Page images
PDF
EPUB
[graphic][ocr errors][merged small][merged small]

འ་་་་་ འའའའ་་་་་་་་་་

CHANT VI [a].

Tandis que tout conspire à la guerre sacrée, La Piété sincère [b], aux Alpes retirée (1),

mœurs

que

l'on

[a] Pradon termine ainsi ses remarques sur les bénédictions du trésorier: « Je ne sais pas où étoit le jugement de M. D*** quand « il a fait de tels vers; et un homme qui se pique de bonnes mo " comme lui devroit traiter, ce me semble, un peu moins cavalière« ment cette matière. Je ne parle point ici du sixième chant « a trouvé trop sérieux pour un sujet si comique; et tout le monde « demeure d'accord que si M. D*** avoit composé son Lutrin du " temps de la naissance de l'hérésie en France, tout le parti des Huguenots et des autres hérétiques lui auroit fort applaudi, puisR que enfin les moins scrupuleux ont été scandalisés de cette satire. » En général, les admirateurs de Despréaux eux-mêmes ont renouvelé contre le sérieux de ce VI chant le reproche dont parle l'auteur des Nouvelles Remarques, page 106. Nous verrons ce qu'on peut leur répondre.

[ocr errors]

[b] Saint-Marc prétend que l'épithète sincère « est au moins oi«sive. Elle exprime cependant la qualité distinctive de la Piété, que le poëte fait parler avec tant de franchise.

(1) La Grande Chartreuse. (Despréaux, édition de 1713.) * Dans les éditions antérieures, depuis 1683 jusqu'en 1701 inclusivement, il y a : « La Grande Chartreuse est dans les Alpes.

[ocr errors]

Saint Bruno en fut le fondateur, n'ayant avec lui que six compa gnons de sa vie retirée. Saint Hugues, évêque de Grenoble, « les ❝ conduisit lui-même, en 1084, dans le désert appelé Chartreuse,

Du fond de son désert entend les tristes cris
De ses sujets cachés dans les murs de Paris.
Elle quitte à l'instant sa retraite divine:

La Foi, d'un pas certain, devant elle chemine;
L'Espérance au front gai[a] l'appuie et la conduit;
Et, la bourse à la main, la Charité la suit[b].
Vers Paris elle vole, et, d'une audace sainte [c],

[ocr errors]

"

"

[ocr errors]
[ocr errors]

* à quatre lieues de cette ville, désert affreux, d'un abord presque

« inaccessible, qui donna depuis son nom à l'ordre célèbre qui y prit naissance. Ce fut là dans une étroite vallée, dominée par deux rochers escarpés, couronnés de bois, couverts une grande partie de l'année de neiges et de brouillards épais, que Bruno et ses com"pagnons construisirent un oratoire, de petites cellules isolées,.... « et jetèrent les fondements d'un des plus saints ordres monastiques. « Les habitants de ce désert se multiplièrent en peu d'années..... « Leurs successeurs, en abattant les bois, formèrent des jardins à <«< force de travail et d'art. Ils établirent des usines, firent exploiter « les mines, animèrent l'industrie, et vivifièrent ainsi par leurs soins « un lieu qui sembloit n'être destiné qu'à un repaire de bêtes fé«roces.» (Biographie universelle, article S. Bruno.)

[a] Voltaire place dans le temple de l'Amour

La flatteuse espérance, au front toujours serein, etc.
(La Henriade, chant IX.)

[b] La peinture si vraie et si poétique de cet édifiant cortège ne sauroit obtenir grace auprès de Saint-Marc: suivant lui, le mot chemine n'est plus en usage, et l'appuie est impropre.

[c] Cette expression juste et neuve nous annonce des vérités courageuses, qui durent faire à l'auteur plus d'ennemis que les plaisanteries qu'il s'est permises jusqu'ici. C'est ce que ne voient pas certains éditeurs : ils semblent croire que, par le sérieux du VIa chant, il s'est proposé d'expier les plaintes qu'il avoit excitées par une foule de traits malins. D'ailleurs ce dernier chant parut avec le V®, qui ne renferme pas moins d'épigrammes que les quatre premiers.

Vient aux pieds de Thémis (1) proférer cette plainte :
Vierge, effroi des méchants (2), appui de mes autels,
Qui, la balance en main, règles tous les mortels,
Ne viendrai-je jamais en tes bras salutaires
Que pousser des soupirs, et pleurer mes misères?
Ce n'est donc pas assez qu'au mépris de tes lois
L'Hypocrisie ait pris et mon nom et ma voix;
Que, sous ce nom sacré, par-tout ses mains avares
Cherchent à me ravir crosses, mitres, tiares!
Faudra-t-il voir encor cent monstres furieux

(1) On ne devoit pas s'attendre de trouver à la suite de la Piété, de la Foi, de l'Espérance et de la Charité, toutes vertus chrétiennes, le nom de Thémis divinité du paganisme. (Saint-Marc.) * Le nom de Thémis est consacré parmi nous, comme chez les anciens, pour signifier la justice. Rien, ce me semble, n'empêchoit le poëte de personnifier cette dernière, ainsi que la Piété, pour les opposer l'une et l'autre à la Discorde, qui avoit triomphé de tous les obstacles sur lesquels la Mollesse et la Nuit fondoient leurs espérances. (2) Première manière avant l'impression :

Déesse aux yeux couverts,

L'auteur faisoit allusion au bandeau avec lequel on peint la justice; mais on lui fit remarquer que le terme de déesse, qui est tiré de la fable, ne convenoit pas à une vertu chrétienne. (Brossette.) * Je ne sais si le commentateur a fidèlement retenu le motif de la correction faite par l'auteur. Quoi qu'il en soit, Saint-Marc conclut de cette observation que Despréaux auroit dù, pour être conséquent, ne donner ni le nom de Thémis à la justice, ni celui de déesse à la Discorde. Je viens de répondre au premier reproche. Quant au second, je crois que l'on peut dire, en faveur du chantre du Lutrin, que les poëtes sont en possession de regarder comme des espèces de divinités les agents surnaturels qu'ils font mouvoir, et dont l'intervention compose la machine du merveilleux.

Ravager mes états usurpés à tes yeux?

Dans les temps orageux de mon naissant empire,
Au sortir du baptême on couroit au martyre.
Chacun, plein de mon nom, ne respiroit que moi:
Le fidéle, attentif aux règles de sa loi,

Fuyant des vanités la dangereuse amorce,

Aux honneurs appelé, n'y montoit que par force.
Ces cœurs, que les bourreaux ne faisoient point frémir,
A l'offre d'une mitre étoient prêts à gémir;

Et, sans peur des travaux, sur mes traces divines
Couroient chercher le ciel au travers des épines [a].
Mais, depuis que l'Église eut, aux yeux des mortels,
De son sang en tous lieux cimenté ses autels,
Le calme dangereux succédant aux orages,
Une lâche tiédeur s'empara des courages [b].
De leur zéle brûlant l'ardeur se ralentit;
Sous le joug des péchés leur foi s'appesantit [c].

[a] Voici comment le chantre de La Religion peint le trône de l'Église naissante:

Sur ses degrés sanglants je ne vois que des morts;

C'étoit pour en tomber qu'on y montoit alors.

Dans ces temps où la foi conduisoit aux supplices,
D'un troupeau condamné glorieuses prémices,
Les pasteurs espéroient des supplices plus grands.

Tel fut chez les chrétiens l'honneur des premiers raugs.

Quel spectacle, en effet, à mes yeux se présente!

Quels tourments inconnus, que la fureur invente!

(OEuvres de Louis Racine, 1808, tome 1er, page 184, poëme de La R‹-
ligion, chant IV.)

[b] Voyez le chant III, page 383, note d.
[c] Hélas! ce feu divin s'éteint de jour en jour.
A peine il jette encor de languissantes flammes;

« PreviousContinue »