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le péché prendroit fin; et le libérateur, le Saint des saints amèneroit la justice éternelle, non la légale, mais l'éternelle.

Figures. Dès qu'une fois on a ouvert ce secret, il est impossible de ne pas le voir. Qu'on lise le vieil Testament en cette vue, et qu'on voie si les sacrifices étoient vrais, si la parenté d'Abraham étoit la vraie cause de l'amitié de Dieu, si la terre promise étoit le véritable lieu de repos. Non. Donc c'étoient des figures. Qu'on voie de même toutes les cérémonies ordonnées, tous les commandemens qui ne sont pas pour la charité, on verra que c'en sont les figures.

Tous ces sacrifices et cérémonies étoient donc figures ou sottises. Or il y a des choses claires trop hautes, pour les estimer des sottises.

ARTICLE XVII'.

1.

La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle.

Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit. La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois. aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair. La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle part sinon en Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différant en genre.

Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire et leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles, où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus non des yeux, mais des esprits; c'est assez. Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport, car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps, ni des esprits curieux: Dieu leur suftit.

Archimède, sans éclat, seroit en même vénération. Il n'a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. Oh! qu'il a éclaté aux esprits! Jésus-Christ, sans bien, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'invention, il n'a point régné; mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh! qu'il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence, aux yeux du cœur, et qui voient la sagesse!

Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoiqu'il le fût. Il eût été inutile à notre Seigneur Jésus-Christ, pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi mais qu'il est bien venu avec l'éclat de son ordre!

Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de Jésus-Christ, comme si cette bassesse étoit du même ordre duquel est la grandeur

4. Article X de la seconde partie, dans Bossut.

qu'il venoit faire paroître. Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur abandon, dans sa secrète résurrection, et dans le reste; on la verra si grande, qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas. Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avoit pas de spirituelles; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il n'y en avoit pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.

Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits; car il connoît tout cela, et soi; et les corps, rien. Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité; cela est d'un ordre infiniment plus élevé.

De tous les corps ensemble, on ne sauroit en faire réussir une petite pensée cela est impossible, et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en sauroit tirer un mouvement de vraie charité : cela est impossible, et d'un autre ordre, surnaturel.

2.

Jésus-Christ dans une obscurité (selon ce que le monde appelle obscurité) telle, que les historiens, n'écrivant que les importantes choses des Etats, l'ont à peine aperçu.

3.

Quel homme eut jamais plus d'éclat? Le peuple juif tout entier le prédit, avant sa venue. Le peuple gentil l'adore, après sa venue. Les deux peuples gentil et juif le regardent comme leur centre. Et cependant quel homme jouit jamais moins de cet éclat? De trente-trois ans, il en vit trente sans paroître. Dans trois ans, il passe pour un imposteur; les prêtres et les principaux le rejettent; ses amis et ses plus proches le méprisent. Enfin il meurt trahi par un des siens, renié par l'autre, et abandonné par tous.

Quelle part a-t-il donc à cet éclat? Jamais homme n'a eu tant d'éclat; jamais homme n'a eu plus d'ignominie. Tout cet éclat n'a servi qu'à nous, pour nous le rendre reconnoissable; et il n'en a rien eu pour lui.

4.

Preuves de Jésus-Christ. Jésus-Christ a dit les choses grandes si simplement, qu'il semble qu'il ne les a pas pensées; et si nettement néanmoins, qu'on voit bien ce qu'il en pensoit. Cette clarté, jointe à cette naïveté, est admirable.

Qui a appris aux évangélistes les qualités d'une âme parfaitement héroïque, pour la peindre si parfaitement en Jésus-Christ ? Pourquoi le font-ils foible dans son agonie? Ne savent-ils pas peindre une mort constante? Oui, sans doute; car le même saint Luc peint celle de saint Etienne plus forte que celle de Jésus-Christ. Ils le font donc capable de crainte avant que la nécessité de mourir soit arrivée, et ensuite tout fort. Mais quand ils le font si troublé, c'est quand il se trouble lui-même : et quand les hommes le troublent, il est tout fort.

L'Eglise a eu autant de peine à montrer que Jésus-Christ étoit homme,

contre ceux qui le nioient, qu'à montrer qu'il étoit Dieu; et les apparences étoient aussi grandes '.

Jésus-Christ est un Dieu dont on s'approche sans orgueil, et sous lequel on s'abaisse sans désespoir.

5.

La conversion des païens n'étoit réservée qu'à la grâce du Messie. Les juifs ont été si longtemps à les combattre sans succès : tout ce qu'en ont dit Salomon et les prophètes a été inutile. Les sages, comme Platon et Socrate, n'ont pu le persuader.

Les Évangiles ne parlent de la virginité de la Vierge que jusques à la naissance de Jésus-Christ. Tout par rapport à Jésus-Christ.

.... Jésus-Christ, que les deux Testamens regardent, l'Ancien comme son attente, le Nouveau comme son modèle, tous deux comme leur centre.

Les prophètes ont prédit, et n'ont pas été prédits. Les saints ensuite sont prédits, mais non prédisans. Jésus-Christ est prédit et prédisant. Jésus Christ pour tous, Moïse pour un peuple.

Les juifs bénis en Abraham : « Je bénirai ceux qui te béniront, Gen., XII, 3. Mais, << Toutes nations bénies en sa semence,» ibid.,

XXII, 18.

Lumen ad revelationem gentium.

Non fecit taliter omni nationi, disait David en parlant de la loi. Mais, en parlant de Jésus-Christ, il faut dire : Fecit taliter omni nationi. Parum est ut, etc., Isaïe, XLIX, 6. Aussi c'est à Jésus-Christ d'ètre universel. L'Église même n'offre le sacrifice que pour les fidèles: JésusChrist a offert celui de la croix pour tous.

ARTICLE XVIII2.

1.

La plus grande des preuves de Jésus-Christ sont les prophéties. C'est aussi à quoi Dieu a le plus pourvu; car l'événement qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance de l'Eglise jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des prophètes durant seize cents ans; et, pendant quatre cents ans après, il a dispersé toutes ces prophéties, avec tous les juifs qui les portoient, dans tous les lieux du monde. Voilà quelle a été la préparation à la naissance de JésusChrist, dont l'Evangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non-seulement qu'il y ait eu des prophéties pour le faire croire, mais que ces prophéties fussent par tout le monde, pour le faire embrasser par tout le monde.

Prophéties. — Quand un seul homme auroit fait un livre des prédictions de Jésus-Christ3, pour le temps et pour la manière, et que Jésus

4. Eutychès niait l'humanité, et Nestorius la divinité de J. C.

2. Article XI de la seconde partie, dans Bossut.

3. « Sur Jésus-Christ. »

Christ seroit venu conformément à ces prophéties, ce seroit une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C'est une suite d'hommes, durant quatre mille ans, qui, constamment et sans variation, viennent l'un ensuite de l'autre prédire ce même avénement. C'est un peuple tout entier qui l'annonce, et qui subsiste pendant quatre mille années, pour rendre en corps témoignage des assurances qu'ils en ont, et dont ils ne peuvent être détournés par quelques menaces et persécutions qu'on leur fasse: ceci est tout autrement considérable.

2.

Prophéties. Le temps, prédit par l'état du peuple juif, par l'état du peuple païen, par l'état du temple, par le nombre des années. Il faut être hardi pour prédire une même chose en tant de manières.

Il falloit que les quatre monarchies idolâtres ou païennes, la fin du règne de Juda et les soixante-dix semaines arrivassent en même temps, et le tout avant que le deuxième temple fût détruit.

Prédictions. Qu'en la quatrième monarchie, avant la destruction du second temple, avant que la domination des juifs fût ôtée, en la septantième semaine de Daniel, pendant la durée du second temple, les païens seroient instruits, et amenés à la connoissance du Dieu adoré par les juifs; que ceux qui l'aiment seroient délivrés de leurs ennemis, et remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu'en la quatrième monarchie, avant la destruction du second temple, etc., les païens en foule adorent Dieu, et mènent une vie angélique; les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie; les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n'a pu persuader à quelque peu d'hommes choisis et si instruits, une force secrète le persuade à cent milliers d'hommes ignorans, par la vertu de peu de paroles.

Les riches quittent leur bien, les enfans quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l'austérité d'un désert, etc. (Voyez Philon, juif). Qu'est-ce que tout cela? C'est ce qui a été prédit si longtemps auparavant. Depuis deux mille ans, aucun païen n'avoit adoré le Dieu des juifs; et dans le temple prédit, la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont détruits, les rois se soumettent à la croix. Qu'est-ce que tout cela ? C'est l'esprit de Dieu qui est répandu sur la

terre.

Sainteté. Effundam spiritum meum3. Tous les peuples étoient dans l'infidélité et dans la concupiscence; toute la terre fut ardente de charité. Les princes quittent leurs grandeurs; les filles souffrent le martyre. D'où vient cette force? C'est que le Messie est arrivé. Voilà l'effet et les marques de sa venue. Prédictions. Il est prédit qu'aux temps du Messie, il viendroit établir une nouvelle alliance, qui feroit oublier la sortie d'Égypte,

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4. Pascal a écrit en marge: « Nul païen depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ, selon les rabbins mêmes. La foule des païens, après Jésus-Christ, croit les livres de Moïse, et en observe l'essence et l'esprit, et n'en rejette que l'inutile. »

2. Joel, 1, 28.

PASCAL I

15

Jérém., XXIII, 5; Is., XLIII, 16; qui mettroit sa loi, non dans l'extérieur, mais dans les cœurs; que Jésus-Christ mettroit sa crainte, qui n'avoit été qu'au dehors, dans le milieu du cœur. Qui ne voit la loi chrétienne en tout cela?

Prophéties.... Que les juifs réprouveroient Jésus-Christ, et qu'ils seroient réprouvés de Dieu, par cette raison que la vigne élue ne donneroit que du verjus. Que le peuple choisi seroit infidèle, ingrat et incrédule, populum non credentem et contradicentem 1. Que Dieu les frapperoit d'aveuglement, et qu'ils tâtonneroient en plein midi comme les aveugles, Deut., XXVIII, 28.

Que Jésus-Christ seroit petit en son commencement, et croîtroit ensuite. La petite pierre de Daniel.

Qu'alors l'idolâtrie seroit renversée; que ce Messie abattroit toutes les idoles, et feroit entrer les hommes dans le culte du vrai Dieu.

Que les temples des idoles seroient abattus, et que parmi toutes les nations et en tous les lieux du monde, on lui offriroit une hostie pure, pas des animaux.

... Qu'il enseigneroit aux hommes la voie parfaite.

Et jamais il n'est venu, ni devant, ni après, aucun homme qui ait enseigné rien de divin approchant cela.

...

. Qu'il seroit roi des juifs et des gentils. Et voilà ce roi des juifs des gentils, opprimé par les uns et les autres qui conspirent à sa mort, dominant des uns et des autres, et détruisant, et le culte de Moïse dans Jérusalem, qui en étoit le centre, dont il fait sa première Eglise, et le culte des idoles dans Rome, qui en étoit le centre, et dont il fait sa principale Eglise.

... Alors Jésus-Christ vient dire aux hommes qu'ils n'ont point d'autres ennemis qu'eux-mêmes; que ce sont leurs passions qui les séparent de Dieu; qu'il vient pour les détruire, et pour leur donner sa grâce, afin de faire d'eux tous une Église sainte; qu'il vient ramener dans cette Eglise les païens et les juifs; qu'il vient détruire les idoles des uns, et la superstition des autres.

A cela s'opposent tous les hommes, non-seulement par l'opposition naturelle de la concupiscence; mais, par-dessus tous, les rois de la terre s'unissent pour abolir cette religion naissante, comme cela avoit été prédit (Quare tremuerunt gentes'. Reges terræ adversus Christum). Tout ce qu'il y a de grand sur la terre s'unit, les savans, les sages, les rois.

Les uns écrivent, les autres condamnent, les autres tuent. Et, nonobstant toutes ces oppositions, ces gens simples et sans force résistent à toutes ces puissances, et se soumettent même ces rois, ces savans, ces sages, et ôtent l'idolâtrie de toute la terre. Et tout cela se fait par la force qui l'avoit prédit.

Les juifs, en le tuant pour ne le pas recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque de Messie. Et en continuant à le méconnoître,

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