices, mais afin qu'il nous en délivre.

114.

Si Dieu nous donnoit des maîtres de sa main, oh! qu'il leur faudroit obéir de bon cœur! La nécessité et les événemens en sont infailliblement. 115.

Eritis sicut dii, scientes bonum et malum'. Tout le monde fait le dieu en jugeant : « Cela est bon ou mauvais;» et s'affligeant ou se réjouissant trop des événemens.

116.

Faire les petites choses comme grandes, à cause de la majesté de Jésus-Christ qui les fait en nous, et qui vit notre vie; et les grandes comme petites et aisées, à cause de sa toute-puissance.

LE MYSTÈRE DE JÉSUS'.

1.

Jésus souffre dans sa passion les tourmens que lui font les hommes; mais dans l'agonie il souffre les tourmens qu'il se donne à lui-même : turbavit semetipsum 3. C'est un supplice d'une main non humaine, mais toute-puissante, et il faut être tout-puissant pour le soutenir.

Jésus cherche quelque consolation au moins dans ses trois plus chers amis, et ils dorment. Il les prie de soutenir un peu avec lui, et ils le laissent avec une négligence entière, ayant si peu de compassion qu'elle ne pouvoit seulement les empêcher de dormir un moment. Et ainsi Jésus était délaissé seul à la colère de Dieu.

Jésus est seul dans la terre, non-seulement qui ressente et partage sa peine, mais qui la sache : le ciel et lui sont seuls dans cette connoissance.

Jésus est dans un jardin, non de délices comme le premier Adam, où il se perdit, et tout le genre humain; mais dans un de supplices, où il s'est sauvé, et tout le genre humain.

Il souffre cette peine et cet abandon dans l'horreur de la nuit.

Je crois que Jésus ne s'est jamais plaint que cette seule fois; mais

1. Gen., III, 5. - 2. Publié pour la première fois par M. Faugère. 3. Jean, x1, 33.

alors il se plaint comme s'il n'eût plus pu contenir sa douleur excessive : << Mon âme est triste jusqu'à la mort. »

Jésus cherche de la compagnie et du soulagement de la part des hommes. Cela est unique en toute sa vie, ce me semble. Mais il n'en reçoit point, car ses disciples dorment.

Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.

Jésus, au milieu de ce délaissement universel, et de ses amis choisis pour veiller avec lui, les trouvant dormant, s'en fâche à cause du péril où ils exposent non lui, mais eux-mêmes; et les avertit de leur propre salut et de leur bien avec une tendresse cordiale pour eux pendant leur ingratitude; et les avertit que l'esprit est prompt et la chair infirme. Jésus, les trouvant encore dormant, sans que ni sa considération ni la leur les en eût retenus, il a la bonté de ne pas les éveiller, et les laisse dans leur repos.

Jésus prie dans l'incertitude de la volonté du Père, et craint la mort; mais l'ayant connue, il va au-devant s'offrir à elle : Eamus. Processit (Joannes)'.

Jésus a prié les hommes, et n'en a pas été exaucé.

Jésus, pendant que ses disciples dormoient, a opéré leur salut. Il l'a fait à chacun des justes pendant qu'ils dormoient, et dans le néant avant leur naissance, et dans les péchés depuis leur naissance.

Il ne prie qu'une fois que le calice passe, et encore avec soumission; et deux fois qu'il vienne s'il le faut.

Jésus dans l'ennui. Jésus, voyant tous ses amis endormis et tous ses ennemis vigilans, se remet tout entier à son père.

Jésus ne regarde pas dans Judas son inimitié, mais l'ordre de Dieu qu'il aime et.... puisqu'il l'appelle ami.

Jésus s'arrache d'avec ses disciples pour entrer dans l'agonie; il faut s'arracher de ses plus proches et des plus intimes pour l'imiter.

Jésus étant dans l'agonie et dans les plus grandes peines, prions plus longtemps.

2.

Console-toi : tu ne me chercherois pas, si tu ne m'avois trouvé. Je pensois à toi dans mon agonie; j'ai versé telles gouttes de sang pour toi.

C'est me tenter plus que t'éprouver, que de penser si tu ferois bien telle et telle chose absente: je la ferai en toi si elle arrive.

Laisse-toi conduire à mes règles; vois comme j'ai bien conduit la Vierge et les saints qui m'ont laissé agir en eux.

Le Père aime tout ce que je fais.

Veux-tu qu'il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes?

C'est mon affaire que la conversion: ne crains point, et prie avec confiance comme moi.

Je te suis présent par ma parole dans l'Ecriture; par mon esprit dans

1. Jean, xvi, 4.

l'Église, et par les inspirations; par ma puissance dans les prêtres; par ma prière dans les fidèles.

Les médecins ne te guériront pas; car tu mourras à la fin. Mais c'est moi qui guéris, et rends le corps immortel.

Souffre les chaînes et la servitude corporelles ; je ne te délivre que de la spirituelle à présent.

Je te suis plus ami que tel et tel; car j'ai fait pour toi plus qu'eux, et ils ne souffriroient pas ce que j'ai souffert de toi, et ne mourroient pas pour toi dans le temps de tes infidélités et cruautés, comme j'ai fait, et comme je suis prêt à faire et fais dans mes élus.

Si tu connoissois tes péchés, tu perdrois cœur. Je le perdrai donc, Seigneur, car je crois leur malice sur votre assurance. - Non, car moi, par qui tu l'apprends, t'en peux guérir, et ce que je te le dis, est un signe que je te veux guérir. A mesure que tu les expieras, tu les connoîtras, et il te sera dit : « Vois les péchés qui te sont remis. Fais donc pénitence pour tes péchés cachés, et pour la malice occulte de ceux que tu connois. »

Seigneur, je vous donne tout.

Je t'aime plus ardemment que tu n'as aimé tes souillures, ut immundus pro luto.

Qu'à moi en soit la gloire et non à toi, ver et terre.

Interroge ton directeur, quand mes propres paroles te sont occasion de mal, et de vanité ou curiosité.

3.

Je vois mon abîme d'orgueil, de curiosité, de concupiscence. Il n'y a nul rapport de moi à Dieu, ni à Jésus-Christ juste. Mais il a été péché par moi; tous vos fléaux sont tombés sur lui. Il est plus abominable que moi, et, loin de m'abhorrer, il se tient honoré que j'aille à lui et le

secoure.

Mais il s'est guéri lui-même, et me guérira à plus juste raison.

Il faut ajouter mes plaies aux siennes, et me joindre à lui, et il me sauvera en se sauvant.

Mais il n'en faut pas ajouter à l'avenir.

4.

Consolez-vous : ce n'est pas de vous que vous devez l'attendre; mais au contraire en n'attendant rien de vous, que vous devez l'attendre.

-

5.

Sépulture de Jésus-Christ. Jésus-Christ étoit mort, mais vu, sur la croix. Il est mort et caché dans le sépulcre.

Jésus-Christ n'a été enseveli que par des saints.
Jésus-Christ n'a fait aucun miracle au sépulcre.

Il n'y a que des saints qui y entrent.

C'est là où Jésus-Christ prend une nouvelle vie, non sur la croix.
C'est le dernier mystère de la passion et de la rédemption.
Jésus-Christ n'a point eu où se reposer sur la terre qu'au sépulcre.
Ses ennemis n'ont cessé de le travailler qu'au sépulcre.

6.

Je te parle et te conseille souvent, parce que ton conducteur ne te

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