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catégories d'ébénistes de Paris, celle de Saint-Étienne et de Lyon, celle de divers essais de cordonnerie qu'il faudrait étudier, celle de la bijouterie fine, puis devenue commune en «< doublé » de Pforzheim, de l'horlogerie, et d'autres industries encore, est suggestif et impose dans l'appréciation des faits et de l'avenir une réelle prudence'.

La diffusion de la force motrice peut être utile et précieuse en certains cas. Son efficacité n'est ni absolue ni identique. Il est au moins prématuré de chanter sur ce thème l'épopée bucolique de la houille blanche; mais, d'autre part, il serait impardonnable de détourner la tête, de méconnaître les chances, les éléments de succès et d'avenir; cet avenir est incertain, mais possible; cela suffit.

Sans s'emballer en d'irréfléchis enthousiasmes, il faut assurément suivre ces études techniques et économiques, en étudier soigneusement les applications possibles, et là serait encore un des offices naturels des groupes professionnels. A Lyon, la Société pour le développement du tissage s'en occupe activement. En Belgique, il vient de se constituer à Gand un comité d'études pour le travail familial et le prêt de l'outillage; il s'étend non seulement aux artisans, mais à tout travail à domicile, et on ne peut que donner à ces études un encouragement actif. C'est ce qu'a fait le gouvernement belge en prenant l'initiative de la mis

do

1. P. DU MAROUSSEM, Ébéniste du Faubourg Saint-Antoine. SCHWIEDLAND, Gewerkschafsateliers, cité. WORISHOFFER, Inspections berichte fuer Baden, 1894 (Pforzheim). P. VIGNERON, Les métiers de familles (Réf. sociale, Paris, 1er décembre 1901). GERMAIN MARTIN, La petite industrie et le transport de la force motrice micile (Musée social, janvier 1902). - G. DE LEENER, Le problème actuel de l'industrie à domicile, supplément économique à l'Indépendance belge des 27 février et 6 mars 1902. Ch. GILLÈS DE PÉLICHY, L'industrie de la cordonnerie en pays flamand (Office du travail de Belgique).

sion de MM. Julin et Dubois, sortie des délibérations de la Société belge d'économie sociale'.

Cette enquête a porté sur des industries à domicile qui présentent des degrés inégaux de concentration, mais qui ne sont plus en réalité sous le régime de la pleine entreprise de métier autonome. Il nous est impossible d'analyser cette enquête ici, mais elle est suggestive, et il faut au moins qu'on l'examine, et nous ajoutons, qu'on en renouvelle de semblables. On ne pourra que par la comparaison arriver à juger pratiquement la situation d'ensemble. Mais nous croyons devoir mettre sous les yeux du lecteur un extrait des conclusions des deux enquêteurs belges : à leur avis, on ne peut adopter une solution générale; la complexité économique ne le permet pas. Les bienfaits du moteur électrique paraissent indiscutables quand on se place au point de vue individuel de chaque travailleur ou de chaque groupe économique familial considéré isolément. Le moteur prend place et une place importante dans les machines épargne travail. Il rend l'effort moins pénible et plus fructueux. Plus indécise apparaît l'utilité économique et sociale. Moins est avancée la concentration des instruments de travail, plus large s'ouvre le champ réservé au moteur électrique : la Suisse, Lyon, Saint-Étienne forment une gradation complète à cet égard... La division du travail est une des conditions de l'industrie à notre époque, nouvelle raison qui s'oppose à la restauration complète du travail à domicile. De plus, le perfection

1. Séance du 30 mars 1901. Conférence de M. Ernest DUBOIS, Les moteurs électriques dans les industries à domicile, Gand, Siffer, 1901. Compte rendu de la séance et de la discussion (R. PAILLOT), Revue sociale catholique, Louvain, 1900-1901 (Se année), p. 234. Cf. le rapport sur la mission d'études, communiqué en séance du 10 février 1901, et publié par l'Office du travail de Belgique.

nement incessant de l'outillage est nécessaire et les ressources de l'ouvrier à domicile, même avec des sociétés de prêt, ne suffisent pas à cet élan. En résumé, les avantages de l'industrie centralisée ne sont pas supprimés par l'invention du moteur. Mais dans les branches de la production où le travail encore décentralisé est largement dominant, le moteur électrique pourra vraisemblablement retarder la concentration. A plus forte raison peut-on, nous semble-t-il, étendre ce raisonnement aux métiers autonomes.

<< Dans les industries que nous avons étudiées, concluent MM. Dubois et Julin', l'introduction du moteur électrique dans les petits ateliers constitue un progrès sérieux, fécond en bons résultats individuels plutôt que sociaux, capable pourtant, dans certaines circonstances, d'atténuer les effets douloureux d'inévitables transformations industrielles; on ne peut voir en lui l'instrument de libération de la production décentralisée. »

Ces constatations diverses nous ramènent à notre conclusion: Il faut étudier avec attention et sympathie un système qui semble au moins utile à titre individuel, et qui aussi peut faciliter et améliorer la situation d'ensemble d'industries qui ne sont pas encore concentrées. Il faut diriger de ce côté l'attention des hommes d'étude et des techniciens. Les expériences méritent d'être suivies, elles doivent l'être; on doit multiplier ces études qui, sans exagérer les espoirs, permettent cependant d'attendre des résultats féconds, surtout pour les métiers autonomes qui n'ont pas encore subi toutes les défaites de la concurrence, et peut-être peut-on espérer de l'avenir des solutions plus efficaces encore.

1. Les moteurs électriques dans les industries à domicile : I. L'industrie horlogère en Suisse. - II. Le tissage de la soie à Lyon. III. L'industrie de la rubanerie à Saint-Étienne. Bruxelles, Office du travail, 1902

CHAPITRE VIII

LA QUESTION SOCIALE DANS LE MÉTIER.

Au début de notre exposé, nous avons marqué la position même de la question, et nous avons dit alors que le problème de la classe moyenne est, avant tout, un problème d'ordre social. Nous en avons donné plusieurs motifs : l'indépendance; l'esprit conservateur; l'équilibre; la sécurité; l'esprit familial. C'est à ces divers points de vue qu'on se place pour chercher à maintenir les classes moyennes. Nous avons dès lors examiné quel sort fait à la petite industrie la vie économique et sociale moderne, et nous avons recherché comment le problème des classes moyennes peut recevoir sa solution dans le milieu industriel contemporain.

Nous avons constaté qu'avec des efforts, les métiers de la petite industrie peuvent être assurés d'un avenir sérieux, prospère même, au moins pour longtemps, dans une série de branches d'activité.

Mais, pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'elle s'organise, s'efforce, cherche à réagir contre l'inertie, le conservatisme outrancier, la routine, l'individualisme extrême de la concurrence, les abus de celle-ci, qui sont les mauvais côtés de ses caractères propres.

Il faut non seulement qu'économiquement la petite industrie s'améliore, se mette au niveau des conditions de la technique et du marché, il faut aussi que socialement elle conserve les qualités qui lui attribuent des avantages.

Sans doute, la petite industrie, le métier, par sa nature familiale, ses antécédents historiques, est une forme sociale qui présente des avantages appréciés, mais elle ne les possède pas toujours et nécessairement. Il y a des abus dans la petite industrie; il n'en manque pas, pour divers motifs, et ces abus, il ne faut pas les laisser subsister, il faut les combattre. Sous prétexte de soutenir les classes moyennes, ou le métier, il ne faut pas en faire des sortes de fétiches. Les faits démontrent largement qu'il y a là de grandes améliorations à réaliser, qu'il y a de grandes réformes nécessaires.

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Il nous paraît donc nécessaire d'indiquer ici quelques points importants; nous disons indiquer; car pour les traiter, on le verra, il faudrait étudier toute l'économie sociale, et il n'est possible ici que de signaler ces points. Pour ne pas excéder les limites de ce volume, il a fallu nous limiter à étudier l'aspect industriel de la question des métiers.

1. Le régime du travail dans le métier.

Déprimé lui-même, l'artisan peut être amené à déprimer ses ouvriers; et la question ouvrière a, par le fait, dans le métier une physionomie fàcheuse qui surprend d'abord. Les rapports des patrons de la petite industrie avec leur personnel paraissent d'une nature

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