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y apporter le corps même disposé en contenance, qui témoigne une particulière attention et révérence.

Ce n'est pas une histoire à conter; c'est une histoire à révérer, craindre et adorer.

Plaisantes gens qui pensent l'avoir rendue maniable au peuple pour l'avoir mise en langage populaire! Ne tient-il qu'aux mots, qu'ils n'entendent tout ce qu'ils trouécrit ?

vent par

Dirai-je plus? Pour l'en approcher de ce peu, ils l'en reculent. L'ignorance pure et remise toute en autrui, estoit bien plus salutaire et plus savante que n'est cette science verbale et vaine, nourrice de présomption et de témérité.

L'assiette d'un homme meslant à une vie exécrable la dévotion, semble estre aucu nement plus condamnable, que celle d'un homme conforme à soi et dissolu par

tout.

Fascheuse maladie de se croire si fort

qu'on se persuade, qu'il ne se puisse croire au contraire; et plus fascheuse encore qu'on se persuade d'un tel esprit, qu'il préfère je ne sais quelle disparité de fortune présente aux espérances et menaces de la vie éternelle.

La religion chrestienne a toutes les marques d'extrême justice et utilité, mais nulle plus apparente que l'exacte recommandation de l'obéissance du magistrat et manutention des polices. Quel merveilleux exemple nous en a laissé la sapience divine, qui pour établir le salut du genre humain, et conduire cette sienne glorieuse victoire contre la mort et le péché, ne l'a voulu faire qu'à la merci de notre ordre politique, et a soumis son progrès et la conduite d'un si haut effet et si salutaire, à l'aveuglement et injustice de nos observations et usances, y laissant courir le sang innocent de tant d'eslus ses favoris, et souffrant une longue perte d'années à meurir ce fruit inestimable.

Ruineuse instruction à toute police, et

bien plus dommageable qu'ingénieuse et subtile, qui persuade au peuple, la religieuse créance suffire seule et sans les mœurs à contenter la divine justice. L'usage nous fait voir une distinction énorme entre la dévotion et la conscience.

Si quelquefois la Providence divine a passé par-dessus les règles, auxquelles elle nous a nécessairement astreints, ce n'est pas pour nous en dispenser, ce sont coups de sa main divine, qu'il nous faut non pas imiter, mais admirer.

CHAPITRE III.

DE LA PRIÈRE.

Je ne sçai si jeme trompe, mais puisque, par une faveur particulière de la bonté divine, certaine façon de prière nous a été prescrite et dictée mot à mot par la bouche de Dieu, il m'a toujours semblé que nous en devions avoir l'usage plus ordinaire que nous n'avons, et, si j'en estois cru, à l'entrée et à l'issue de nos tables, à notre lever et coucher, et à toutes actions particulières auxquelles on a accoutumé de mesler des prières particulières, je voudrois que ce fust le Pate nostre (Pater noster), que les chrestiens y employassent, sinon seulement, au moins toujours.

L'Eglise peut estendre et diversifier les prières selon le besoing de notre instruction, car je sais bien que c'est toujours même substance et même chose; mais on devoit donner à celle-là ce privilége, que le peuple l'eust continuellement en la bouche; car il est certain qu'elle dit tout ce qu'il faut, et qu'elle est très-propre à toutes occasions.

D'où nous vient cette erreur de recourir à Dieu en tous nos desseins et entreprises, et l'appeller à toute sorte de besoing, et en quelque lieu que notre foiblesse veut de l'aide, sans considérer si l'occasion est juste ou injuste, et décrier son nom et sa puissance en quelque état et action que nous soyons, pour vicieuse qu'elle soit. Il est bien nostre seule et unique protecteur, et peut toutes choses à nous aider; mais encore qu'il daigne nous honorer de cette douce alliance paternelle, il est pourtant autant juste, comme il est bon, et comme

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