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confrères. Voyez les Mémoires de l'Académie des sciences. Voltaire écrivit la Philosophie de Newton; la marquise du Châtelet ne fut pas étrangère à ce genre d'études; Montesquieu lui-même fit un Discours sur les glandes. Entre les ouvrages de cet ordre, le Spectacle de la Nature de l'abbé Pluche (1688-1761) se distingue par son caractère religieux.

Les travaux d'érudition sont nombreux. On doit citer parmi ceux qui s'y sont livrés, Fréret (1688-1749), Dom Calmet (1672-1757), le Père Brumoy (16881742), qui fit connaître le théâtre grec par une traduction, peu éminente sans doute, mais qui introduisit la première dans ce monde inconnu, M. et Madame Dacier (1651-1722) ont encore de la célébrité. L'abbé Gédoyn (1667-1744) traduisit Quintilien en 1718; d'Olivet (1682-1748) fit paraître en français les Harangues de Cicéron, et publia sur la prosodie française des remarques estimées. En 1718, l'abbé Girard (1677-1748) publia son livre sur les Synonymes français. La grammaire de Restaut est de 1730. Après cette énumération, et même en y ajoutant Du Cange, l'Académie des Inscriptions et la collection de Montfaucon, nous laissons subsister bien des lacunes dans le champ de l'érudition.

L'histoire subit d'importantes modifications. L'histoire nationale surtout remonte davantage aux sources. C'est le mérite du Père Daniel (1649-1728), dont l'histoire est d'ailleurs écrite à un point de vue de caste et de parti. Mézeray, au contraire, s'était peu soucié des sources; il avait remplacé l'érudition par le génie.

Le Père Daniel remplace le génie par l'érudition. Voilà pour l'histoire érudite.

Un autre genre d'histoire prend alors naissance, c'est l'histoire critique. Le premier ouvrage de ce genre est dû à l'abbé Dubos (1670-1742). C'est une Histoire de l'établissement de la monarchie dans les Gaules. Le livre est systématique. Il ouvre la voie aux travaux que MM. Thierry et de Barante ont publiés de nos jours.

D'autres historiens s'illustrent par le dire de la narration, et rappellent la manière des anciens. L'abbé de Vertot met successivement au jour les Révolutions de Suède et de Portugal, les Révolutions romaines, l'Histoire de l'Ordre de Malte. Rollin rentre dans cette catégorie. Son Histoire ancienne est un ouvrage immortel, malgré ses défauts: longueurs, réflexions oiseuses, peu de vues d'ensemble, peu de critique et de philosophie. Le livre vit cependant par la couleur antique, la simplicité, la bonhomie, un accent de bon ton qu'on ne saurait imiter, une onction qui se répand sur tous les sujets. L'Histoire romaine a moins de valeur. Montesquieu applique à Rollin ce qu'on disait de Xénophon pour l'Attique; il l'appelle l'abeille de la France.

L'histoire philosophique commence à poindre dans les Considérations sur l'histoire, du président Hénault; elle se caractérise mieux dans le livre de Montesquieu sur la Grandeur et la décadence des Romains. Voltaire, qui plus tard se rattachera particulièrement à ce genre d'histoire, appartient pour le moment à la classe des

écrivains épiques. Son Histoire de Charles XII est une véritable épopée, qu'il s'est surtout attaché à narrer avec une rapidité pittoresque.

Il ne faut pas oublier les auteurs de mémoires, Saint-Simon, Mademoiselle de Launay, Madame de Caylus, Louis Racine.

Les sciences politiques viennent à éclore. L'Esprit des lois déborde le cercle où nous nous enfermons ; s; nous retrouverons plus tard cette œuvre importante. Mais les questions sociales sont abordées dans les Lettres persanes (1721) et dans le Sethos de Terrasson (1731). Les ouvrages de l'abbé de Saint-Pierre ne sont importants que par leur volume. Il n'était pas homme de génie. On lui doit cependant, en ce genre, la première manifestation de la liberté de penser; il fit ce qu'on n'aurait pu faire sous Louis XIV, il osa signaler le mal. Une audace analogue avait coûté cher à Fénelon, qui pourtant n'exprimait ses idées qu'au travers d'un voile dans l'utopie du Télémaque. Le Télémaque est l'ouvrage politique du dix-septième siècle. Mais le duc d'Orléans était d'un caractère indulgent et facile; il n'aimait pas la liberté par principe, il la tolérait par nature, et son esprit curieux lui faisait goûter tous les genres d'invention. L'ouvrage le plus important de l'époque par la hardiesse et la nouveauté des vues, ce sont les Lettres sur les Anglais, de Voltaire (1725). Quoique ce livre ne fût pas imprimé en France, il y produisit un tel effet que Voltaire fut exposé à une peine sévère pour l'avoir publié. Cet écrit, qui nous paraît maintenant peu hardi, l'était

tellement pour le temps, qu'on s'étonné de le devoir à la plume de Voltaire, conservateur en toutes choses, sauf en religion. Mais il voulait être neuf, il cherchait le bruit, il arrivait d'Angleterre, et il s'agissait de révéler à la France cette terre aussi inconnue que l'Amérique avant Christophe Colomb.

Dans toutes ces branches, le dix-huitième siècle fait des acquisitions; nulle part, jusqu'ici du moins, nous n'avons de déclin à constater. Mais partout il était question des choses plus que de l'homme. L'homme intérieur, l'homme abstrait, que le dix-septième siècle aimait tant à approfondir, a été peu sondé par le dixhuitième siècle; aussi est-ce dans les branches littéraires qui se rapportent à l'homme que le déclin se montre sensible. La philosophie s'endort; elle est comme en suspension; on ne produit pas, on étudie les systèmes étrangers, celui de Locke en particulier. Rien dans cette période ne témoigne d'une activité philosophique; on attend Condillac.

Il en est de même de la morale religieuse. Il n'en est presque plus question. Duguet (1649-1733), si substantiel, plus moraliste que théologien, appartient pour une part à cette époque; mais il découle de la précédente, il est seul et il a vieilli. On n'a que Madame de Lambert, Vauvenargues, Fontenelle, chez lesquels la morale se détache tout à fait de la religion.

Déclin aussi dans les beaux-arts. Aucun grand nom, aucune renommée populaire ne se rencontre.

L'éloquence subit le même sort. Massillon vit en

core, mais ses chefs-d'œuvre se rattachent à une époque antérieure. D'Aguesseau, Cochin, Normand (16871745) se font remarquer par leurs plaidoyers. Dans le barreau français, ils sont peut-être les plus distingués; mais ils sont loin de s'élever à la hauteur des orateurs du dix-septième siècle.

La poésie, enfin, que serait-elle sans Voltaire? Supprimez Voltaire, que reste-t-il à la poésie de cette période? La poésie lyrique est nulle. J. B. Rousseau vit encore, et sa réputation aussi; mais littérairement, il en est de lui comme de Massillon, il est mort. La poésie épique s'honore de la Henriade (1723), production brillante.

La tragédie est soutenue par Voltaire; c'est l'époque d'OEdipe, de Brutus, de Zaïre, d'Alzire, de Mérope. Sous quelques rapports c'est une tragédie nouvelle ; le domaine de la poésie tragique s'est réellement étendu. Crébillon vit encore, mais ses meilleures tragédies ont précédé la mort de Louis XIV. Nous le comprendrons cependant dans le dix-huitième siècle. Un autre auteur, La Motte, eut un jour d'inspiration dans Inės de Castro (1723). On peut citer encore la Didon de Lefranc de Pompignan (1734) et le Mahomet II de Lanoue (1737).

La comédie décline sans doute, puisqu'elle n'a plus Molière; mais une révolution s'y manifeste. L'esprit de Molière se retrouve encore dans Le Sage (voyez Turcaret, 1709) et dans l'École des bourgeois de d'Allainval (1728). Molière et les auteurs de son école, Le Sage, d'Allainval, Dancourt, Regnard, sont d'accord

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