Page images
PDF
EPUB

ce, que dans cet acte public & extérieur NоTHUS. de religion qui frappoit d'une maniere fenfible les yeux du Peuple, & qui étoit extrêmement de fon goût, le principal deffein d'Alcibiade étoit d'effacer entiérement des efprits les foupçons d'impiété que la mutilation des ftatues & la profanation des mystères y avoient fait naître.

Cette réfolution prife, il avertit les Eumolpides & les Céryces de fe préparer, envoye des fentinelles fur les hauteurs, détache quelques coureurs dès la pointe du jour, & prenant les Prêtres, les Initiés, & les Confreres avec ceux qui les initioient, & les couvrant de fon armée, il conduit toute cette pompe avec un ordre merveilleux, & dans un très-grand filence. Jamais il n'y eut, dit Plutarque, de fpectacle plus augufte, ni plus digne de la majesté des Dieux, que cette proceffion guerriére & cette expédition religieufe, où ceux qui ne portoient point d'envie à la gloire d'Alcibiade, étoient obligés d'avouer qu'il ne réuffiffoit pas moins à faire les fonctions de Grand-Prêtre, qu'à celle de Général. Aucun des ennemis n'ofa paroître, ni troubler cette pompeuse marche; & Alcibiade ramena la facrée troupe dans Athénes avec une entiére sûreté. Ce fuccès lui éleva encore plus le courage, & augmenta fi fort la fierté & l'audace de fon armée, qu'elle fe regardoit comme invincible pendant qu'il la commanderoit.

Il gagna tellement l'affection des pau

[ocr errors]

DARIUS Vres & de tout le bas peuple, qu'ils fou→ haitoient avec une paffion démesurée de l'avoir pour Roi. Plufieurs s'en expliquoient hautement, & il y en eut qui s'adreffant à lui-même l'exhorterent à fe mettre audeffus de l'envie, à ne s'embarraffer ni des loix, ni des décrets, ni des fuffrages, à écarter les brouillons qui troubloient l'Etat par leurs vains difcours, & à fe rendre entiérement maître des affaires pour gouverner avec une pleine autorité, fans crain dre les délateurs. Pour lui, on ne fauroit dire, quelle étoit fa penfée fur la tyran nie, ni quel étoit fon deffein mais les plus puiffans, craignant un embrasement dont ils voyoient déja des étincelles, le prefferent de partir fans différer, en lui accordant tout ce qu'il demanda, & en lui donnant pour collégues les Généraux qui lui étoient les plus agréables. Il mit donc à la voile avec cent vaiffeaux, & dirigea fa courfe vers l'ifle d'Andros qui s'étoit révoltée. Sa haute réputation & le bonheur qu'il avoit toujours eu dans toutes fes entreprises, faifoient qu'on n'attendoit rien de lui que de grand & d'extraor¬ dinaire.

§. IV.

NOTHUS.

Les Lacédémoniens nomment pour Amiral Lyfandre. Il devient fort puiffant auprès du jeune Cyrus qui commandoit en Afie. Il bat près d'Ephèse la flotte des Athéniens pendant l'absence d'Alcibiade. On ôte le commandement à celui-ci, & l'on nomme dix Généraux à fa place. Callicratidas fuccéde à Lyfandre.

XXVIme. année de la guerre.

Hellen. lib.

442.

Diod.

LES Lacédémoniens, juftement allar-, Xenoph més du retour & des heureux fuccès d'Al-11. P. 440cibiade, comprirent qu'un tel ennemi de- Plut.in Lyf mandoit qu'on lui opposât un habile Gé-434.435. néral, capable de lui tenir tête. Dans ce P. 192-197. deffein ils choifirent Lyfandre, & lui donnerent le commandement de la flotte. Quand il fut arrivé à Ephèfe, il trouva la ville très-favorablement difpofée pour lui, & très-affectionnée pour Sparte, mais d'ailleurs dans une trifte fituation. Car elle étoit en danger de devenir barbare en prenant les mœurs & les coutumes des Perfes, qui y avoient un grand commerce, tant à cause du voifinage de la Lydie, que parce que les Généraux du Roi y paffoient pour l'ordinaire leur quartier d'hiver. Cette vie oifive & voluptueufe, pleine de luxe & de fafte, ne pouvoit pas manquer de déplaire infiniment à un homme tel que Lyfandre, élevé dès fon enfance dans la fimplicité, la pauvreté, & les durs exercices qui étoient

t

DARIUS en ufage à Sparte. Ayant conduit fon ar mée à Ephèfe, il commanda qu'on y af femblât de tous côtés des vaiffeaux de charge, y fit un arfenal pour la construction des galéres, en ouvrit les ports aux marchands, en abandonna les places publiques aux ouvriers, mit tous les arts en mouvement & en honneur ; & par ce moyen il remplit la ville de richeffes, & jetta dès- ́ lors les fondemens de cette grandeur & de cette magnificence qu'on y vit dans la fuite : tant l'induftrie & l'habileté d'un homfeul eft capable d'apporter de changement dans une ville & dans un Etat !

me

Pendant qu'il donnoit ces ordres, il apprit que Cyrus, le plus jeune des fils du Roi, étoit arrivé à Sardes: ce Prince ne pouvoit alors avoir plus de feize ans, étant né depuis l'avénement de fon pere à la couronne, qui étoit dans la dix-feptiéme année de fon regne. Paryfatis fa mere en étoit idolâtre, & elle pouvoit tout fur l'efprit de fon mari. Ce fut elle qui lui fit donner le gouvernement en chef de toutes les Provinces de l'Afie Mineure: commandement, qui foumettoit à fes ordres tous les Gouverneurs particuliers de la partie la plus importante de l'Empire. La vuë de Paryfatis étoit, fans doute, de mettre ce jeune Prince en état de difputer la couronne à fon frere après la mort du Roi, comme on verra qu'il le fit effectivement. Une des principales inftructions que lui donna fon Pere en l'envoyant dans fon Gouvernement,

fut d'accorder des fecours effectifs aux La- NOTHUS cédémoniens contre ceux d'Athénes: ordre bien oppofé à la politique qu'avoient fuivis jufques-là Tiffapherne & les autres Gouverneurs de ces Provinces. Leur maxime avoit été conftamment, d'aider tantôt un parti & tantôt l'autre, pour balancer si bien leurs forces, que l'un ne pût jamais accabler tout-à-fait l'autre : d'où il arrivoit qu'ils s'affoibliffoient tous deux par la guerre, & que jamais l'un des partis ne fe trouvoit en état de former des entreprises contre l'Empire des Perfes.

Lyfandre ayant donc appris que Cyrus étoit arrivé à Sardes, partit d'Ephèse pour aller le faluer, & pour se plaindre des longueurs & de la mauvaise foi de Tiffapherne, qui malgré les ordres qu'il avoit reçus de foutenir les Lacédémoniens, & de chaffer les Athéniens de la mer, avoit toujours fous main favorifé les derniers par confidération pour Alcibiade à qui il s'étoit livré, & avoit été feul la caufe de la perte de la flotte par le peu de provifions qu'il lui fourniffoit. Ce difcours fit plaisir à Cyrus, qui regardoit Tiffapherne comme un fort méchant homme, & comme fon ennemi particulier. Il répondit qu'il avoit ordre du Roi de fecourir puiffamment les Lacédémoniens, & qu'il avoit reçu pour cela cinq cens talens. Lyfandre, contre le Cinq cens caractère ordinaire des Spartiates, étoit fouple, pliant, plein de complaifance pour les Grands, toujours difpofé à leur faire fa

mille écus

« PreviousContinue »