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des bazars et maisons de vente (Warenhäuser).

Dans l'ordre de l'action sociale, une place importante doit être donnée à la forte et ancienne organisation des Gesellenvereine. Ce sont des groupes catholiques créés il y a un demi-siècle par un ancien ouvrier rhénan, devenu prêtre; il s'appelait Kolping et son nom est resté en vénération. Il a groupé les artisans, leurs ouvriers et leurs apprentis en Vereine qui se sont successivement répandus dans les pays de langue allemande, et même au dehors pour les voyageurs allemands. Ce sont des cercles qui ont pour but à la fois le relèvement moral, intellectuel et social de l'artisan, et son avantage matériel (Volksbildungsvereine). Ils ont été le foyer d'une action intense et forment un puissant noyau d'une centaine de mille membres, groupés dans environ 1.100 Vereine d'Allemagne, d'Autriche, de Suisse, etc. Ils ont rendu, ils rendent encore de grands services; il y a surtout des unions d'ouvriers, mais il y en a aussi de spéciales pour les maîtres (Meistervereine). On y trouve des cercles, des écoles, des hôtelleries, des restaurants, des conférences, et surtout une vie fraternelle intense basée sur une très forte union religieuse. Ces Vereine sont les centres d'action sociale les plus effectifs dans les métiers. Les étrangers éprouvent une surprise profonde et joyeuse en assistant à ces réunions si animées et si cordiales

des compagnons catholiques des métiers. Nous ne pouvons ici étudier leur mécanisme détaillé; mais le lecteur français pourra aisément en trouver le détail '. C'est là l'action énergique exercée par le catholicisme allemand dans les sphères sociales, sous une de ses formes les plus bienfaisantes. Elle est indispensable,

1. Nos études citées ci-dessous, et L. JANSSENS, Adolphe Kolping, l'apôtre des artisans, Lille, Desclée, 1891.

soit qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de corporation officielle, car celle-ci est neutre, son esprit peut être mal dirigé, la chambre des métiers émane de groupes divers. Il faut éviter que tout cela ne soit inutile ou ne soit même nuisible.

A tous points de vue, économique et social, une action d'éducation et d'initiative s'impose donc en Allemagne et les plus sérieux amis des artisans le comprennent.

Au point de vue économique, il faut se mettre à employer les divers moyens indiqués aux chapitres de ce volume et dont plusieurs sont à leurs débuts.

Au point de vue social, beaucoup ont contre les groupes obligatoires, neutres, parfois animés d'esprit hostile, où les délégations ouvrières peuvent être socialistes même, une défiance très forte. Puisque la loi existe, il faut donc au moins activement organiser l'initiative sociale, et les Gesellenvereine ont là un rôle de premier ordre '.

1. Sur l'ensemble de la question en Allemagne nous nous permettons de renvoyer le lecteur à nos études antérieures où nous avons détaillé bien des points sommairement indiqués ici : Le régime corporatif au XIX siècle dans les États germaniques, Louvain, Peeters, 1894. — Le régime de la petite industrie en Allemagne (Réforme sociale, Paris, 16 avril et 16 mai 1898).-Les métiers de la petite industrie en Allemagne, même recueil, 16 mars 1900.- - Le mouvement social et l'action catholique en Allemagne (2o article), 16 décembre 1900.- Des associations ouvrières en Allemagne (Revue générale, Bruxelles, mars 1899 et mai 1902).- La nouvelle tentative de réorganisation des métiers en Allemagne (Association catholique, Paris, février 1902). On y trouvera une abondante indication bibliographique qui prendrait ici trop de développements.

CHAPITRE XIII

LES MÉTIERS EN BELGIQUE '.

Le recensement industriel si vaste, entrepris par la Belgique en 1896, fournit bien des matériaux; il faut, pour avoir un point de comparaison, remonter à un demi-siècle, au recensement de 1846, qui fut l'œuvre de Quételet et Heuschling. Entre ces deux dates, il n'y a rien eu de suffisant 2. La méthode du travail de 1896 a été très intéressante; ceux qui l'ont dirigée en ont eux-mêmes fait l'exposé, et nous pouvons nous borner à la signaler ici à l'attention. La statistique belge a groupé dans un même travail, afin de s'en servir pour un contrôle mutuel, deux dénombrements, celui des entreprises d'industrie et de métier d'une part, celui des familles ouvrières de l'autre.

C'est au point de vue spécial des métiers et des classes moyennes de l'industrie que nous allons cueillir

1. On pardonnera à l'auteur de donner un chapitre final au mouvement belge qui d'ailleurs présente un réel intérêt actuel.

2. S'il n'y a pas eu depuis 1846 de recensement complet, en 1880, il y a eu cependant un recensement partiel qui nous fournira quelques termes de comparaison. — Armand JULIN, chef de division à l'Office du travail en Belgique, Le recensement général des industries et des métiers en Belgique au 31 octobre 1896 (Réforme sociale, 1900). Les volumes in-4° du recensement lui-même,cadres de dénombrement, et analyses, ont commencé de paraître en 1900.

quelques constatations. Bien entendu, comme toutes statistiques, celle de Belgique peut offrir et offre des lacunes et des erreurs. Mais nous ne pouvons, sous bénéfice de cette due réserve, que signaler les résultats principaux. Pour certains points, des enquêtes ont complété, corrigé, interprété, telle est l'enquête sur l'industrie à domicile qu'a organisée le ministère de l'industrie et qui contient plusieurs monographies de grand intérêt '. Les résultats des recensements, même à notre point de vue, ont déjà été dégagés par des fonctionnaires mêmes qui, accoutumés à leur maniement, en possédaient les divers cadres. Notre besogne s'en trouve allégée; aux cadres proprement dits se trouve jointe, comme en Allemagne, une analyse des résultats dans laquelle on peut cueillir plus aisément les grands faits essentiels. Ces analyses, sans doute, reposent sur certaines données conventionnelles; il y a quelques différences entre leurs bases et aussi celles des autres pays; bornons-nous à signaler le fait à ceux qui voudraient approfondir davantage.

Un chapitre spécial de ces analyses est consacré à la répartition des forces entre les diverses formes industrielles. En voici le tableau d'ensemble pour l'industrie, non compris l'industrie à domicile et les ateliers publics.

Quant à la proportion d'ouvriers par établissement, l'analyse des premiers cadres nous la fournit. Il y a un total de 704.229 ouvriers pour 232.281 entreprises, ce qui donne un peu plus de 3 ouvriers par entreprise; si l'on déduit les mines de houille, ce rapport tombe aussitôt à 2,5. Mais ce rapport varie de l'industrie verrière, la plus agglomérée, avec une moyenne de

1. L'industrie à domicile en Belgique, série de monographies publiée par l'Office du travail en Belgique.

Établissements industriels en Belgique d'après le nombre de personnes employées 1.

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442,80 à la confection d'articles de mode avec 0,47 (prédominance du travail sans aucun ouvrier).

Mais il y a bien des distinctions à faire, et la répartition est bien inégale.

La petite et très petite industrie occupe la presque totalité des entreprises de certains métiers; il est vrai que l'artisan isolé se confond aisément avec l'ouvrier à domicile, mais, cette réserve faite, le relevé constate que les très petits et petits ateliers font dans la cordonnerie les 98,56 %, chez les débardeurs 99,97; les peintres, plafonneurs 92,83; chaisiers et ébénistes 86,61; plombiers, gaziers, électriciens 90, 17 etc. ; tandis

1. Recensement des industries et des métiers au 31 octobre 1896. Analyse des volumes IV et V, p. 26, Bruxelles, 1901.

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