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formes industrielles, il est bon de constater deux phénomènes généraux très connus, mais qui encadrent les autres et leur donnent une relativité qu'on doit signaler1.

D'abord, la population générale de l'Empire est en progression croissante; le total des habitants a augmenté, de 1882 à 1895, de 45,222,000 à 51,770,284, soit 14.5%; une transformation industrielle se fait toujours, pour une certaine mesure, en fonction de la densité.

Un second phénomène général, c'est le caractère plus industriel que prend l'Allemagne 2. Elle était jusqu'ici un État à dominante agricole. La petite industrie, on ne devra pas l'oublier, s'est trouvée précisément, de 1882 à 1895, aux prises avec le plus vif élan de développement industriel qu'ait connu l'Alle

magne.

De ces deux grands faits, il est des éléments favorables à la petite industrie, sans doute, puisque l'augmentation et la densité de la population augmentent aussi la consommation locale et suscitent forcément de nouveaux ateliers; de même aussi l'allure « industrialiste >> a pour résultat de multiplier les emplois industriels, même locaux, aux dépens des anciens travaux faits autrefois dans le ménage et qui s'y font de moins en moins; il faut donc plus de boulangers, de tailleurs, de lingères, de coiffeurs, de lavandières, etc. Ceci favorise l'augmentation des ateliers, comme

1. L'ensemble des phénomènes statistiques donnant la physionomie de l'Empire a été groupé, notamment, sous la direction même du Kaiserliches Statistiches Amt, et de son chef M. Von Scheel dans un petit volume bourré de faits: Die deutsche Volkswirthschaft am Schlusse der 19. Jahrhunderts, Berlin, 1900.

2. M. Georges Blondel a écrit sur le développement industriel des livres remplis de documents. L'essor industriel et commercial du peuple allemand, 3e édit, Paris, Larose, 1900.

de toute l'industrie, Mais l'essor industriel, amenant surtout l'entreprise à gros profits et l'exportation, le travail à procédés techniques nouveaux et à agents puissants, le travail de masse pour les marchés étendus, il en résulte que cet essor est surtout favorable au développement des grandes exploitations. C'est là une note dominante, et c'est la considération point de vue de laquelle il faut se placer pour juger les résultats des recensements allemands à cet égard.

au

L'emploi des statistiques se complique de questions de terminologie et de classification, souvent pénibles et que nous ne pouvons examiner ici.

Enfin, une dernière remarque s'impose dès l'abord : il faut se méfier des moyennes. Sans doute, elles donnent un aperçu de l'allure générale, d'ensemble, mais, souvent, elles trompent, et la moyenne dépend de quelques chiffres, ou très hauts ou très bas, qui faussent ou modifient sensiblement les courbes.

On en jugera à bien des exemples. Cependant, nous allons d'abord examiner l'ensemble, et les groupes, quitte à aborder ensuite les métiers en particulier'.

1. Il est nécessaire, à ce propos, d'indiquer le plan des recensements. La Gewerbestatistik distingue trois catégories ou Gewerbeabtheilungen, savoir : le jardinage, élevage; l'industrie proprement dite et le commerce avec les transports; l'industrie qui nous intéresse surtout ici, se subdivise en 15 groupes; ceux-ci sont encore subdivisés en classes; il y en a 110.

Dans les classes, on distingue des espèces, Arten; il y en a 320 (contre 248 en 1882); enfin il y a des dénominations ou Benennungen; il y en a 7,793 (contre 6,459 en 1882). Plus on va au détail, plus on trouve de variétés.

La répartition des professions est autre que celle des Gewerbe. La profession peut ne s'exercer que dans certains métiers sans être jamais exercée comme entreprise distincte; puis elle s'étend à l'agriculture, etc. Il y a 10,397 dénominations (Berufsbenennungen) (contre 6,179 en 1882) groupées ou 207 groupes et 26 espèces (Arten).

Ces indications prouvent toute la complication que comporte l'étude des recensements, d'autant plus que les dénominations se sont multipliées depuis 1882. Faisons remarquer en passant qu'on y trouve un aperçu des progrès de la division du travail.

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1,714,351 1,877,872 1,714,351 1,877,872 54,5 65,5 16,7 25,6-8,7-8.7 1,220,372 1,004,896 3,056,318 2,457,950 38,8 33,4 29,5 33,4 21,4 24,3 2,934,723 2,882,768 4,770,669 4,335,822 93,3 95,9 46,5 59,0|| 1,8 10,0

113,547 68,763 833,409 77,752 43,952 1,620,848

191,299

500,097 3,6 2,3 8,1| 6,8 891,623 2,5 1,5 15,8 12,2 112,715 2,454,257 1,391,720 6,1 3,8 23,9 19,0 69,7

65,1 66,6

76,9

81,8

76,3

15,624

8,095 1,439,776

742,688 0,5

0,3 14,0 10,1 93,0 93,9

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3,076

255

1,752 1,155,836 127 448,731

657,399 0,1| 0,0 11,2 9,0 75,6 75,8 213,160 0,0 0,0 4,4 2,9 100,8 110,05

18,955 9,974 3,044,343 1,613,247 0,6 0,3 29,6 22,0 90,0 88,7

3,144,977 3,005,457 10,269,269 7,340,789 100,0 100,0 100,0 100,0

4,6 39,9

Petits ateliers

La statistique industrielle (Gewerbestatistik) nous fournit d'abord les éléments d'un tableau, quant à la dimension des ateliers et à leur personnel respectif dans toute la GEWERBE. Nous donnons ce tableau, souvent reproduit, mais nécessaire à la physionomie générale.

Ce tableau suggère déjà les réflexions suivantes : seule la catégorie des toutes petites entreprises (Alleinbetriebe) a subi un recul absolu; toutes les catégories ont progressé, avec un rapport variable, qu'il y a lieu de comparer aussi à celui de la population totale, et surtout à celui du personnel total de l'industrie même. L'augmentation proportionnelle de la moyenne et de la grande industrie y est fort sensible, évidente.

Il est bon de se garer d'ailleurs de l'impressionisme de certains chiffres qui frappent à première vue, comme frappent aussi par leurs masses, certaines colossales entreprises. Prenons un exemple: Le tableau cité nous montre que les entreprises dites gigantesques (Riesenbetriebe), c'est-à-dire de plus de mille personnes, ont, de 1882 à 1895, augmenté dans la proportion de 100.8 %; n'oublions pas néanmoins qu'il n'y en a que 253 dans l'Empire, mais il n'y en avait que 127 en 1882. C'est relatif. Et il faut se garder de cette impression. En Bavière, on constate que les grandes entreprises de plus de deux cents personnes ont augmenté de 133.7 %; soit, mais elles forment encore 0.1 % du total des entreprises! Ce qui est incontestable, c'est que la période est une période de développement très fort de la grande industrie, très prépondérant; elle a absorbé une très grande part de la grande expansion industrielle nouvelle. Son personnel relatif surtout a donc subi une progression énorme. Quand on examine les chiffres relatifs, cela n'est pas contestable, surtout en certains groupes,

mais à cette augmentation ne correspond pas un recul corrélatif des autres formes; la grande industrie a mangé un peu des autres, elle a occupé presque tout le terrain nouveau, voilà le seul fait; mais de là, on le verra, on ne peut conclure à une disparition des métiers, même pour l'avenir '.

Si on remonte à 1875, qui est le recensement précédent, on constate un mouvement d'ensemble pour cette période représenté par les chiffres suivants : augmentation, en 1895, des ateliers : depuis 1882 : 4.6; depuis 1875:7.4; du personnel total : depuis 1882: 39.9; depuis 1875: 58.7.

Le mouvement commencé s'est accentué pendant la période 1882-1895, ce qui était certain; c'est depuis la création de l'Empire que le courant industriel a pris de la force en Allemagne, il s'est accéléré surtout dans la dernière période.

Quant à l'intensité moyenne de groupement ou concentration dans la Gewerbestatistik pour l'ensemble de l'Empire, elle est figurée par la différence du chiffre moyen de personnel par établissement. Elle est calculée de 2.4 en 1882 à 3.3 en 1895.

Malgré cela, la petite industrie a gardé un terrain énorme, son chiffre absolu s'est accru fortement.

Mais ces chiffres d'ensemble doivent être décomposés par groupes; on verra alors seulement leur signification réelle. Il y a une piperie des moyennes, et certaines industries apportent un coefficient tellement élevé qu'elles neutralisent ceux de plusieurs autres. Tel est le cas des textiles. On comprend combien doit s'élever une moyenne par le recul des Alleinbetriebe d'une part, le progrès des Grossbetriebe de l'autre, tout

1. Cf. HITZE, Die Arbeiterfrage-Statistik, p. 7, 14o édit., 1901.

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