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AVERTISSEMENT

DES ÉDITEURS.

Le cours que nous offrons ici au public, donné par M. Vinet en 1846, pendant le semestre d'été, n'a pu être entièrement terminé. Au milieu de ses leçons sur J. J. Rousseau, l'auteur a été interrompu par l'aggravation de la maladie à laquelle il a succombé peu de mois plus tard. M. Vinet avait formé le projet d'écrire une histoire complète de la littérature française, et les matériaux en étaient déjà préparés. Parmi ce qui nous en reste, les études sur le dix-huitième siècle ont attiré particulièrement notre attention, soit à cause de l'importance de cette époque relativement à la nôtre, soit en raison de la manière indépendante, impartiale, équitable, dont ce penseur chrétien l'à envisagée. Des qualités analogues recommandent le bel ouvrage de M. Villemain et celui de M. de Barante, auxquels personne ne rendait plus cordialement justice que M. Vinet; mais les points de départ sont différents, l'intention et la mesure ne sont pas les mêmes; nous avons donc le sentiment de ne point offrir au public un livre superflu. C'est à ce public qu'il appartient

d'en apprécier la valeur pour la philosophie, la morale, le sens chrétien, la délicatesse de la critique littéraire. La jeunesse y puisera, nous l'espérons, des jouissances et des forces; elle trouverait difficilement un guide plus sûr.

Le texte de ces deux volumes a été rédigé d'après les notes laissées par M. Vinet, et les développements qu'il leur donnait dans l'improvisation. On a comparé à cet effet les cahiers de quatre de ses élèves. On s'est attaché avec le dernier scrupule à ne rien ajouter à la pensée du professeur; mais le peu de développement de ses manuscrits n'a pas permis de suivre ici la méthode employée pour le cours de Théologie pastorale et pour l'Homilétique. En général, les notes écrites de la main de l'auteur sont des jalons indiquant la marche de la pensée, des sommaires, d'heureuses épithètes, souvent l'indication de passages à citer. Il s'y trouve sans doute des morceaux plus suivis; un petit nombre sont rédigés d'une manière à peu près complète. En comparant les notes avec les cahiers des élèves, on est frappé de tout ce que la parole de M. Vinet ajoutait aux premiers linéaments de sa pensée; nous ne faisons pas allusion ici à la suite, au développement, à la liaison des idées, mais aux points de vue nouveaux qui jaillissent à chaque minute des cahiers reproduisant la réalité de son enseignement. Pour rester fidèle à la pensée du professeur, il a fallu la saisir surtout dans l'édition parlée, qui est de beaucoup la plus vraie et la plus achevée. Toujours, chez M. Vinet, l'idée engendre l'idée; mais dans l'action

de la parole, cette idée naît avec bien plus d'aisance, de simplicité et de largeur.

On a cru devoir, en général, adopter l'ordre des matières suivi dans les cahiers, plutôt que celui des notes, lorsqu'il s'est trouvé à cet égard quelque différence. Ces changements sont fréquents, mais peu importants; ils expriment le dernier choix auquel s'était arrêtée la pensée du maître. Ces circonstances, jointes au peu de développement des manuscrits, ont détourné de l'emploi des crochets, dont la répétition serait devenue fatigante. Les morceaux entièrement écrits de la main de l'auteur sont ici l'heureuse exception; ils ne forment pas le tissu général. Le lecteur discernera sans effort cette plume concise et aiguisée, de la parole un peu moins précise, mais non moins vivante et colorée qui a passé dans les cahiers des étudiants. Si l'on veut comparer notre texte au cours sur Madame de Staël et Chateaubriand, sténographié sous les yeux de l'auteur, et qui forme aujourd'hui le premier volume des Études sur la littérature française au dix-neuvième siècle, on reconnaîtra l'analogie des deux manières.

Quelquefois M. Vinet a reproduit les appréciations de sa Chrestomathie française. On a eu soin d'indiquer la citation et la source.

Ce que nous regrettons plus encore peut-être que la continuité d'un style frappé à un coin si net, ce sont les justes proportions auxquelles l'auteur luimême aurait ramené son cours. Nous n'avons pu y suppléer, ni effacer quelques répétitions. Ce défaut.

est devenu plus sensible par l'inévitable réunion de matériaux de deux sortes ceux du cours donné à Lausanne en 1846, qui forment de beaucoup l'essentiel de l'œuvre, et ceux du cours de Bâle sur les moralistes français. Ces derniers, qui datent de 1833, déjà annoncés dans l'avertissement des Études sur Pascal, ne concernent qu'un certain nombre d'auteurs, et ils ne les envisagent guère que sous le point de vue indiqué par le titre de ce travail. Nous les avons subordonnés au cours de 1846, les introduisant à mesure au lieu qu'ils devaient occuper, avec d'autant moins de scrupule que M. Vinet s'en est servi de la même manière, et a plusieurs fois indiqué avec soin la place des renvois. Ces fragments qui complètent l'appréciation des auteurs, ont sans doute accru la disproportion, soit dans les citations, soit dans le texte; mais on n'aurait pu y remédier sans s'écarter du système auquel on s'est attaché, celui du respect scrupuleux de la pensée de M. Vinet.

Les auteurs pour lesquels on a employé les débris du cours sur les moralistes, sont principalement Voltaire, Montesquieu, Vauvenargues. Il y faut ajouter quelques mots sur Fontenelle, sur Madame de Lambert, sur Buffon, sur Diderot; Duclos en est entièrement tiré. Il en est de même, il y a lieu de le rappeler, pour la partie la plus considérable de l'article concernant J. J. Rousseau. La marche rapide des événements et des idées aurait sans doute donné un nouvel accent au jugement de M. Vinet sur un écrivain dont les théories sont, pour ainsi dire, toutes fraî

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