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PRÉFACE

Pas n'est besoin d'une longue préface. Le titre est clair, et nous n'avons à justifier ni son intérêt, ni son importance. Mais ce volume fait partie d'une collection, et ses dimensions sont sévèrement limitées. Il en résulte qu'on y cotoie d'autres volumes, traitant des questions connexes, sur lesquels on ne peut empiéter. Il en résulte aussi qu'on doit contenir le sujet dans des frontières très serrées, même l'ébrécher et le restreindre; à plus forte raison s'interdire les excursions. Il ne sera donc pas question de l'histoire des métiers. La petite industrie, même contemporaine, ne peut être étudiée que chez elle, en elle-même, et non chez le voisin, ce voisin fût-il un concurrent et exerçât-il sur elle une grande influence. Enfin, des éléments essentiels de la petite industrie elle-même, doivent être écartés, étant - réservés à d'autres volumes: apprentissage, syn118827

dicat, corporation, etc. 1. Enfin, spécialisant tout à fait le sujet, on ne parlera ici que de la petite industrie dans nos pays industriels à culture intensive, ceux où actuellement se pose la question dans tout son intérêt palpitant. On le voit, l'auteur a dû forcément se résigner à des lacunes, que d'autres combleront peut-être, à leur point de vue et sous leur responsabilité. Le seul but de cette préface est d'en informer le lecteur.

1. A plus forte raison, n'a-t-il pu être question d'aborder les considérations générales d'Économie politique et sociale. L'auteur renvoie, une fois pour toutes, à son ouvrage : Les grandes lignes de l'Économie politique, 3o édition, in-8°, Louvain, 1901.

Louvain, 15 mai 1902.

LA

PETITE INDUSTRIE

CONTEMPORAINE

CHAPITRE PREMIER

LE PROBLÈME DE LA PETITE INDUSTRIE.

La question des métiers, de la petite industrie, celle des classes moyennes, préoccupe depuis quelque temps l'opinion publique, suscite des études importantes et même une agitation dans certains milieux.

Il y a lieu de grouper les éléments de cette question avec une sollicitude attentive. Ce n'est pas une simple querelle d'intérêts, elle touche à de très graves problèmes d'organisation sociale. Nous nous sommes déjà, à diverses reprises, attaché à en faire connaître divers aperçus, notamment pour l'Allemagne et l'Autriche, où les préoccupations de cet ordre ont pris une sérieuse intensité. Nous voudrions grouper quelques considérations à ce sujet, en nous bornant, dans ce travail, à un seul élément de la vaste question des classes moyennes : celui de la petite industrie.

LA PETITE INDUSTRIE.

1

I.

Comment se pose la question.

Il faut définir cette question des métiers. Elle prend sa place dans l'économie politique, dans la statistique, dans la science sociale. Le métier, l'artisan chef de métier est une notion dont les acceptions ne sont pas fixes. Parfois elle se confond avec celle de petite industrie et alors c'est celle-ci qu'il importe de définir. Parfois, c'est le point de vue social qu'on envisage surtout et c'est l'indépendance plus ou moins grande de l'artisan qui en détermine la notion. Enfin, les souvenirs historiques font à ce mot de métier une physionomie traditionnelle en le réservant surtout aux anciennes professions corporatives des communes médiévales.

Cette variété n'est pas sans être troublante; elle rend difficile la connaissance exacte des faits euxmêmes. La statistique par exemple ne se place pas, dans ses relevés, au point de vue historique, ni même social. Dans les enquêtes au contraire, les appréciations varient d'après ce même point de vue. De là des incohérences, même des contradictions.

Et cependant il n'est pas douteux que les divers points de vue se compénètrent. L'industrie houillière ne fait pas partie de la notion historique du métier; il en est de même de la grosse construction mécanique, née avec les procédés nouveaux; ce qu'elles gagnent n'est donc pas enlevé au métier historique; c'est un champ différent qu'elles exploitent.

Le petit industriel et l'ouvrier en chambre sont deux types sociaux très divers, mais aussi économiquement très voisins, et en fait, souvent presque indéchiffrables, le même homme étant à la fois l'un et

l'autre, étant comme amphibie, et la ligne de démarcation étant très malaisée à tracer.

Au point de vue économique même, où est la limite entre la grande et la petite industrie? On a fait bien des essais de classification des types industriels. Des statisticiens s'en sont tenus au critère simpliste du nombre des ouvriers et de l'emploi des moteurs, mais il y a bien d'autres facteurs plus importants et notamment ce trait essentiel à qui appartient la direction, demeure-t-elle unie au travail manuel, en est-elle séparée? Ce facteur, la statistique ne peut guère le saisir, non plus que celui-ci, socialement aussi important que le précédent : en quelle mesure le travail est-il uni au capital, ou en est-il séparé?

On voit combien cette notion du métier, de la petite industrie se complique, se pluralise, dirais-je, malgré sa simplicité apparente, et combien il faut se garer de la piperie de certains chiffres.

Dans ce qu'on est convenu d'appeler la grande industrie, prédomine naturellement la fabrication en masse; les fonctions directrices et commerciales sont concentrées; mais la grande industrie affecte des formes diverses, l'une qui ne concentre que ces fonctions économiques, l'autre qui groupe aussi le travail dans des établissements agglomérés.

Dans la première forme, le travail s'opère au domicile individuel, mais devient dépendant d'un organisme supérieur; dans la seconde, s'établit l'usine où les travailleurs sont employés à une œuvre commune, souvent groupés autour d'un même moteur.

Ces transformations des industries ont été décrites cent fois. Tous les manuels, et bien des écrits spé

1. Pour toutes les questions d'ensemble, nous renvoyons une fois

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